Intervention de Frédéric Viale

Réunion du 3 juin 2014 à 16h30
Commission des affaires européennes

Frédéric Viale, Attac France :

Sur la question spécifique des services publics, les accords entre l' Union européenne et les États-Unis et entre l'Union européenne et le Canada comprennent le même type de dispositions.

Les politiques européennes et nationales de libéralisation des services publics conduites ces vingt dernières années, avec toutes les conséquences que nous connaissons, n' ont pas attendu les accords de libre-échange. Cependant, la situation risque d'être aggravée par les accords avec les États-Unis et le Canada. Nous avons trois motifs d'inquiétude qui se conjuguent.

Le premier a trait à l'opacité des accords. En effet, nous ignorons, ainsi que les représentants de la nation, quels secteurs seront couverts par les négociations. Celles-ci portent sur une liste dite « négative », c'est-à-dire que l'on exige que tous les secteurs soient libéralisés sauf ceux expressément mentionnés. Or nous n'avons aucune information sur cette liste de services publics.

Si l'on conjugue cet aspect avec le principe du traitement national prévu dans les traités de l' OMC et au point 23 du mandat de négociation de l'accord transatlantique, on peut nourrir les plus fortes inquiétudes sur la capacité des collectivités publiques à encadrer leurs services publics. En effet, cela signifie concrètement que pour les services publics couverts par les accords – dont nous savons rien-, une entreprise privée extérieure à l'Union européenne pourrait s'installer et réclamer, au nom du principe du traitement national, le même traitement que les prestataires déjà présents sur le marché. Si l'éducation supérieure est couverte par les accords, ce que l'on peut imaginer, une entreprise d'enseignement supérieur privée d'outre-Atlantique pourrait s'installer sur le territoire de l'Union européenne et obtenir des subventions. À terme, cela pourrait aboutir à un désengagement complet de l'État et à une remise en cause du périmètre d'intervention de la puissance publique. Un mécanisme de règlement des différends État –investisseur pourrait également avoir des impacts négatifs sur les prestations de services publics et sur la capacité des collectivités publiques à les encadrer. La capacité des collectivités territoriales à passer des marchés publics risque également d'être impactée alors qu'elles ont des compétences étendues en matière de petite enfance ou de personnes âgées.

Le troisième point sur lequel nous avons encore moins d'informations concerne le mécanisme de coopération réglementaire. S'agira-t-il d'une forme de Comité transatlantique qui serait chargé, à l'instar de l'Office of Information and Regulatory Affairs ( OIRA ), de mettre des « coups de rabots » successifs aux réglementations en vigueur, en dehors de tout débat public et en écartant la représentation nationale et les populations ?

Ces trois sources d'inquiétude mêlées nous font nous demander si, par la combinaison de l'opacité, du mécanisme de règlement des différends investisseur-État et de la coopération réglementaire, de tels accords n' aboutiraient pas à la mise en place de ce que l'on appelait sous l'ancien régime les « privilèges » …en faveur des entreprises !

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