Intervention de Anaïs Saint-Gal

Réunion du 3 juin 2014 à 16h30
Commission des affaires européennes

Anaïs Saint-Gal, Terre des Hommes :

Je suis toute aussi inquiète. En effet, nous pouvons constater que la politique commerciale de l'Union européenne viole les engagements juridiques des États membres et de l'Europe. Les droits humains font partie de l'histoire de l'Union européenne. Leur respect est inscrit dans les traités fondamentaux, notamment le Traité de Lisbonne et la Convention européenne des droits de l'Homme . Il se traduit dans la politique extérieure de l'Union européenne, à travers la politique d'aide au développement des pays tiers – aide publique au développement et engagement en faveur des objectifs du millénaire pour le développement.

Or au travers sa politique commerciale, l'Union européenne semble détruire d'un côté ce qu'elle construit de l'autre en faisant primer les intérêts commerciaux sur les droits humains et les droits des peuples. Les accords de libre-échange avec la Colombie et le Pérou en est une illustration. Alors qu'ils devaient être à l'origine des accords de coopération, ils sont devenus des accords de libre-échange dans lesquels l 'Union européenne a profité d'un rapport de force asymétrique lui permettant de faire adopter de nombreuses clauses qui lui sont profitables. Citons l'exemple de l'élimination des subventions allouées par la Colombie et le Pérou à leurs producteurs nationaux, alors même que l'Union européenne conserve ce droit pour ses propres producteurs. Ces accords, signés en 2012 et ratifiés par Parlement européen la même année, ont des conséquences désastreuses sur les droits humains et le développement des peuples, sur les plans économique, environnemental et humain. Ainsi en réduisant au minimum les taxes d'exportation, ces accords limitent la possibilité pour les États de mener des politiques nécessaires à leur développement économique et humain. Autre exemple, en permettant le développement de projets d'industries extractives et d'agro-industries, l'accord augmentera la pression sur la terre. Cela menacera les populations indigènes, mais aussi la souveraineté et la sécurité alimentaire. Cela provoquera des accaparements de terre, des modifications des sols, des réductions de l'accès à l'eau, l'affaiblissement du secteur paysan et des déplacements de communautés.

Cette incohérence entre la politique commerciale de l'Union européenne et sa politique de développement est d'autant plus choquante qu' elle-même et ses États membres se sont donnés pour obligation de mettre en cohérence leurs politiques ayant un impact sur le développement et aussi de respecter et de protéger les droits des pays tiers. En effet, l'article 208 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne contraint l' Union européenne et ses États membres à faire de la réduction de la pauvreté l'objectif principal de leur politique de coopération et à respecter les engagements internationaux comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Or, l'article 2 de ce Pacte dispose que les signataires ne doivent pas nuire indirectement ou directement aux droits des pays tiers et doivent contrôler que l'ensemble des acteurs soumis à leurs juridictions, notamment les entreprises, y respectent les droits de l'Homme ; plus encore, ils doivent aider, au titre de la coopération internationale, les pays les moins développés à mettre en oeuvre la protection et le respect des droits humains.

En conséquence, nous demandons que l'Union européenne révise sa politique commerciale afin de la mettre en cohérence avec sa politique de développement et ses engagements internationaux. Ainsi, elle devrait éliminer toute clause susceptible de nuire aux droits humains et au respect des populations et en revanche, elle devrait inclure des clauses permettant de soutenir des politiques de développement économique et sociale. Elle devrait assortir ses accords internationaux de mécanismes transparents et démocratiques, notamment d'études d'impact en amont des négociations, intégrant la question des droits humains. Des études d'évaluations périodiques devraient également être conduites afin de réviser les accords si une violation est constatée. Rappelons que les accords avec la Colombie et le Pérou sont actuellement mis en application alors que le Parlement français devrait le ratifier ! Enfin, nous souhaitons que les accords intègrent des mécanismes de protection des droits humains fiables, permettant aux populations victimes de former des recours et d'obtenir des dédommagements de la part les multinationales qui ne les respectent pas.

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