Notre organisation a beaucoup oeuvré contre le traité anti-contrefaçon dit ACTA ( Anti-Counterfeiting Trade Agreement ). Or à travers le projet d'accord transatlantique, on peut craindre de revoir réapparaitre les mêmes questions relatives aux droits d'auteur ou à la violation du copyright. S'agissant du numérique, les questions de la responsabilisation des intermédiaires techniques et des hébergeurs en matière de censure ainsi que des violations de copyright et de la surveillance sont problématiques. Une législation américaine comme le Stop Online Piracy Act ( SOPA ) ou le projet ACTA étaient déjà défavorables à l'Europe sur ces points. L' Union européenne est plus protectrice des libertés que les États-Unis, mais le problème majeur tient à l' asymétrie capacitaire dans le domaine d'Internet, compte tenu de la puissance des géants américains de l'Internet. Ce type d'accords et les clauses d'arbitrage ne peuvent qu'être défavorables à l'Union européenne. Si l'on part du principe que cet accord doit montrer la voie et être un accord « modèle », on n'ose pas imaginer ce que ce type de dispositions pourraient donner dans un accord entre les États-Unis et un pays plus faible que l'Union européenne !
La question des données personnelles est censée ne pas être couverte par ces négociations mais nous avons un fort doute sur ce point, eu égard à la définition du périmètre des données personnelles. En effet, un très grand nombre de données commerciales sont en réalité des données personnelles. Si on s'appuie sur les études de la Commission nationale informatique et libertés, on peut voir que nombre de données échangées entre des sociétés américaines et des citoyens européens sont considérées non comme des données personnelles mais comme des données commerciales. La proposition de règlement européen relative au traitement des données personnelles est actuellement en discussion. Nous regrettons qu'elle ne soit pas encore adoptée pour fournir un cadre juridique fort et constituer une base de négociation solide avec les États-Unis.
Se pose aussi la question de la surveillance et des backdoors, c'est-à-dire de l' accès aux données des géants du web par la National Security Agency ( NSA ) révélé par l' affaire Snowden. Il nous semble déraisonnable de négocier des clauses concernant les données personnelles alors que l'Union européenne ne se trouve pas dans un rapport égalitaire avec les États-Unis.
Enfin, la culture ne devrait pas être comprise dans les négociations. Mais quel périmètre convient-il de prendre en compte ? La culture ne pourrait-elle pas être indirectement incluse par le biais de la propriété intellectuelle ? Les violations de copyright pourraient faire partie du traité. La propriété intellectuelle comprend également les brevets, les marques et les données. Or, dans ce domaine – notamment en matière de brevets –, les États-Unis et l' Union européenne mènent des politiques différentes. Sur ce point également, le manque de transparence pose un problème : nous jugeons important de savoir où en sont le mandat de négociation et le périmètre d'action.
Nous souhaitons que les questions des données commerciales, des données personnelles et de la propriété intellectuelle soient exclues du traité. Nous sommes également favorables à ce que l'Union européenne exerce davantage de pression sur les États-Unis au sujet de la surveillance et de l'espionnage, comme elle l'a fait dans le rapport du Parlement européen de Claude Moraes en avril dernier dénonçant le Safe Harbor – système américain de gestion des transferts de données entre l'Union européenne et les États-Unis alors qu'il n'existe pas de dispositif symétrique en Europe.