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Hors Union européenne, nos chiffres concernent les ressortissants français qui se sont vu délivrer des permis de séjour ou de travail. À l'intérieur de l'Union, nous nous appuyons généralement sur les registres de population, tout résident étranger ayant l'obligation de s'y enregistrer dans des pays tels que l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie ou les pays nordiques. Nous avons recours à un autre type de source pour le Royaume-Uni. Ce sont ces mêmes sources de données qui sont habituellement exploitées pour décrire les flux migratoires à l'intérieur de l'OCDE.
En 2012, les Français se sont surtout installés en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni, et ce en nombre égal, triple de celui qui a été enregistré pour les États-Unis. Autre fait surprenant, on observe une augmentation significative de l'émigration française en Espagne et en Suisse avant la crise.
En utilisant les données des recensements de population dans les différents pays, nous pouvons également déterminer le nombre de personnes de 15 ans et plus nées en France résidant dans un autre pays de l'OCDE. Ces données excluent donc les Français nés à l'étranger et les étrangers naturalisés Français. Elles devraient donc être inférieures aux données consulaires. Or, c'est l'inverse que l'on observe dans plusieurs pays. Alors que, selon les données consulaires, c'est la Suisse qui accueille le plus grand nombre de ressortissants français, ce sont dans ce cas les États-Unis qui viennent très nettement en tête, d'après les données de recensement, suivis de près par l'Espagne où le phénomène a connu une très forte augmentation, avec 41 000 expatriés supplémentaires entre 2000-2001 et 2010-2011. Mais c'est le nombre de ces personnes qui ont choisi de s'installer en Allemagne qui a le plus augmenté au cours de cette période, avec 54 000 expatriés supplémentaires. Le Canada est également une destination attractive, accueillant 30 000 expatriés supplémentaires en dix ans.
En dépit de cette augmentation, les chiffres restent relativement modestes en comparaison internationale. En 2010-2011, on comptabilisait 1,3 million de personnes de 15 ans et plus nées en France résidant dans un autre pays de l'OCDE, à comparer aux plus de 3 millions d'expatriés nés en Allemagne ou au Royaume-Uni. En pourcentage de la population française, cela ne représente pas plus de 2,5 % des Français âgés de 15 ans et plus.
La France se classe au dixième rang des pays d'origine de l'expatriation au sein de l'OCDE. Ce phénomène, certes en hausse, reste donc modeste sur le plan démographique.
Nous avons cherché à déterminer qui étaient les Français expatriés et ce qu'ils faisaient. Nous avons eu la surprise de constater qu'il s'agissait majoritairement de femmes, même si leur part a diminué assez nettement, passant de 56 à 52 % en dix ans. Ce phénomène est encore plus net s'agissant de l'expatriation allemande, où la proportion de femmes est restée supérieure à 55 %.
Deuxième constat, beaucoup moins surprenant : il s'agit très largement d'actifs. Il est intéressant de noter qu'en 2010-2011, près de 75 % des personnes nées en France résidant dans un autre pays de l'OCDE avaient entre 25 et 64 ans, ce qui est nettement plus que pour l'Allemagne et le Royaume-Uni. Cette différence s'explique par le fait que l'expatriation en provenance de ces deux pays est le fait de nombreux retraités, ce qui n'est pas le cas de la France.
La répartition de l'expatriation française par niveau d'études est susceptible de vous intéresser plus particulièrement. Si l'effectif global des personnes nées en France et résidant dans un autre pays de l'OCDE s'est accru de 13 % entre 2001 et 2011, le nombre parmi elles de diplômés du supérieur s'est accru de plus de 60 %. Il y a donc une très nette surreprésentation de cette catégorie dans l'expatriation française. En pourcentage, cette augmentation est bien supérieure à celle qu'on observe pour l'Allemagne et pour le Royaume-Uni, mais les niveaux de départ étaient plus élevés dans ces deux cas. En chiffres absolus, cela représente une augmentation sur dix ans de 220 000 diplômés pour la France, contre 330 000 pour l'Allemagne et 240 000 pour le Royaume-Uni. Ces chiffres retraçant une variation de stock sur dix ans, il s'agit d'une certaine manière de flux nets, puisque cela tient compte des départs et des éventuels retours. On observe donc pour notre pays un flux négatif, mais qui est comparable à celui qui est observé pour les pays voisins.
Sans surprise, ce sont les États-Unis qui accueillent le plus de diplômés du supérieur nés en France, mais le nombre de ceux-ci a surtout augmenté en Espagne, en Allemagne et au Canada. On constate aussi que le nombre de diplômés du supérieur nés en France et expatriés en Italie et en Belgique a augmenté, alors que l'effectif global d'expatriés nés en France résidant dans ces deux pays a diminué. Désormais, ce sont donc principalement de jeunes diplômés du supérieur qui émigrent.
Les personnes nées en France travaillant dans un autre pays européen sont à plus de 70 % des employés. 13 % sont des cadres dirigeants ou des gérants, micro-entrepreneurs inclus, et 27 % exercent des professions intellectuelles et scientifiques, ce qui dépasse largement leur part dans la population française dans son ensemble. On observe à l'inverse une sous-représentation assez nette des professions moins qualifiées, qui tient à l'état de la demande sur le marché du travail des pays d'accueil.
Il est intéressant également de comparer les emplois des personnes qui, nées en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, se sont installées aux États-Unis. Si 144 000 personnes nées en France sont employées dans ce pays, ce sont près de 800 000 travailleurs nés en Allemagne et environ 570 000 nés en Grande-Bretagne qui sont dans ce cas. Le nombre de ceux qui exercent des professions qualifiées, notamment dans les technologies de l'information, l'engineering et les sciences physiques et de la vie, est assez modeste, puisqu'ils ne sont pas plus de 15 000, à comparer aux 60 000 environ nés en Allemagne ou au Royaume-Uni. Là encore, si la France participe à ce phénomène de mondialisation qui voit des jeunes qualifiés partir travailler aux Etats-Unis – notamment ceux dont notre pays aurait le plus besoin –, c'est dans des proportions modestes en comparaison de nos voisins.
On constate une hausse du nombre d'étudiants français en mobilité internationale dans un autre pays de l'OCDE. Ils étaient 78 000 en 2011, soit plus que les étudiants originaires d'autres pays de l'OCDE présents en France, qui étaient environ 57 000 – mais l'effectif total d'étudiants étrangers dans notre pays est largement supérieur puisqu'il dépasse le nombre de 250 000.
Le nombre de Français étudiant dans un autre pays de l'OCDE augmente moins vite que le nombre total d'étudiants étrangers dans les pays de l'OCDE. Encore une fois, la France participe à la mobilité internationale, mais dans des proportions qui n'ont rien d'exceptionnel.
Si le Royaume-Uni reste la principale destination de nos étudiants, le Canada et la Suisse apparaissent de plus en plus attractifs, presque au même niveau que les États-Unis.
La part des étudiants étrangers en France reste stable, autour de 6,5 % des étudiants d'origine étrangère présents dans un pays de l'OCDE. En revanche d'autres pays, comme l'Australie, ont connu une augmentation assez importante du nombre d'étudiants étrangers sur la même période. Cette progression est le fruit d'une stratégie des universités australiennes – comme aussi, quoique dans une moindre mesure, des universités britanniques et canadiennes – et d'une politique volontariste du gouvernement australien, qui y voit un moyen d'attirer des personnels qualifiés. L'accueil d'étudiants étrangers représente ainsi le troisième poste d'exportation de l'Australie.
En France, un tiers des permis de travail permanents sont octroyés à des anciens étudiants étrangers. Au total, on comptabilise environ 17 000 changements de statut d'étudiants en 2012, ce qui n'est pas du tout négligeable quand on sait que les effectifs de l'immigration originaire de pays tiers sont un peu supérieurs à 14 000, changements de statut inclus.
En dépit de l'augmentation de 60 % de l'émigration des jeunes diplômés français, le taux d'expatriation de cette catégorie reste relativement modeste, autour de 5 %. Les causes de cette hausse sont à rechercher dans une plus grande ouverture sur le monde, dans la généralisation de l'étude des langues étrangères, dans l'internationalisation des études et du marché du travail qualifié ou encore dans la valorisation de l'expérience internationale par les employeurs comme critère d'embauche. Mais l'évolution peut également refléter des difficultés d'insertion sur le marché du travail français.
Reste à savoir s'il faut s'inquiéter de la hausse du nombre de personnes nées en France et expatriées dans un autre pays de l'OCDE : autrement dit, l'accroissement de la mobilité internationale est-il positif ou négatif pour la France ?
Si on considère le solde migratoire de la France avec les autres pays de l'Union européenne, s'agissant toujours des diplômés du supérieur, on constate qu'il est devenu négatif en 2011, mais dans des proportions extrêmement modestes, l'écart étant d'environ 22 000 personnes. Plus inquiétant, alors qu'en 2000 la France était dans une meilleure situation que l'Allemagne et dans une situation légèrement moins bonne que le Royaume-Uni, ces deux pays bénéficient aujourd'hui de soldes migratoires très positifs. Cette évolution est liée à l'ampleur des flux migratoires intra-européens vers ces deux pays – dans le cas de l'Allemagne, près de 300 000 personnes en 2012 (soit 100 000 de plus qu'en 2011) cependant que le Royaume-Uni a accueilli nombre de Polonais très qualifiés.
La considération du solde migratoire avec l'OCDE dans son ensemble donne toutefois une image assez différente de la situation comparative de notre pays. En effet, les Allemands et les Britanniques s'expatrient assez peu vers les autres pays européens, ayant plutôt tendance à se tourner vers les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Canada. Le bilan est donc nettement moins positif pour ces deux pays, mais il s'est amélioré au cours de la période, du fait notamment des migrations intra-européennes.
En ce qui concerne la France, le bilan est quasiment neutre, mais on observe une légère détérioration au cours de la période, même si ses proportions ne sont pas alarmantes.
Si on considère enfin le solde migratoire avec le reste du monde, la France, qui se situait au quatrième rang en 2000, est désormais cinquième, passant derrière le Royaume-Uni. Elle reste cependant parmi les pays de l'OCDE qui présentent le bilan le plus favorable.
Le tableau est donc en définitive assez contrasté. On pourrait toutefois s'inquiéter si l'on constatait que nos expatriés étaient installés durablement à l'étranger. Or cette question du retour des expatriés est très compliquée et je me défie des chiffres qui ont été diffusés ça et là, notamment par la chambre de commerce de Paris, car ils ont été établis sur la base d'échantillons très réduits. Je pense qu'il faut être extrêmement prudent en la matière. Je me bornerai à vous indiquer quelques éléments, mais ce sujet mériterait une analyse plus approfondie.
Alors que le nombre de diplômés du supérieur français expatriés en Espagne était en forte augmentation entre 2007 et 2010, il diminue depuis, du fait de la détérioration de la situation économique de ce pays. Même si rien ne dit que ces expatriés reviennent en France, ces éléments montrent du moins que mobilité ne signifie pas forcément installation.
Par ailleurs, les statistiques dont nous disposons montrent qu'environ 44 % des Français arrivés en Allemagne en 2012 y étaient toujours un an après, contre environ 41 % en 2011. Mais, en 2012, la proportion pour les autres ressortissants de l'Union et de l'OCDE était respectivement d'environ 50 % et de près de 52 %.
D'autre part, peu de Français acquièrent la nationalité d'autres pays de l'OCDE. Leur nombre reste stable, autour de 8 000 personnes par an, même s'il a très légèrement augmenté. Cela signifie que le lien n'est pas totalement rompu entre les expatriés et la France.
Jusqu'à une date récente, le suivi précis de ces évolutions n'était pas à l'ordre du jour politique et l'on manquait de ce fait d'un outil statistique propre à identifier ces mouvements – rôle que ne peuvent tenir les registres consulaires. L'augmentation des effectifs concernés renforce l'intérêt qu'il y a à se doter d'un tel dispositif. S'ils fournissent une information intéressante, les registres consulaires n'ont pas vocation à assurer l'identification de ces évolutions.
Deuxièmement, il faudrait mieux évaluer la part des éventuels « déterminants négatifs », c'est-à-dire de l'expatriation forcée ou motivée par des raisons économiques ou fiscales. Je ne crois pas qu'on soit aujourd'hui en mesure de le faire : nous disposons, au mieux, notamment dans l'étude de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, d'un faisceau d'indices ténus. Il faut mieux explorer cette question.
Il ne faudrait cependant pas attendre que les conséquences soient clairement négatives pour conduire les politiques nécessaires. Il conviendrait d'ores et déjà de renforcer les liens avec la communauté française à l'étranger. Car c'est l'existence de tels liens qui fait que les intéressés vont continuer à penser France, penser marché du travail français ou penser entreprises françaises. Or, en ce domaine, la France est extrêmement bien équipée avec des médias tels que TV5 Monde, France 24 ou RFI, avec un des plus grands réseaux consulaires au monde et avec le réseau d'écoles françaises à l'étranger. Ce sont des atouts dont les autres pays ne disposent pas. Ainsi, l'Allemagne n'a aucune donnée consulaire sur ses ressortissants à l'étranger. On pourrait également avoir recours à l'Internet, notamment le web 2.0.
Il paraîtrait souhaitable aussi d'envisager une aide au retour des personnes dont le désir de revenir en France se heurte à des obstacles particuliers : mariage avec un conjoint étranger, possession d'un patrimoine dans le pays d'accueil, réintégration de leurs enfants dans le système éducatif français alors qu'ils n'ont pas été scolarisés dans des écoles françaises, ou, à l'inverse, maintien de leurs enfants dans un univers scolaire anglophone en France, etc. Il s'agirait de faire en sorte que ceux qui souhaitent rentrer puissent le faire dans de meilleures conditions.
Il faudrait enfin aider les entreprises françaises, y compris les PME-PMI et les entreprises du secteur public, à recruter dans le vivier des ressources humaines dans les autres pays de l'OCDE.