Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 23 juin 2014 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, même si nous connaissons votre compétence et la sincérité de votre engagement, la conjoncture rend difficile l’élaboration de ce collectif budgétaire.

En effet, il reste nécessaire de poursuivre le redressement des comptes publics, de diminuer la dette et de réduire le déficit, tout en atténuant, si possible, le rythme de cette réduction, puisque désormais, même le FMI déconseille des politiques budgétaires trop restrictives et susceptibles de contrarier une croissance déjà très faible.

Dans un tel contexte, le collectif budgétaire que vous présentez aujourd’hui n’est sans doute pas celui – plus attractif, moins austère – que vous auriez souhaité nous proposer dans d’autres circonstances.

C’est particulièrement vrai pour la situation des ménages. Certes, ces derniers se voient adresser deux principales mesures positives : la réduction exceptionnelle de l’impôt sur le revenu pour les ménages modestes, qui bénéficiera à 3,7 millions de foyers fiscaux, et l’allégement, prévu à partir du 1er janvier prochain par le projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2014, des cotisations salariales pour les salariés percevant entre une fois et 1,3 fois le SMIC.

Par ailleurs, grâce à deux amendements similaires, déposés l’un par notre groupe, l’autre par le groupe socialiste, il y aura prolongation, en 2014, de l’exonération de la taxe d’habitation pour les personnes ayant bénéficié de cette exonération au titre de l’année 2013.

Même si leur montant total – 5 milliards d’euros à l’horizon 2017 – est limité, ces mesures contribueront à soutenir un peu le pouvoir d’achat et la consommation, qui a reculé d’un demi-point au premier trimestre 2014.

En fait, l’exécutif, qui a longtemps prôné exclusivement la politique de l’offre, au point de lui consacrer des sommes considérables, a introduit un recours, minimaliste, à la politique de la demande. Son policy mix est un cocktail comprenant neuf dixièmes de Milton Friedman et un dixième de Keynes – des proportions très inégales, donc, mais qui permettent de rappeler que l’expression « social-libéralisme » n’est pas seulement un oxymore, et que cette formule ambivalente comprend tout de même l’adjectif « social ».

Toutefois, la répartition entre l’offre et la demande reste très inégale. Les lois de finances à venir sont tournées à 90 % vers l’offre : elles prévoient 41 milliards d’euros de baisses d’impôts pour les entreprises, mais seulement 5 milliards pour les ménages, sous forme de baisses d’impôt sur le revenu ou de réduction de cotisations sociales.

Par ailleurs, le gel des prestations sociales pose un important problème. Certes, je remercie le ministre des finances d’avoir accepté le 24 avril, au moment de la mise au point définitive du programme de stabilité, la proposition de notre groupe de fixer à 1 200 euros le seuil en dessous duquel les pensions de retraite y échapperont. La mesure concerne 6,5 millions de retraités, soit presque la moitié d’entre eux. Mais le gel est maintenu pour les pensions de retraite d’un montant supérieur et pour les retraites complémentaires. Il devait également s’appliquer aux aides personnelles au logement, mais la commission des finances a fait le nécessaire en supprimant l’article 6. L’aide prévue par le budget de la sécurité sociale devrait, je pense, connaître un sort identique.

Mais, si les ménages connaissent une certaine rigueur, il n’en va pas de même des entreprises, qui bénéficient d’un important soutien.

Pour combattre le chômage, il paraît sans doute utile d’alléger les charges des entreprises et de les soutenir, car, sans elles, il ne peut y avoir de créations d’emplois dans la durée. C’est l’objet du crédit d’impôt compétitivité-emploi, entré en vigueur dès 2013, et du pacte de responsabilité annoncé par le Président de la République lors de sa conférence de presse du 14 janvier 2014.

Le CICE représente 20 milliards d’euros par an à compter de 2014, soit une somme considérable, de surcroît financée en partie par une augmentation de la TVA de 6,5 milliards d’euros au 1er janvier 2014.

Comme je l’avais fait observer au moment de l’adoption, dans le cadre du PLFR pour 2012, des deux sous-amendements particulièrement succincts et sommaires qui avaient permis la création de ce crédit d’impôt, le CICE, dans sa forme actuelle, présente deux lacunes majeures.

La première est son absence de sélectivité : le soutien qu’il propose s’adresse indistinctement à toutes les entreprises, qu’elles soient, ou non, industrielles, exportatrices et soumises à la concurrence internationale ou bénéficiaires, voire largement bénéficiaires. Ainsi, la grande distribution, comme d’ailleurs de nombreuses sociétés du CAC 40, a profité largement du CICE : son effet en 2013 aura été de 70 millions d’euros pour Carrefour, de 44,8 millions pour Auchan et de plusieurs dizaines de millions d’euros pour le groupe Casino, et il devrait atteindre, en 2014, 80 millions d’euros pour GDF-Suez. À l’évidence, il serait nécessaire de mieux cibler le dispositif en le concentrant sur les secteurs ou les entreprises qui en ont le plus besoin pour leur développement.

La seconde lacune est l’imprécision de la « contrepartisation », si vous me pardonnez ce néologisme, très laid, j’en conviens, mais qui a le mérite d’éviter l’emploi du mot conditionnalité, lequel semble provoquer de nombreuses réserves…

Le CICE a en effet été conçu avec l’intention déterminée d’aider les entreprises à développer l’emploi et l’investissement, et non pour leur permettre de poursuivre à leur guise d’autres objectifs. À cet égard, les atermoiements et louvoiements du président du MEDEF, M. Gattaz, ou les doléances plaintives de son vice-président, M. Roux de Bézieux – lequel paraît souvent plus suffisant que nécessaire

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