Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 23 juin 2014 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Le collectif budgétaire pour 2014, dont nous commençons aujourd’hui l’examen, est un quadruple aveu d’échec du Gouvernement : insuffisance à redresser les comptes publics de notre pays dans la justice, insuffisance à relancer la compétitivité de nos entreprises, insuffisance à redonner du pouvoir d’achat aux ménages et, enfin, insuffisance à renouer avec la croissance.

Premièrement, alors que vous aviez voulu faire croire que la hausse massive des impôts serait payée par les plus riches des ménages, ce sont en fait les classes modestes et moyennes qui en ont été le plus affectées.

Le Premier ministre avait promis, le 27 septembre 2012 que « neuf contribuables sur dix » ne seraient pas concernés par les hausses de fiscalité. Mais le peuple français a bien vu que l’augmentation des impôts et des cotisations sociales a bien plus frappé les classes moyennes que les très riches, et que ce sont les deux tiers des Français qui ont payé la note.

Oui, ce sont bien les classes moyennes qui ont payé en 2013 la majorité des 14 milliards d’euros d’impôts nouveaux sur les ménages voulus par le Gouvernement. Six contribuables sur dix ont ainsi été touchés par le gel du barème de l’impôt sur le revenu, soit seize millions de foyers. Vous qui l’aviez tant dénoncé quand vous étiez dans l’opposition, pourquoi ne pas l’avoir supprimé dès votre arrivée au pouvoir ?

Au total, 95 % des 9,5 millions de salariés effectuant des heures supplémentaires qui ont été touchés par la fin de la défiscalisation sont des ménages modestes. Ils perdent à présent 500 euros par an en moyenne. Nous en mesurerons cette année l’effet en année pleine.

Nous ne pouvons pas non plus croire que les 7,5 millions de retraités imposables qui ont vu leur retraite amputée de 0,3 % soient « riches ». L’augmentation de six euros de la redevance audiovisuelle touche également la quasi-totalité des ménages.

Le relèvement du forfait social sur la participation et l’intéressement de 8 % à 20 % a pénalisé les 8,8 millions de salariés du secteur privé, soit les deux tiers du total des salariés du privé, qui bénéficient chaque année du bénéfice des systèmes d’intéressement ou de participation. Ils perdront en moyenne 500 euros par an. Enfin, 2,5 millions d’indépendants ont été touchés par la hausse de cotisations de 1,3 milliard d’euros.

Vous avez gravement amputé le pouvoir d’achat des ménages, en baisse globalement de 0,9 %, une première depuis 1984, ce qui représente une baisse moyenne de 1,5 % à 1,9 % du pouvoir d’achat de chaque ménage.

Pour 2014, les conséquences de votre politique ont également eu des effets désastreux pour les ménages modestes. Ainsi, la suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille, qui majore les retraites, non pas de 10 %, mais de 10 % à 30 % selon les régimes, a touché 3,8 millions de foyers fiscaux, à hauteur de 1,1 milliard d’euros, soit 300 euros en moyenne par foyer fiscal.

En outre, la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé a amputé de 960 millions d’euros le pouvoir d’achat de 13,2 millions de salariés, soit 140 euros par foyer.

Ces mesures injustes, ajoutées à l’extension en année pleine de la fiscalisation des heures supplémentaires et à l’abaissement du plafond du quotient familial pour chaque demi-part, ont fait rentrer dans l’impôt sur le revenu un nombre considérable de nos concitoyens. Ce nombre est estimé à près d’un million de foyers en deux ans et demi, d’après les chiffres de notre rapporteure générale.

Pourtant, les revenus de ces concitoyens souvent modestes n’ont pas augmenté. La « pause fiscale » promise par le Président de la République pour répondre au ras-le-bol fiscal des ménages n’a donc été qu’un mirage, car nous n’oublions pas les 6,5 milliards d’euros d’augmentation de la TVA au 1er janvier 2014, qui ont touché l’ensemble de nos concitoyens.

La France, selon le rapport Eurostat publié la semaine dernière, est le troisième pays d’Europe pour le poids de sa fiscalité. C’est pourquoi, voyant le drame se profiler, le Gouvernement a décidé en urgence de présenter une mesure visant à compenser les effets catastrophiques de sa politique.

Ainsi, les mesures proposées à l’article 1er visent à rendre non imposables 1,9 million de foyers qui seraient sinon soumis à l’impôt sur le revenu. Mais, parmi ces foyers, près de la moitié étaient probablement devenus imposables du fait des mesures prévues par la loi de finances pour 2014.

Avec vous, c’est deux pas en arrière, un pas en avant ! Après avoir ponctionné le pouvoir d’achat des ménages français de plus de 20 milliards d’euros en deux ans, vous leur rendez 1,16 milliard d’euros, soit 6 % de la hausse !

Votre politique relève de l’amateurisme le plus total et ne fait que renforcer la défiance de nos concitoyens à l’égard du Gouvernement. Le pacte de confiance est rompu, et les mesurettes proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux.

De plus, comme le dit dans un style très « Cour des comptes » notre collègue Dominique Lefebvre, la mesure du Gouvernement fait sortir de l’impôt sur le revenu autant de contribuables qu’il n’y en était entré, mais il n’est pas certain que cela soit les mêmes. Nous sommes même certains du contraire !

En effet, monsieur le secrétaire d’État, nous souhaiterions obtenir des réponses, que la rapporteure générale n’a pas pu nous apporter, car les services qui sont sous votre autorité ne les ont pas fournis. Je répète la question : combien de personnes non imposables au titre des revenus de 2012 sont devenues imposables au titre des revenus de 2013 du fait de mesures prévues par la loi de finances pour 2014 ? Combien de ces foyers vont redevenir non imposables ?

Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne savez pas répondre à cette question, car vous n’avez pas encore exploité les déclarations. Mais nul besoin de les exploiter toutes ! Un échantillon de 10 000 déclarations est suffisant pour permettre aux services de répondre à cette question, qui est au coeur de notre débat.

En outre, les évaluations préalables jointes au projet de loi font apparaître un problème méthodologique assez grave. En effet, on nous avait expliqué qu’il n’était pas possible de calculer l’incidence de la fiscalisation de la majoration pour enfant des pensions de retraites, et une note de la page 110 semble le confirmer. Qu’en est-il ?

Par ailleurs, comment se fait-il que le tableau de la même page ne dise rien de l’impact de l’article 1er sur les recettes fiscales d’autres collectivités territoriales et sur les autres administrations publiques ? Je fais référence à tous les avantages liés à l’éligibilité ou non à l’impôt.

Enfin, qu’en est-il de la perte de recettes liée au fait que 1,9 million de foyers fiscaux ne seront plus redevables de l’impôt sur le revenu ? Vos errements économiques placent la représentation nationale, mais également, et de manière bien plus grave, l’ensemble des Français, devant une incertitude insupportable.

C’est pourquoi le groupe UDI vous demande de revenir immédiatement sur les trois mesures injustes qui ont fait basculer un nombre important de nos concitoyens, 1,9 million en deux ans et demi, dans l’impôt sur le revenu.

Deuxièmement, votre politique a échoué à redresser les comptes publics de notre pays. Alors que le candidat Hollande promettait pendant la campagne présidentielle de ramener le déficit de la France à 3 % dès 2013, les déficits publics se sont réduits beaucoup plus lentement, du fait des erreurs tant du Gouvernement que de sa majorité.

Il atteindra, selon la Cour des comptes, 4 % en 2014, et l’objectif de 3 % fixé par Bruxelles pour 2015 semble d’ores et déjà hors d’atteinte. Sur le front des recettes, alors qu’il manquait 14,6 milliards d’euros au budget de l’État pour 2013, la situation se répète en 2014, conséquence d’un excès de fiscalité imposé tant aux ménages qu’aux entreprises depuis maintenant un peu plus de deux ans. Sur le front de la réduction de la dépense publique, une grande partie des 50 milliards d’euros promis est encore virtuelle.

En effet, selon la Cour des comptes, si 20 des 50 milliards d’euros d’économies sont acquis – réforme de 2013 des régimes de retraite complémentaire, sachant que ce n’est pas l’État qui les a réformés, mais les partenaires sociaux ; gel du point d’indice de la fonction publique, décision gouvernementale – ou supposent le prolongement d’efforts déjà engagés – notamment objectif de croissance de l’ONDAM à 2,4 %, moyenne des quatre dernières années –, des économies à hauteur de 30 milliards d’euros sont encore peu documentées, voire pour certaines d’entre elles incertaines, car elles devront être réalisées par des administrations publiques dont l’État ne maîtrise pas les dépenses. C’est le cas des régimes complémentaires d’assurance vieillesse, de l’UNEDIC et, surtout, des collectivités territoriales à hauteur de 11 milliards d’euros.

Ces dernières risquent de compenser en partie la baisse des dotations que leur verse l’État par une hausse des taux des impôts locaux ou un accroissement de leur endettement, puisque vous n’avez, en l’espèce, prévu aucune mesure. J’ajoute que vous avez multiplié les « fusils à un coup » : vous ne pourrez ni décaler deux fois la revalorisation des retraites du 1er avril au 1er octobre ni poursuivre les petits hold-up traditionnels, que vous avez commis comme d’ailleurs vos prédécesseurs, tels que les prélèvements sur les chambres consulaires ou sur le Centre national du cinéma et parfois sur la Caisse des dépôts et consignations.

Le déficit de l’État se dégrade de 1,4 milliard d’euros : les recettes baissent de 4,8 milliards, alors que les dépenses ne sont réduites que de 3,4 milliards. Pourquoi les dépenses ne sont-elles pas réduites à hauteur du recul des recettes, soit 4,8 milliards pour stabiliser le niveau du déficit, ce qui suppose 1,6 milliard d’euros supplémentaire ? En définitive, nous assistons à la dérive des dépenses publiques, certes petite, pas massive, mais c’est tout de même une dérive, et de la dette qui dépassera 2 000 milliards d’euros fin 2014. Tout le monde sait, monsieur le ministre, que, si Dieu vous prête vie encore un an, vous serez « Monsieur 100 % » ! Il en faut bien un, me répondrez-vous ! Mais, manque de chance, cela tombera sur vous !

La Cour des comptes indique que « d’importantes sources d’économies peuvent être mobilisées sans dégrader la qualité des services publics et diminuer l’ampleur de la redistribution ». Il est temps d’agir !

Mes chers collègues, je dirai, pour conclure, que tous les voyants sont au rouge. Il est grand temps de prendre les mesures qui s’imposent pour redresser les finances publiques de notre pays ! Sans de grandes et courageuses réformes de structures, il est impossible de maîtriser durablement la dépense publique, comme le démontre d’ailleurs le Gouvernement.

C’est pourquoi il doit lancer sans tarder des chantiers essentiels : au niveau territorial en renforçant les intercommunalités ; au niveau de la fonction publique en accélérant la diminution des effectifs. J’ai noté avec satisfaction et je vous en félicite, monsieur le ministre, que vous avez continué à réduire en 2013 de 17 000 le nombre de fonctionnaires de l’État ! Redoublez d’efforts et vous atteindrez 30 000, cela reviendra à ce que nous avons fait pendant cinq ans !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion