Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce collectif est pour le Gouvernement une sorte de quadrature du cercle, dont la résolution est de plus en plus improbable. Le président de la commission des finances, Gilles Carrez, Valérie Pécresse et Éric Woerth l’ont parfaitement démontré.
Je focaliserai mon intervention sur le sort réservé au budget de la défense, qui paie une fois encore un lourd tribut à l’objectif de redressement des finances publiques.
Nos débats doivent être l’occasion d’éclairer la situation réelle de ce budget stratégique, à propos duquel l’exécutif dit, depuis plusieurs mois, tout et son contraire. Il nous faut aujourd’hui obtenir des réponses claires sur la réalisation de la loi de programmation militaire votée en décembre dernier et malheureusement déjà remise en cause. C’est, me semble-t-il, le minimum que le Gouvernement doive aux parlementaires, bien sûr, mais, surtout, aux armées, et en particulier à celles et ceux qui sont engagés sur de nombreux théâtres d’opérations.
En première analyse, ce collectif prévoit 350 millions d’euros d’annulations de crédits, partiellement compensées par des ouvertures de crédits à hauteur d’environ 250 millions. Si l’on s’en tient à ces chiffres, le manque à gagner pour nos armées serait donc de 100 millions.
Cette réduction n’est pas anodine dans un contexte où chaque euro compte ; elle n’est pas non plus anecdotique, le Président de la République ayant plusieurs fois réitéré son engagement de respecter intégralement la loi de programmation militaire, mais le diable, comme souvent, se cache dans les détails et, derrière l’habile jeu d’écritures auquel se sont livrés les fonctionnaires de Bercy, apparaît une ponction nettement plus substantielle effectuée sur le budget de la défense. Le présent collectif appelle donc un certain nombre d’observations et de questions.
Je souhaiterais tout d’abord évoquer les points relevés par notre collègue Valérie Rabault dans son rapport, et m’associer ainsi à ses inquiétudes quant aux modalités de compensation partielle des annulations de crédits.
Le redéploiement de ressources issues du programme d’investissements d’avenir, en remplacement de crédits budgétaires annulés, ne sera pas sans conséquences sur l’exécution du budget 2014. L’augmentation de la part des ressources exceptionnelles, désormais supérieure à 3 % sur le périmètre de la LPM, fragilise de fait le budget de la défense. Je déplore à cet égard que l’incertitude prenne de plus en plus de place dans un secteur qui ne souffre ni l’imprévision, ni l’aléa, en particulier pour les prochains exercices budgétaires.
Dans le prolongement de cette première remarque, je demande que nous soyons totalement informés des actions touchées par l’annulation de 198 millions d’euros de crédits, dont 110 millions non encore mis en réserve, sur le programme 146 « Équipement des forces ».
Dans le rapport de Mme Rabault, nos collègues auront pu comme moi relever également une crainte à peine voilée quant à la survenance de la deuxième tranche de 250 millions d’euros attendue avant la fin 2014 au titre de la clause de compensation. Je ne peux là encore qu’abonder dans le sens de la rapporteure générale et demander un engagement concret du Gouvernement sur cette somme complémentaire.
J’en viens à des questions qui ne recouvrent pas directement le périmètre de ce collectif mais qui, néanmoins, impacteront le budget de la défense.
Tout d’abord, nous nous souvenons que, démontrant sa parfaite maîtrise de la rhétorique du « oui mais », le Président de la République, tout en confirmant son engagement d’exécuter intégralement la LPM, vous a demandé, messieurs les ministres, ainsi qu’au ministre de la défense, de faire des propositions d’ici à la fin du mois de juin pour améliorer les conditions de gestion des matériels et projets, autrement dit, faire de nouvelles économies sur le budget des armées.
Nous sommes le 23 juin, au début de l’examen de ce collectif et, pour l’instant, nous n’avons aucune nouvelle de ces propositions, d’où ma question : pouvez-vous nous dire si nous devons nous attendre à des amendements en cours de débats ou à de nouvelles annulations de crédits hors collectif dans les prochains mois ?
Enfin, je ne peux clore cette intervention sans avoir interrogé le Gouvernement sur le devenir de 400 millions d’euros dus au titre du programme d’investissements d’avenir et qui semblent avoir été aspirés dans une sorte de triangle des Bermudes budgétaire. Je me contenterai à cet égard de citer la Cour des comptes, en page 205 de son rapport de mai dernier consacré au budget 2013 : « Les crédits de la mission "Défense" pour 2014 ont été amputés de 400 millions d’euros pour financer des dépenses de 2013 : des crédits du programme d’investissements d’avenir de la LFI 2014 ont en effet été utilisés en janvier 2014 pour payer une fraction de la subvention du CEA au titre de 2013. » Et la Cour de conclure : « Si cette opération a permis de diminuer les restes à payer de la mission, elle a réduit d’autant les crédits disponibles pour l’exercice 2014. »
À ce jour, je ne suis pas parvenu à obtenir la moindre explication sur cette manoeuvre budgétaire qui confine à la cavalerie pure et simple. En tout état de cause, si cette consommation était avérée, et non compensée, cela signifierait que le budget de la défense souffre à l’heure actuelle d’un retard d’un demi-milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale.
Sur l’ensemble de ces points, je ne doute pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous aurez à coeur de nous apporter des réponses précises.