À ces deux questions qui s'emboîtent – la mobilité dans le Grand Paris à l'horizon 2025 et la candidature de la France à l'Exposition universelle –, nous pouvons, en notre qualité de transporteur quotidien de 3 millions de passagers, apporter quelques éléments de réponse sur deux plans : la gestion des grands événements, dont nous avons l'expérience, et le Grand Paris.
Pendant les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), qui ont été une réussite, la ligne C du RER a joué un rôle fondamental, une foule très nombreuse étant réunie autour du pape au Champs-de-Mars et près de la Tour Eiffel ; le constat a été fait que nous pouvions travailler avec les collectivités territoriales et les services de l'État, dans un site emblématique, pour assurer à la fois le transport et la sérénité des participants. Quant à la Coupe du monde de football de 1998, elle s'est déroulée au Stade de France mais aussi, on l'oublie souvent, dans plusieurs stades de province ; un dispositif de transport spécifique avait été pensé pour les équipes et les supporters, et les choses se sont faites, cette fois encore, dans la sérénité. Dans les deux cas, le jugement porté sur les transports par l'ensemble des participants a été positif.
Mais à supposer qu'une exposition universelle soit organisée en France en 2025, l'événement aurait une autre dimension, et en durée et en nombre des visiteurs accueillis. Les JMJ avaient duré quelques jours ; six mois, c'est une autre histoire. Faudrait-il adapter l'offre de transport à des visiteurs aussi nombreux ? Nous pouvons dire si cela est possible techniquement, mais c'est au Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) qu'il revient de déterminer si l'idée est pertinente, et si elle l'est, de définir le schéma des modes de transport supplémentaires nécessaires et la tarification.
Comme nul n'en ignore, le réseau Transilien est saturé ; d'autre part, son état appelle un programme de rénovation massive des infrastructures, qui durera des années. La représentation nationale examinant en ce moment même le projet de réforme ferroviaire, on peut espérer que l'organisation des transports collectifs de voyageurs sera stabilisée rapidement et que les crédits permettant la rénovation du réseau en Île-de-France seront débloqués à une cadence suffisante pour qu'en 2025 ces difficultés aient été résolues. L'effort financier à venir porte et sur la remise en état du réseau et sur la création de grandes infrastructures. Pour ce qui nous concerne, il s'agit du projet Eole de liaison entre Seine Aval, La Défense et l'Est parisien. Si le calendrier prévu est tenu, ce projet sera achevé avant 2025, ce qui concourrait à une offre de transport supplémentaire au moment de l'exposition universelle. Le STIF a aussi réaffirmé son engagement à réaliser plusieurs projets de tramway, lesquels n'offrent pas les mêmes capacités de transport qu'Eole : une ligne entre Massy et Evry ; le prolongement de la ligne T4 à Clichy-sous-Bois et Montfermeil ; la tangentielle Nord, qui devrait être mise en service en 2017.
En résumé, étant donné le retard d'investissements dans le réseau depuis 30 ans, nous sommes à la limite de nos capacités sur de nombreux axes majeurs et de lourds travaux s'imposent pour augmenter le volume de l'offre de transport. Pour les réaliser, une décennie n'est pas une durée aussi longue qu'on pourrait le penser. En toute hypothèse, sur ces axes majeurs, même si le réseau est amélioré, il n'est pas certain que nous puissions transporter beaucoup plus de passagers qu'aujourd'hui aux heures de pointe : certains corridors sont à saturation, et les mesures à prendre pour résorber cette saturation amèneraient en tout état de cause au-delà de 2025. Dans d'autres corridors où les projets sont lancés l'offre sera augmentée : c'est le cas d'Eole et de certaines lignes de tramway, et cela concourt à une géographie différente des transports en Île-de-France
Vous comprendrez que je ne puisse me substituer à la Société du Grand Paris pour traiter du Grand Paris Express, dont elle est l'opérateur. Je souligne toutefois que le futur maillage de la couronne parisienne modifiera le rôle de Transilien SNCF. En ce moment, nous transportons principalement les voyageurs de banlieue vers Paris et la première couronne ; la nouvelle organisation fera de nous un transporteur de banlieue à banlieue. À titre d'exemple, qui veut se rendre aujourd'hui d'Arcueil à Melun par les transports en commun doit transiter par Paris, ce qui incite à prendre sa voiture ; il en ira différemment. De même, le trajet Clamart-Fontainebleau, actuellement très compliqué, se fera à l'avenir par le biais du métro automatique, à une fréquence soutenue. À l'horizon 2025, ces connexions de périphérie à périphérie nous conféreront un rôle structurant dans la mobilité à l'échelle de la métropole. Cette mobilité nouvelle permet aussi d'envisager une exposition universelle non plus centrée sur le coeur historique de l'agglomération mais polycentrique : voyager d'un site à un autre sans devoir passer par Paris permet des déplacements plus faciles et plus rapides. Le projet d'exposition universelle peut donc servir de révélateur du changement profond de la géographie des transports en commun en Île-de-France dans la décennie qui vient.