Intervention de Pierre Simon

Réunion du 18 juin 2014 à 18h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Pierre Simon, président de l'association Paris Île-de-France Capitale économique :

Vous accueillez deux interlocuteurs qui, je vous le dis d'emblée, soutiennent avec enthousiasme la candidature de la France à l'Exposition universelle de 2025. Mon propos reflétera le point de vue de l'association Paris Île-de-France capitale économique, qui oeuvre au renforcement de l'attractivité de la région pour y attirer les investisseurs.

Notre premier outil de diagnostic est l'édition annuelle de l'Observatoire des investissements internationaux créateurs d'emplois et d'activités nouvelles – dits investissements Greenfield – dans les principales métropoles mondiales, réalisé par le cabinet KPMG à notre demande. D'autre part, nous avons publié, en coopération avec la Chambre de commerce de Paris, une étude réalisée avec la contribution du cabinet Roland Berger, intitulée Compétitivité et attractivité, le double défi des villes globales : comment réinventer le modèle économique de Paris-Île-de-France? ». Elle tend à définir comment se forme le PIB des métropoles, quelle est son origine et s'il existe différents modèles économiques ; les comparaisons peuvent toujours prêter à interprétation, mais ce sont de bons indicateurs. Enfin, même si elles sont plus subjectives, les observations des investisseurs que nous rencontrons méritent que l'on s'y arrête.

Ces études montrent que nous perdons du terrain depuis cinq ans au moins. Les chiffres, établis à partir d'une base de données internationales, sont incontestables : en cinq ans, le nombre de nouveaux investissements directs étrangers dans la région capitale est passé de 192 à 108, remontant un peu l'année dernière. Pendant la même période, ils passaient, à Londres, de 276 à 350 – après un pic à 389 dû aux Jeux olympiques – et, à Shanghai, de 171 à 240, avec un pic à 309 au moment de l'Exposition universelle.

Nous perdons aussi du terrain en termes de croissance. Aujourd'hui, le PIB de Paris Île-de-France est le troisième PIB métropolitain mondial, derrière ceux de New York et de Tokyo. Tout dépend certes du périmètre des régions considérées. Cependant, la comparaison des taux de croissance naturels à Paris Île-de-France et dans les autres métropoles mondiales montre que, toutes choses égales par ailleurs, la région capitale rétrogradera à la huitième place en 2030. Cela tient pour partie au poids nouveau des pays émergents, mais il est ennuyeux que le taux de croissance de Londres ou de New York soit supérieur au nôtre. Prenons pour exemple le tourisme : représentant en moyenne 10 % du PIB – un peu moins pour nous –, c'est une activité majeure pour toutes les métropoles. Dans ce secteur, nous sommes en deuxième position, derrière Londres, en nombre de touristes internationaux reçus, mais une fâcheuse stabilisation s'est produite au cours des dernières années. Un glissement s'est opéré : nous recevons beaucoup plus de touristes asiatiques mais moins d'Américains et d'Européens. Il n'y a pas d'effondrement mais pendant qu'il bondissait de manière spectaculaire à New York, le nombre de touristes étrangers est demeuré le même à Paris.

Indépendamment de ce diagnostic, et dans la perspective d'une candidature à l'exposition universelle de 2025, j'appelle en premier lieu votre attention sur le fait que l'innovation, sous toutes ses formes, est au coeur de la stratégie de développement économique de toutes les grandes métropoles performantes. Ainsi M. Bloomberg, son ancien maire, a-t-il affirmé de manière catégorique la volonté politique de faire de New York la deuxième Silicon Valley.

Ensuite, les métropoles qui réussissent ont, toutes, adopté une gouvernance économique unique résultant d'un plan stratégique, élaboré et mis en oeuvre en association étroite avec le monde économique.

Enfin, l'image d'une métropole n'est qu'un élément parmi d'autres du choix des investisseurs. À l'enquête réalisée auprès de 500 grandes entreprises auxquelles il était demandé de dire : « Quelle capitale a la plus belle image ? », il est frappant de constater que les grandes capitales « traditionnelles » que sont Paris, Londres ou New York ont été citées bien plus souvent que celles qui reçoivent le plus d'investissements – Pékin ou Mumbai par exemple. En d'autres termes, l'image globale, subjective, n'est pas sans importance, mais les critères de décision des investisseurs sont plus objectifs. Ils vont là où ils sont assurés d'une stabilité juridique et fiscale, là où l'économie est en croissance, là où il y a un marché, là où existent de bonnes infrastructures de transport et informatiques et où le personnel est bien formé ; là, aussi, où la qualité de vie est bonne, mais ce critère vient en queue de liste…

L'attractivité d'un territoire suppose donc la définition d'une politique d'ensemble. À cet égard, certains épisodes ont un effet dramatique : si l'on s'efforce d'attirer des investisseurs en leur vantant le crédit d'impôt recherche mais que la presse explique suite que l'État pourrait remettre le dispositif en cause, le mal est fait quelle que soit la décision finalement prise par la puissance publique.

Pour autant, l'image d'un territoire n'est pas tout à fait neutre. Or, il existe un décalage important entre les faits et la perception que l'on a de nous à l'étranger : l'image que nous projetons est moins bonne qu'elle ne devrait l'être. Ainsi, dans le classement établi à la suite des réponses à la question « Quelle métropole européenne est la plus innovante ? », posée dans une étude menée il y a deux ans, Londres arrive en tête, devant Paris ; pourtant, nous avons deux fois plus de chercheurs et nous déposons deux fois plus de brevets que nos voisins britanniques. Puisqu'elle a des répercussions sur l'appréciation globale portée sur un territoire, l'image projetée n'est pas indifférente ; nous devons donc impérativement travailler notre marketing.

D'autre part, la France est perçue comme immobile et incapable de se réformer ; c'est un handicap réel. Pour déconstruire cette image, je me sers du dossier du Grand Paris, dont l'importance est cruciale pour faire valoir que, au contraire, notre pays a une vision. Il est essentiel de parvenir à démontrer que non, nous ne faisons pas que regarder derrière nous, et que nous avançons. Je suis frappé de constater que nombre de mes petits-enfants considèrent que les choses bougent, ailleurs, plus qu'en France.

Si l'idée d'une candidature de la France à l'Exposition universelle de 2015 nous enthousiasme, c'est que tous les territoires qui ont organisé de grands événements ont connu une poussée d'investissements ; à Londres comme à Shanghai, les chiffres en attestent.

C'est aussi que l'exposition universelle serait en soi une occasion exceptionnelle de contacts avec des investisseurs industriels et financiers ; cela doit être organisé très en amont car il y a là un enjeu économique majeur.

C'est encore parce que, j'en suis convaincu, une exposition universelle serait un sérieux accélérateur du dossier du Grand Paris, dont la réalisation n'est pas acquise aujourd'hui : il serait inconcevable qu'un tel événement se tienne sans qu'une liaison express ait été réalisée entre Paris et les aéroports de Roissy et d'Orly. L'exposition nous donnerait ainsi une occasion exceptionnelle de mettre en valeur nos savoir-faire en matière de transport, qu'il s'agisse de trains ou de gares ultra-modernes, et le calendrier, s'il est tenu, est parfait.

L'exposition universelle serait aussi l'occasion de valoriser l'image de Paris « capitale du bonheur », et par ricochet les industries du bien-être et de la mode. Paris, c'est aussi cela, et nous ne devons ni perdre ni négliger cette image d'excellence.

J'ai cru comprendre que vous voulez faire de l'innovation la trame de l'exposition ; l'idée est excellente, car c'est l'argument avancé par toutes les grandes métropoles qui cherchent à « se vendre ». Il faut entendre l'innovation en tous domaines – design, image, numérique, biotechnologies… – et mobiliser pour cela entreprises, pôles de compétitivité et incubateurs.

L'exposition universelle donnerait aussi l'occasion bienvenue de tester une nouvelle gouvernance économique : pareil projet ne peut s'envisager sans une gouvernance unique bien organisée, associant les entreprises. Enfin, en mobilisant les énergies, l'exposition universelle permettrait de combattre le pessimisme.

Cependant, quelques interrogations demeurent. En premier lieu, l'angle choisi pour présenter la candidature de la France est intéressant mais son originalité est facteur de risque. D'autre part, une exposition universelle crée des conditions nouvelles de vie, notamment économique, pendant une longue période. Il faudra donc résoudre les problèmes de coordination avec des manifestations habituelles qui ont elles-mêmes un poids important. Le salon de décoration Maison et objet représente ainsi 10 000 nuitées et a un fort impact pour les taxis et les restaurants. Cela peut-être une opportunité : on peut imaginer des coordinations ou trouver des modalités d'association possibles pour favoriser à cette occasion les contacts entre investisseurs et entreprises. Se pose encore la question de l'équilibre financier d'une telle manifestation, dont je ne doute pas qu'elle est au coeur de vos réflexions.

Enfin, le professionnalisme de l'organisation de la candidature est une exigence absolue, et l'une des conditions de la réussite. Vous pouvez compter sur nous. Nous avons déjà pris des initiatives pour mobiliser nos membres, dont certains participent à votre tour de table. Nous serons à vos côtés, dans la mesure de nos moyens.

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