Intervention de Jean-Ludovic Silicani

Réunion du 18 juin 2014 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean-Ludovic Silicani, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, ARCEP :

Je reviens tout d'abord sur les questions qui m'ont été posées concernant La Poste. Notre compétence ne concerne pas les activités de La Banque postale et sont par ailleurs limitées à celles qui relèvent du service universel, à savoir le courrier et les petits colis. La Poste est confrontée à un bouleversement de son modèle économique qui se traduit par une chute massive du courrier et qui pose la question de son existence même. Nous devons donc tous, régulateur, Gouvernement, Parlement et La Poste elle-même, aider celle-ci à trouver un nouveau modèle économique pour faire face à cette situation qui n'est d'ailleurs pas spécifique à la France.

Pour revenir aux télécoms, je débuterai par la question de la dimension européenne, qui est effectivement importante mais dont l'appréhension est souvent source de confusions que je vais tenter de dissiper. Il y a en fait trois questions, celle de la taille des opérateurs européens, celle de l'harmonisation des marchés en Europe et celle d'un éventuel régulateur européen. En ce qui concerne tout d'abord la taille des quatre grands acteurs européens que sont Vodaphone, Orange, Telephonica et Deutsche Telekom, ils ont davantage d'abonnés que les grands acteurs américains Verizon et AT&T. Ils sont en revanche en deçà pour ce qui concerne le chiffre d'affaires en raison d'un revenu plus faible par abonné. L'ordre de grandeur n'est toutefois pas très différent entre les quatre grands opérateurs européens et les américains. En ce qui concerne les parts de marché sur le mobile, les quatre européens regroupent environ 70 % des abonnés européens alors que les quatre américains, sans doute bientôt trois en raison d'un projet de fusion, représentent quant à eux 90 %. Il y a donc un plus fort taux de concentration aux États-Unis même si les différences ne sont pas considérables. Les grands acteurs européens restent largement nationaux. S'ils devaient se développer et devenir transnationaux, il faut bien prendre conscience que nous n'aurions plus le choix en France qu'entre ces quatre opérateurs, dont un seul est français, et que les autres opérateurs français seraient appelés à disparaitre.

Dans l'hypothèse d'un marché européen intégré, la présence d'un régulateur européen apparait nécessaire mais l'on peut se demander si les États verraient d'un bon oeil l'arrivée de ce régulateur européen indépendant. Je suis assez réservé sur ce sujet. Il faut pour autant poursuivre l'harmonisation du marché européen pour supprimer les différences significatives entre les différents marchés. Pour répondre à la question sur les factures d'un montant astronomique à l'étranger, la raison en est qu'il existe des règles de facturation entre opérateurs et que l'itinérance internationale demeure à un prix élevé. Il existe encore des frontières en matière de téléphonie mobile et il serait souhaitable qu'elles se réduisent progressivement.

Les services à valeur ajoutée (SVA) constituent un sujet important qui concerne aussi bien l'accès à des services publics qu'à des offres commerciales. Ce secteur connaissait un grand désordre et des abus considérables et nous avons souhaité remettre les choses en ordre à partir de 2011 afin de clarifier les choses et poser des règles de déontologie. Il convenait également de distinguer clairement le prix de la communication qui relève des opérateurs du prix du service qui concerne l'éditeur. Ce travail en concertation avec les opérateurs et les éditeurs de SVA a débouché sur une décision cadre en 2012. Le calendrier initial est apparu trop optimiste, il a donc été décalé de six mois afin que cette réforme importante qui concerne aussi bien des marchés de gros que des marchés de détail soit opérationnelle en temps voulus. J'ajoute qu'il apparait particulièrement choquant que les appels vers des services publics fondamentaux tels que Pôle emploi ou les hôpitaux fassent l'objet d'une surtaxe.

J'en viens aux pouvoirs de l'ARCEP et l'usage qui en est fait. Faute de publication du décret que j'ai déjà évoqué, l'ARCEP est privée depuis un an de ses pouvoirs de mise en demeure et de sanction. Dans cette attente, nous avons lancé des enquêtes administratives qui permettront peut-être, le cas échéant, de procéder à des mises en demeure. Ces enquêtes portent essentiellement sur la 3G mobile. Tout d'abord pour vérifier que les obligations de Free sont bien atteintes en matière de couverture de la population à l'horizon de janvier 2015 - 75 % de la population. Une autre enquête porte sur le respect par SFR de ces engagements de rattrapage par rapport à la situation de 2009 puisqu'une interrogation demeure à cet égard. Enfin une enquête porte sur l'absence de déploiement d'infrastructures mutualisées par les trois opérateurs pour couvrir les zones blanches de la 3G.

Sur ce dernier sujet, il est tout d'abord nécessaire de définir ces zones. Il appartient aux préfets, aux maires et aux exécutifs locaux d'informer les pouvoirs publics et le régulateur de la localisation de ces zones. Ces informations sont précieuses pour actualiser les données récoltées pour la 2G et pour initier des contrôles dans le cadre de l'enquête annuelle « cantons » relative à la couverture. Cette année nous prévoyons de faire porter ces contrôles sur 150 cantons représentatifs de la situation dans les différents types de territoires. Je vous invite donc à m'écrire si vous avez identifié ce type de problème. Au-delà de ces contrôles, l'enquête administrative que nous avons diligentée va nous permettre d'aller chez les opérateurs pour vérifier une série de points auxquels nous n'avons pas accès actuellement. Si, comme il est vraisemblable, nous constatons que les opérateurs n'ont pas rempli leurs obligations sans avoir de raisons valables, nous en tirerons les conséquences via une mise en demeure de se mettre en conformité, la fixation d'un nouveau délai pour régulariser la situation et, à défaut, des sanctions. Par ailleurs, si nous constatons l'inefficacité du mode contractuel qui a été choisi pour permettre aux opérateurs de mutualiser leurs investissements en vue de couvrir les zones blanches, nous prendrons une décision réglementaire unilatérale et impérative dès lors que le pouvoir de sanction nous aura été redonné.

En ce qui concerne les conséquences des mouvements de concentration des opérateurs ainsi que le déploiement du FTTH sur les zones dites AMII, je pense avoir d'ores et déjà répondu mais je peux compléter ces réponses par écrit si vous le souhaitez. Je répondrai par écrit sur les questions de délai de réseaux dégradés qui sont très techniques.

L'ARCEP n'est pas compétente en matière d'implantation des antennes relais qui relève d'autorisation d'implantation des maires.

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