Intervention de Son Excellence M Yossi Gal

Réunion du 11 juin 2014 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Son Excellence M Yossi Gal, ambassadeur d'Israël en France :

hers amis, c'est un honneur pour moi de m'adresser à votre Commission, convaincu que je suis de la similitude de nos idéaux – la démocratie, la liberté et le respect des droits de l'homme – et de nos intérêts. Je suis heureux de partager avec vous quelques réflexions sur l'actualité dans notre région du monde.

Auparavant, je tiens à féliciter les autorités françaises d'avoir arrêté le terroriste qui a commis à Bruxelles l'attentat dans lequel deux Israéliens, une Française et un Belge ont perdu la vie. Nous sommes très préoccupés par l'accroissement du nombre des Européens qui se mettent au service des extrémistes. Terrorisme et extrémisme font malheureusement partie de la liste de nos préoccupations communes.

Je suis en poste dans votre magnifique pays depuis plus de trois ans. Pendant tout ce temps, le Moyen-Orient a connu un tremblement de terre politique. On ne peut comprendre l'actualité sans prendre en compte le voisinage d'Israël. Or, il y a trois ans, la naïveté a largement prévalu. En France comme ailleurs, certains pensaient que le rêve deviendrait réalité et que les pays arabes progresseraient sur la voie de la démocratie. Un début prometteur, en Tunisie, a laissé croire qu'une évolution historique se dessinait sous nos yeux. Personne n'aurait été plus heureux que nous si cela s'était vraiment produit : le rêve fou d'Israël est d'être entouré de régimes démocratiques car, de nos jours, les pays démocratiques ne font pas la guerre. Mais, plus réalistes que d'autres, nous avons averti que des extrémistes détourneraient les révoltes pour satisfaire leurs objectifs propres. Ceux qui, à l'époque, récusaient cette thèse conviendront sans doute aujourd'hui que la situation au Moyen-Orient s'est encore compliquée et que le Printemps arabe a provoqué certains des séismes auxquels nous faisons face maintenant.

Voyons ce qu'il est en est dans le voisinage proche d'Israël. En Syrie, Assad continue de massacrer son peuple avec l'aide du Hezbollah et de l'Iran, et rien ne se passe. Je salue l'initiative prise par la France de demander la traduction de ce criminel devant la Cour pénale internationale, mais elle n'y parviendra pas seule. Et, la semaine dernière, un simulacre d'élection présidentielle a eu lieu, ceux qui n'ont pas été massacrés et ceux qui n'ont pas fui par millions vers la Jordanie votant « massivement » pour Assad.

Au Liban, le Hezbollah figure enfin sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne en raison de son implication dans des activités terroristes sur le territoire européen et de son soutien à l'axe Damas-Téhéran. Encore une fois, la France doit être félicitée pour le rôle qu'elle a joué dans la prise de cette décision. Le régime syrien et le Hezbollah ne sont qu'une extension du régime des ayatollahs de l'Iran, pays qui continue de menacer la paix mondiale par sa course à l'arme nucléaire, son implication dans le terrorisme et son soutien au Hamas et au Hezbollah, tout en niant la Shoah. La France est à l'avant-garde de l'opposition internationale à l'acquisition par l'Iran d'une capacité nucléaire militaire.

La Jordanie, pays dont la stabilité est primordiale pour vous et pour nous, est submergée par les réfugiées en provenance de Syrie, ce qui la met en péril.

En Égypte, nous suivons avec attention les efforts extraordinaires déployés par le gouvernement pour débarrasser le désert du Sinaï du terrorisme, de la contrebande d'armes et du trafic d'êtres humains.

Je vous épargnerai mon analyse de la situation en Libye et au Mali, dont vous savez tout, mais là aussi terrorisme et fanatisme ont pris racine, comme chez nos voisins proches.

Voilà qui m'amène à notre sujet principal, l'accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas. Au lieu de choisir le chemin de la paix, Mahmoud Abbas a fait alliance avec une organisation terroriste qui appelle à la destruction de l'État d'Israël. Il a même refusé de discuter de la reconnaissance d'Israël comme État national du peuple juif. Il a violé les accords existants en décidant unilatéralement l'adhésion aux traités internationaux et la formation d'une alliance avec le Hamas. Celui qui choisit un tel partenaire ne veut pas la paix.

J'ai lu attentivement le compte rendu de l'audition de mon collègue représentant la Palestine par votre Commission. Je ne veux pas polémiquer avec lui : c'est un ami, et c'est avec lui et avec son peuple que je souhaite faire la paix. Toutefois, certaines des déclarations qu'il a faites devant vous sont très éloignées de la réalité.

En premier lieu, qu'est-ce que le Hamas, avec lequel le Fatah s'est allié ? Quelques extraits choisis de sa charte aident à s'en faire une idée. On y lit en préambule : « Israël existera et continuera d'exister jusqu'à ce que l'islam l'anéantisse comme il a anéanti d'autres auparavant ». Puis, dans l'introduction : « Notre combat avec les Juifs est une entreprise glorieuse et dangereuse qui requiert tous les efforts sincères ». L'article 2 de la charte explique que « le Mouvement de la résistance islamique est l'une des ailes des Frères musulmans en Palestine ». L'article 13 précise que « les prétendues solutions de paix pour régler la question palestinienne contredisent les principes du Mouvement de la résistance islamique ». Enfin, selon l'article 15, « il est nécessaire d'instiller l'esprit du jihad dans le coeur de la nation afin que le peuple confronte l'ennemi et rejoigne les rangs des combattants ». Par ailleurs, les responsables du Hamas ont déclaré que, grâce à l'accord de réconciliation, « les Palestiniens seront à nouveau capables de combattre Israël. La réconciliation vise à unir le peuple contre l'ennemi principal, l'ennemi sioniste. Ce ne sera jamais une alternative à la résistance et ne signifie pas la fin de la lutte armée. »

Chers amis, une réconciliation marque une évolution favorable lorsque le pôle positif attire le pôle négatif ; dans le cas présent, c'est clairement de l'inverse qu'il s'agit.

J'appelle votre attention sur le libellé de la Résolution 181, adoptée en 1947 par l'Assemblée générale des Nations unies : Israël y est qualifié d'« État juif ». Cela ne signifie rien d'autre que : « un État pour le peuple juif », fondé sur les principes de la démocratie et de la liberté, sur les valeurs chères à chacun d'entre nous. La Palestine est-elle disposée à reconnaître une fois pour toutes que l'accord de paix signifie la fin des revendications ? Nous sommes favorables à deux États, un pour les Israéliens et un pour les Palestiniens, mais pas à un État et demi pour eux et la moitié d'un État pour nous, ce à quoi conduirait le droit de retour des réfugiés en Israël sur lequel les Palestiniens insistent tant.

Et encore : ce n'est pas Israël, mais le Quartet – autrement dit la communauté internationale, puisqu'il est composé de représentants des Nations unies, des États-Unis, de la Russie et de l'Union européenne – qui a fixé les trois conditions que le nouveau gouvernement palestinien doit respecter pour être considéré comme un partenaire : reconnaissance de l'État d'Israël, renonciation à la violence et acceptation des accords déjà signés. Je suis heureux que la France fasse siennes ces conditions, mais ce n'est certainement pas le cas du Hamas. Si certains veulent s'illusionner, c'est leur droit.

Enfin et surtout, mon collègue palestinien ayant jugé bon de prétendre qu'Israël mènerait une politique « d'apartheid », je lui recommande d'approfondir sa connaissance de ce qu'a été l'apartheid en Afrique du Sud avant de lancer contre nous cette terrible accusation. Les Arabes israéliens qui forment plus de 20 % de la population en Israël jouissent de droits dont jamais les habitants des pays arabes n'ont disposé : ils votent et sont élus à la Knesset et sont également représentés dans les plus grandes instances judiciaires israéliennes, telle que la Cour suprême. Ils ont aussi leurs propres partis politiques et leur langue est l'une des langues officielles de l'État. Et, dans les territoires palestiniens, nous ne faisons exploser aucun autobus, nous n'envoyons pas des terroristes commettre des attentats-suicides et nous ne lançons pas de roquettes sur les civils.

Pour conclure, Israël, considérant que parvenir à deux États pour deux peuples est la seule solution viable au conflit israélo-palestinien, a fait le choix stratégique d'accepter la division du territoire entre deux peuples. Le schéma étant clairement dessiné, ce qui est nécessaire maintenant, et vite, c'est une Autorité palestinienne solide car le temps est compté et joue contre ceux qui veulent la paix dans cette partie du monde. Les Palestiniens ont des demandes légitimes ; les Israéliens aussi, surtout en matière de sécurité. Le seul moyen de trouver comment y donner suite, c'est de s'asseoir autour d'une table et de régler la question pacifiquement. Certes, on ne peut faire la paix qu'avec ses ennemis – mais on ne peut la faire avec des gens qui se vouent à vous détruire ! Ni le Hamas ni un gouvernement palestinien où il siège n'est un partenaire de négociation possible. Ce dont le Moyen-Orient a besoin, c'est d'un leadership palestinien fort, désireux de faire la paix et pour cela de renoncer à certains de ses rêves comme les Israéliens devront renoncer à certains des leurs.

Si Abou Mazen est sérieux, il doit désarmer les militaires du Hamas, mettre un terme à la production d'armes à Gaza et y déployer ses forces de sécurité.

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