Intervention de Marc Goua

Séance en hémicycle du 9 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Écologie développement et aménagement durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Goua, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

pour l'énergie, le climat et l'après-mines et le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre délégué, chers collègues, le programme 174, « Énergie, climat et après-mines » aura pour priorités, en 2013, d'amorcer la transition énergétique, de garantir les droits collectifs des mineurs et la gestion économique et sociale de l'après-mines, enfin d'amplifier la lutte contre le changement climatique.

Le présent projet de loi de finances prévoit de porter les autorisations d'engagement de ce programme à 681,9 millions d'euros et les crédits de paiement à 687,8 millions d'euros. À périmètre constant, la baisse des crédits du programme, de l'ordre de 6 % par rapport à 2012, porte essentiellement sur l'action « Gestion économique et sociale de l'après-mines ». Ces crédits – en baisse de 45 millions d'euros par rapport à l'année dernière en raison de la diminution, année après année, du nombre des ayants droit de l'après-mines – représentent encore 95 % des crédits du programme. La contribution de l'État au titre du budget de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs sera de 528 millions d'euros.

Je réitère mon souhait d'un rattrapage progressif, tant de fois promis, des pensions de mineurs liquidées avant 1982. De 17 % inférieures à celles qui ont été liquidées après cette date, elles le seront encore de 15 % environ au terme du rattrapage modeste de 2012. Je regrette que les conventions collectives en vigueur ne permettent pas d'aligner l'ensemble des mineurs et des veuves sur des indemnités égales et qui couvrent le coût réel du chauffage et du loyer. Les indemnités des mines d'ardoise, par exemple – je suis maire de la capitale mondiale de l'ardoise –, sont très inférieures à celles des mines de charbon.

Les crédits destinés à l'action « Lutte contre le changement climatique » sont augmentés de 5,6 millions d'euros en vue d'améliorer la qualité de l'air, et je m'en réjouis. Je rappellerai que la France fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice de l'Union européenne pour non-respect des valeurs limites relatives aux particules fines dans l'air dans seize zones ou agglomérations et qu'il était donc essentiel d'adresser des signaux positifs à Bruxelles. Sur cette action, ont été inscrits pour la première fois des crédits à hauteur de 50 millions d'euros destinés à couvrir le déséquilibre du dispositif du bonus-malus automobile.

La subvention à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, à hauteur de 4 millions d'euros, représente plus de 60 % des crédits de l'action « Politique de l'énergie ». Cette agence, dans le cadre de l'avancement du projet de création d'un centre de stockage géologique réversible pour les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue à Bure – le projet Cigéo –, est confrontée à deux défis. Le premier est le lancement du débat public sur ledit projet en 2013. Je me réjouis que la Commission nationale du débat public ait été saisie par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, le 10 octobre dernier : la discussion devrait se dérouler dans un climat apaisé puisque, au cours du premier semestre 2013, nous serons loin des échéances électorales. Il s'agit ensuite de la réévaluation du plafond d'emplois et des moyens affectés à l'ANDRA. Si elle n'est pas effective pour 2013, elle sera rendue indispensable par la montée en puissance du projet Cigéo à partir de 2014.

L'année 2013 va être marquée par le débat national sur la transition énergétique dont les enjeux sont fondamentaux. Il sera organisé autour des quatre grandes questions annoncées par la feuille de route pour la transition écologique à la suite de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre dernier : comment aller vers l'efficacité énergétique et la sobriété ? Quelle trajectoire pour atteindre le mix énergétique en 2025 et quels types de scénarios envisager à l'horizon 2030 et 2050 pour honorer les engagements climatiques de la France ? Quels choix faire en matière d'énergies renouvelables et de nouvelles technologies de l'énergie et quelles stratégies de développement industriel et territorial développer ? Enfin, quels coûts et quel financement de la transition énergétique prévoir ?

Les engagements européens du troisième paquet énergie-climat résumés dans la règle des « 3 fois 20 » et les conclusions du Grenelle de l'environnement nous fixent comme objectif d'atteindre une part de 23 % d'énergies renouvelables pour couvrir notre consommation d'électricité en 2020. Par ailleurs, le Président de la République a pris l'engagement de ramener la part du nucléaire à 50 % à l'horizon 2025.

Les énergies renouvelables doivent être développées, les filières éoliennes et photovoltaïque confortées, le Fonds chaleur dont l'efficacité est remarquable – les retours sur investissement sont très rapides – doit voir sa dotation doublée.

Selon les estimations de la Commission de régulation de l'énergie, à l'horizon 2020, le développement des énergies renouvelables représentera une facture annuelle de l'ordre de 7,5 milliards d'euros dont 2,1 milliards pour le photovoltaïque, correspondant à une puissance installée de près de 7 750 mégawatts, 2,6 milliards pour l'éolien en mer, environ 1,6 milliard pour la biomasse et le biogaz et près de 1,1 milliard pour l'éolien terrestre, correspondant à une puissance installée de 19 000 mégawatts.

L'état actuel des technologies – qui ne permet pas le stockage de quantités importantes d'électricité –, le problème de l'intermittence de ces énergies ainsi que leurs coûts, rendent illusoire leur croissance fulgurante à moyen terme. Elles ne permettront pas à elles seules la réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % en 2025. Des moyens importants doivent par conséquent être consacrés à la recherche et au développement dans le secteur des énergies renouvelables. Trop concentrée, dans le passé, sur le nucléaire, la recherche dans ce secteur a été négligée pendant des décennies.

Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, va devoir faire face à des arbitrages budgétaires difficiles. Il conviendra de ne pas prélever sur les fonds destinés à la recherche pour faire face à des besoins récurrents de charges de fonctionnement.

Nous ne pourrons pas nous passer d'une politique volontariste d'économies d'énergie. M. Louis Gallois, commissaire général à l'investissement, a rappelé mercredi dernier devant la commission des finances et la commission des affaires économiques que « la meilleure des énergies renouvelables était l'économie d'énergie, qui avait en plus le mérite d'être créatrice d'emplois ».

Lors de la conférence environnementale, la rénovation thermique des bâtiments a été réaffirmée comme la première des politiques permettant d'améliorer le pouvoir d'achat, de développer l'économie et l'emploi, et de s'engager dans la transition écologique.

L'objectif du Gouvernement de mettre aux normes énergétiques près de 500 000 logements par an ne pourra être atteint qu'en mobilisant tous les dispositifs existants. Reste qu'en 2012 le rythme d'émission des éco-prêts n'a pas atteint ses objectifs et le CIDD est devenu moins attractif. Il me paraît donc indispensable d'élargir les dispositifs actuels pour inciter encore davantage les ménages à réaliser des travaux de performance énergétique dans leur logement.

Plusieurs mesures pourraient être prises : prolonger les dispositions de l'éco-prêt jusqu'au 31 décembre 2015, relever à 45 000 euros le plafond de ressources des ménages cumulant l'éco-prêt et le CIDD, autoriser la réalisation des travaux de performance énergétique éligibles au CIDD sur une période de deux années.

Je souhaite maintenant évoquer la contribution au service public de l'électricité, CSPE, dont l'évolution est préoccupante. Si les augmentations de son montant votées en loi de finances permettront une réduction du déficit, actuellement de l'ordre de 4,5 milliards d'euros à la charge d'EDF, le problème de la prise en charge des coûts de gestion de l'activité des obligations d'achat, 118 millions d'euros, et des coûts du portage cumulé du déficit, 957 millions d'euros, supportés par EDF, n'est pas réglé.

J'appelle votre attention sur le fait que les commissaires aux comptes ont fait des observations à EDF – société cotée – en juin dernier et menacent d'émettre des réserves lors de l'arrêté des comptes définitifs en 2012, ce qui entraînerait un risque pour la note de solvabilité, et donc des effets sur le volume et sur les taux d'emprunt d'un groupe déjà lourdement endetté.

Dans les années qui viennent, les tarifs de l'électricité devront augmenter à un rythme supérieur à l'inflation. La modification de notre mix énergétique impliquera de lourds investissements en termes de réseaux. Renforcer le réseau sera une priorité et constituera un coût essentiel de la transition. Certaines régions sont déjà sujettes à des problèmes d'approvisionnement en période de pointe, notamment dans l'ouest de la France. Le remplacement de centrales par des énergies renouvelables impliquera un surcroît d'investissement pour adapter nos réseaux.

Comme je le précisais dans mon rapport d'information de mars 2012 sur la situation financière et les perspectives d'EDF et d'AREVA, une décision sera déterminante : la prolongation ou non des centrales nucléaires au-delà de quarante années. Cette question pèse plus lourd en termes financiers que les incertitudes sur le démantèlement et la gestion des déchets radioactifs.

La moyenne d'âge des centrales nucléaires actuelles est de vingt-six ans. La plus ancienne, celle de Fessenheim, a été mise en service en 1977. Les estimations faites jusqu'à présent reposent sur l'hypothèse d'une prolongation de la durée de vie du parc nucléaire. Si l'on abandonnait cette hypothèse, toutes les centrales devraient être fermées d'ici à 2030 et il faudrait rapidement investir dans de nouvelles centrales ou bien trouver à très court terme des énergies de remplacement. Cela impliquerait de porter les tarifs au coût marginal de développement de long terme et non plus au coût de production – qui tient beaucoup compte des amortissements passés –, comme c'est le cas aujourd'hui.

À la réalisation des investissements de maintenance nécessaires dans le parc nucléaire, vont s'ajouter les mesures complémentaires de sûreté décidées par l'Autorité de sûreté nucléaire à la suite de l'accident de Fukushima. Elles ne représentent en elles-mêmes qu'une petite partie des investissements à réaliser. Au total, les investissements annuels devraient passer d'un milliard d'euros par an pendant la décennie 2000-2010 à 4,5 milliards d'euros par an pendant les cinq prochaines années.

La fermeture de Fessenheim aura aussi un coût. EDF, qui perd dix ans d'exploitation et les travaux qu'elle a récemment investis – un générateur changé en 2011 a coûté plus de 100 millions d'euros –, sera sans doute dans l'obligation de demander une compensation.

Je dirai, pour finir, quelques mots du compte d'affectation spéciale dit « FACÉ ». Jusqu'à la fin de l'année 2011, les dépenses de renforcement et de sécurisation des réseaux au bénéfice des collectivités rurales étaient financées par ce Fonds d'amortissement des charges d'électrification, dont les recettes provenaient des contributions dues par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité.

Longtemps dépourvu de la personnalité morale et logé dans les comptes d'EDF, ce fonds a été transformé par la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011 en un compte spécial : « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale », rattaché au budget de l'État. Son budget pour 2013 est, comme en 2012, de 377 millions d'euros.

Cette réforme conforte juridiquement le dispositif. Les recettes, les bénéficiaires des aides et les types de dépenses éligibles restent les mêmes, mais la mise en oeuvre opérationnelle, insuffisamment préparée, a suscité de longs et nombreux blocages au cours de l'année 2012 et retardé la réalisation des projets des collectivités.

Jusqu'à la fin de l'année 2011, les aides du FACÉ, gérées sur un compte d'EDF, étaient distribuées dans les quinze jours alors qu'il a fallu cette année attendre plusieurs mois le versement d'aides relatives à des programmes antérieurs à 2012. Les syndicats d'électrification ont été contraints de différer leurs commandes, fragilisant ainsi l'emploi dans les entreprises des territoires concernés.

Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir annoncé début septembre, en concertation avec le ministre délégué chargé du budget, des mesures visant à simplifier et accélérer la procédure d'attribution de ces aides. Je serai très attentif aux premières évaluations qui pourront en être faites.

Aujourd'hui, dépendante du nucléaire, la France se situe à un tournant de son histoire en matière énergétique. Après des années de prédominance du nucléaire dans notre mix énergétique, la nécessité de diversifier nos moyens de production d'électricité se heurte aux choix – ou plutôt aux non-choix – des décennies passées.

M. Louis Gallois, dans son rapport sur la compétitivité de l'industrie française, juge essentiel de préserver l'atout que représente, pour l'industrie française, le faible coût de l'énergie. Il indique que, au-delà des indispensables économies d'énergie et de l'amélioration des rendements énergétiques, le développement des énergies renouvelables s'impose, mais que celles-ci devront s'insérer dans le mix énergétique sans provoquer un renchérissement du coût de l'énergie pour l'industrie.

L'objectif du débat lancé par les pouvoirs publics sur la transition énergétique sera de dresser un tableau clair et transparent des conséquences financières pour chacun des choix possibles, afin de définir, en toute connaissance de cause, une politique de l'énergie pour les décennies futures. Il est souhaitable que nos concitoyens s'approprient les décisions à venir.

Je suis donc favorable au budget du programme 174. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

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