Intervention de Jean-Claude Fruteau

Séance en hémicycle du 9 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Écologie développement et aménagement durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, le transport aérien a connu en 2009 et 2010 la crise la plus grave de son histoire. En 2009, la crise des subprimes, venue des États-Unis, avait conduit à une réduction du nombre de passagers et du trafic ; en 2010, le prolongement de cette crise, ainsi que l'éruption du volcan islandais avaient contribué à mettre à mal les résultats de la plupart des compagnies aériennes.

Depuis 2011, le transport aérien a renoué avec la croissance. Au cours de l'année dernière, 2,7 milliards de passagers ont été transportés, soit une augmentation de 5,6 % par rapport à 2010. Au niveau mondial, le nombre de mouvements en service régulier a atteint 30,1 millions en 2011, contre 29 millions en 2010, soit une augmentation de 3,8 %. Enfin, le nombre moyen de passagers transportés par vol est en hausse, puisqu'il s'élève à 90, contre 88 un an plus tôt.

Cette croissance, néanmoins, ne s'est pas répartie équitablement. Avec une augmentation de 9,6 %, ce sont les compagnies européennes qui ont connu la plus forte hausse en trafic international, notamment par un effet de rattrapage, mais cette progression témoigne essentiellement du dynamisme des transporteurs à faibles coûts, qui ont progressé davantage que les compagnies traditionnelles.

En 2012, l'Europe s'est cependant fait distancer. Trois zones ont fortement progressé au cours du premier semestre : le Moyen-Orient, avec 18,4 % de hausse, l'Amérique latine, avec 10,4 %, et l'Afrique, avec 9,1 %. Avec une croissance de 6,4 %, l'Europe n'arrive qu'en cinquième position, derrière l'Asie-Pacifique, à 7,4 %.

Le trafic intérieur français a connu, au cours du premier semestre de cette année, une hausse spectaculaire de 10,6 % sur ses lignes transversales, grâce principalement à l'action des compagnies à bas coûts. Le trafic des lignes radiales, desservies principalement par Air France, recule quant à lui de 2,1 %.

Pour la fin de l'année 2012 et l'exercice 2013, les observateurs anticipent un ralentissement de la croissance constatée en 2012, compte tenu de la conjoncture économique en Europe et des difficultés financières que rencontrent les compagnies. Pour 2013, l'organisation internationale du transport aérien prévoit une croissance de 6 %. C'est toujours le Moyen-Orient qui devrait connaître la plus forte hausse, suivi de la zone Asie-Pacifique ; L'Europe devrait se contenter d'une croissance de 4,8 %, tirée principalement par les compagnies à bas coût.

Dans ce tableau mitigé, notre pays peut compter deux motifs de satisfaction, mais aussi deux sujets de préoccupation.

Sur le plan des satisfactions, la situation d'EADS en général, et d'Airbus en particulier, est réjouissante. Même si EADS n'a pas réussi à s'allier avec le britannique BAE System, le groupe reste l'un des principaux acteurs mondiaux dans son domaine. L'avionneur Airbus, dont le dynamisme reste entier, représente les deux tiers du chiffre d'affaires du groupe, et la société dispose d'un carnet de commandes de 541 milliards d'euros, soit l'équivalent de six années de production.

Après avoir inauguré, il y a quelques années, une usine d'assemblage en Chine, le groupe s'est lancé dans la construction d'un autre site d'assemblage à Mobile, aux États-Unis. Pour l'instant, ces deux usines ont vocation à ne construire que des appareils de la famille A320, destinés aux marchés locaux, et seulement dans la limite de quatre par mois : elles ne concurrencent donc pas les sites de Toulouse et de Hambourg, qui produisent respectivement quatorze et vingt-deux A320 par mois. Il faut dire que cet appareil a connu un tel succès, que la simple croissance du marché suffit à alimenter les nouveaux sites de production : ce sont 8 000 Airbus A320 qui ont été vendus en vingt-cinq ans, alors qu'il était prévu, à l'origine, de n'en fabriquer que 2 000. Quant à la version Néo, qui ne sera disponible qu'à partir de 2015, elle a déjà enregistré 1 500 commandes.

Le deuxième sujet de satisfaction, s'agissant du paysage aéronautique français, vient de la bonne situation d'Aéroports de Paris, société publique qui gère les plateformes de Roissy et d'Orly. En 2011, le trafic passager des aéroports parisiens a augmenté de 5,7 %, atteignant 88,1 millions de passagers. Lors du premier semestre 2012, le trafic de passagers s'est établi à 19,6 millions, en hausse de 2 % par rapport au premier semestre 2011.

En 2011, le chiffre d'affaires d'ADP a connu une hausse de 2,4 %, pour atteindre 599 millions d'euros. Les revenus des activités aéronautiques ont progressé de 4 %, sous l'effet de l'augmentation combinée du trafic, des tarifs des redevances et de la taxe d'aéroport ; les revenus des commerces et services ont, quant à eux, progressé de 9 %, grâce, notamment, aux activités commerciales. ADP, qui possède un important patrimoine foncier, est également un acteur immobilier d'importance : le chiffre d'affaires de ce secteur a augmenté de 5,1 % en 2011, en raison de la mise sur le marché de nouvelles locations et de l'indexation positive des loyers.

Il est à souligner que la société ADP, qui s'est par ailleurs lancée dans un important programme de rénovation de ses terminaux les plus anciens, ne reçoit aucune subvention publique. Au contraire, elle verse chaque année des dividendes à ses actionnaires, dont le principal, l'État, possède 54 % des actions.

Ce tableau presque idyllique ne doit pas faire oublier qu'il existe deux motifs principaux de préoccupation, à commencer par la difficile situation de la compagnie aérienne nationale, Air France. En 2011, malgré un trafic en hausse de 6,9 % par rapport à 2010 et un chiffre d'affaires consolidé en progression de 4,5 %, le résultat d'exploitation a affiché une perte de 353 millions d'euros. Les charges, en effet, ont augmenté plus vite que les recettes, tandis que les dépenses de carburant, principal poste de dépenses, ont enregistré une hausse de 16,3 %, sous l'effet combiné d'une hausse des volumes consommés et d'un taux de change défavorable.

Le même scénario semble se reproduire en 2012. Au cours du premier semestre, le groupe a enregistré une hausse de 3,9 % de son trafic passager par rapport au même semestre de l'armée 2011 ; le coefficient de remplissage a poursuivi sa hausse, pour s'établir à 82,2 % ; la recette unitaire par passager et kilomètre transporté a augmenté de 2,7 % et le chiffre d'affaires a enregistré une croissance de 5,2 %. Dans le même temps, cependant, les charges externes ont enregistré une hausse de 6,6 %, du fait, principalement, de la hausse continue du prix du carburant, si bien que le résultat d'exploitation du semestre s'est avéré négatif de 663 millions d'euros, creusant ainsi, encore un peu plus, l'endettement du groupe.

Parallèlement, du fait de la concurrence des compagnies à bas coût, les parts de marché d'Air France se sont encore réduites en 2011 : elles ne représentent plus que 6,9 % du trafic aérien mondial, contre 7,3 % en 2010. Air France est également très concurrencée sur ses destinations ultramarines : la compagnie reconnaît qu'elle est désormais déficitaire sur toutes ses lignes desservant les départements et collectivités d'outre-mer.

Dans ce sombre tableau, je distingue toutefois deux lueurs d'espoir, à commencer par le plan Transform 2015, qui vise à obtenir en deux ans des gains de productivité de l'ordre de 20 % : même si l'accord n'a été signé qu'avec le syndicat national des pilotes de ligne, les négociations ne sont pas rompues avec les représentants des autres catégories de personnel. Deuxième lueur d'espoir : la bonne santé de la filiale à bas coût récemment créée par Air France, Transavia, dont les lignes, en concurrence directe avec celles de Ryanair et d'EasyJet, s'avèrent complémentaires de celles de la maison mère.

Le second sujet de préoccupation, c'est le différend qui oppose l'Union européenne au reste du monde au sujet de l'intégration, depuis cette année, des activités aériennes dans le système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre. La plupart des grands pays non européens, la Chine, l'Inde, la Russie et les États-Unis, se sont déclarés opposés à ce système, la Chine interdisant même à ses compagnies de s'acquitter de leurs obligations en la matière.

Ce différend a commencé à dégénérer, puisque des mesures de rétorsion ont été prises par certains pays et menacent les intérêts européens : c'est ainsi, par exemple, que la Chine a décidé de ne plus acheter les avions d'Airbus susceptibles d'atteindre le continent européen, c'est-à-dire les avions long-courriers. Déjà, l'achat de quarante-cinq A330 a été gelé, et la perspective de vendre des A380, pourtant taillés pour le marché chinois en pleine croissance, s'éloigne. Boeing, en revanche, enregistre une hausse significative de ses ventes en Chine depuis quelques mois.

Madame et Monsieur les ministres, je crois que, tout en maintenant son soutien à la directive européenne et aux principes qui la sous-tendent, notre Assemblée doit appeler à l'adoption la plus rapide possible d'un compromis politique sur ce sujet, la situation actuelle n'étant satisfaisante pour personne.

Dans ce contexte, le budget annexe du contrôle et de l'exploitation aériens s'inscrit dans une volonté de maîtrise de la dépense publique, à un moment où l'activité du transport aérien ralentit. L'année 2013 sera marquée par un nouveau déficit d'exploitation de ce budget annexe, estimé à 21,7 millions d'euros, mais, à compter de 2014, il devrait dégager une marge d'autofinancement égale à 10 millions, puis supérieure à 42 millions en 2 015.

Pour en arriver à ce résultat, la direction générale de l'aviation civile va devoir réduire ses dépenses. En 2013, l'effort de diminution des effectifs s'élèvera à cent équivalents temps plein, ce qui permettra de ralentir la hausse des dépenses de personnel à défaut de les stabiliser, tout en renouvelant les compétences indispensables à la sécurité et au développement du contrôle du transport aérien.

Les dépenses de fonctionnement seront en diminution, passant de 158 millions d'euros en 2012 à 155 millions en 2013. Il faut dire que les deux tiers des dépenses de fonctionnement sont considérés comme des dépenses opérationnelles liées à la sécurité, en particulier dans le domaine de la navigation aérienne : elles sont donc, à ce titre, très sensibles. Les dépenses liées aux organismes extérieurs seront également maîtrisées, notamment la subvention versée à l'École nationale de l'aviation civile, l'ENAC, fixée à 99 millions d'euros en 2013, comme en 2014 et 2015, alors qu'elle s'élevait à 101 millions en 2012.

Si ces prévisions sont respectées, le niveau d'endettement pourrait enfin se stabiliser. En 2012, en effet, le recours à l'emprunt est resté considérable, à hauteur de 250 millions d'euros, pour un remboursement de 197 millions d'euros. Au 31 décembre, l'encours des emprunts du budget annexe s'élèvera à 1 214 millions d'euros : c'est un niveau record, mais qui est, hélas, voué à être dépassé. L'autorisation d'emprunt, demandée dans le projet de loi de finances pour 2013, s'élève à 251 millions, ce qui portera l'encours, en fin d'exercice, à 1 242 millions d'euros. Le projet de budget triennal prévoit le début de la décroissance de la dette en 2015, à un taux de -1,4 % : le pic d'endettement devrait donc être atteint à la fin de l'année 2014, avec un encours de 1 248 millions d'euros. En tout état de cause, il faudra, madame et monsieur les ministres, faire preuve, sur ce point précis, de la plus grande vigilance.

Le rapporteur spécial est également chargé de présenter le programme 170 « Météorologie ». Ce programme finance la subvention pour charges de service public perçue par l'établissement public administratif Météo France, seul opérateur du programme.

Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013 s'élèveront à 215,7 millions d'euros, en crédits de paiement comme en autorisations d'engagement : cela représente une augmentation de près de 9 millions d'euros, soit 4,3 %, par rapport à 2012.

La subvention publique constitue la principale recette de Météo France, mais pas la seule. Les recettes commerciales, relativement stables durant ces dernières années, autour de 40 millions d'euros, pourraient enregistrer une baisse dans les années à venir, en raison de la désaffection du grand public pour les services météorologiques payants. Météo France bénéficiera par ailleurs, en 2013, de la redevance de navigation aérienne, stabilisée à 87,3 millions d'euros : en effet, en vertu d'un accord passé avec la DGAC, cette redevance est versée à Météo France, en rétribution des services spécifiques que l'agence fournit en matière de transport aérien. Enfin, la subvention reçue par l'établissement du programme 193 « Recherche spatiale » pour la contribution de la France à l'organisation internationale EUMETSAT devrait s'élever en 2013 à 30,7 millions d'euros.

Météo France poursuivra en 2013 la réorganisation de son réseau territorial, amorcée il y a deux ans, avec l'objectif de ramener de 108 à 55 le nombre de ses implantations métropolitaines. En effet, l'organisation héritée de 1982 est devenue obsolète compte tenu de l'évolution des technologies. Parallèlement, l'établissement poursuivra la déflation de ses effectifs, passant de 3 400 à 3 300 agents. À titre de comparaison, le service allemand de météo, qui emploie un total de 2 300 agents, est en train de passer de six à deux implantations territoriales. Même si les missions des services ne sont pas exactement les mêmes d'un pays à l'autre, notons que l'homologue britannique de Météo France fonctionne avec 1 800 agents.

Enfin, Météo France achètera de nouveaux radars. Le territoire métropolitain est actuellement couvert par un réseau de vingt-quatre radars météorologiques en exploitation opérationnelle, dont l'âge varie entre quelques mois et trente-cinq ans. Les technologies sont très différentes et, les engins les plus anciens n'étant plus fabriqués, les agents de Météo France sont parfois contraints d'usiner eux-mêmes des pièces de rechange.

Au-delà du renouvellement des radars les plus anciens, de nouveaux sites seront créés et de nouveaux appareils installés, améliorant le maillage territorial.

Le contrat d'objectifs de Météo France prévoit le renouvellement en moyenne de deux radars par an à partir de 2013, ainsi que l'installation de radars nouveaux, au rythme d'un par an. Chaque radar coûtant environ 1,5 million d'euros, ce projet, tel que prévu selon le contrat d'objectifs, représente un investissement global de 16,8 millions d'euros sur la période 2012-2016.

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, suivant l'avis favorable du rapporteur spécial, la commission des finances a adopté les crédits du budget annexe du contrôle et de l'exploitation aériens ainsi que ceux de la météorologie. J'invite l'Assemblée à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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