Intervention de Véronique Massonneau

Séance en hémicycle du 26 juin 2014 à 9h30
Mise en accessibilité des établissements recevant du public des transports publics des bâtiments d'habitation et de la voirie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Massonneau :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question de l’accessibilité aux infrastructures pour les personnes en situation de handicap doit être au centre de nos politiques publiques. Il s’agit d’un enjeu de solidarité et d’égalité et tout doit être mis en oeuvre pour atteindre nos objectifs en la matière.

Ce projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, tel qu’il est intitulé, est examiné dans le cadre d’une procédure d’urgence en raison d’une incapacité à tenir les engagements pris pour 2015. En effet, la précédente loi, qui date de 2005, réaffirmait le principe d’accessibilité pour tous, quel que soit le handicap. Les critères d’accessibilité et les délais de mise en conformité ont été redéfinis. Ainsi, les établissements existants recevant du public et les transports collectifs ont eu dix ans pour se mettre en conformité avec la loi. Celle-ci prévoyait aussi la mise en accessibilité des communes et des services de communication publique.

À quelques mois de l’échéance de ce délai, c’est une certitude : il ne sera pas tenu. La procédure accélérée a donc été engagée et le Gouvernement a fait le choix de recourir à la voie des ordonnances. Si nous ne sommes pas toujours favorables à cette manière de faire, dans le cas présent, il convient de le reconnaître, la fin justifie les moyens. Soyons pragmatiques et faisons en sorte que les travaux soient, pour la première fois, effectivement réalisés d’ici à trois ans dans la majeure partie des cas, au plus tard dans dix ans pour le reste. C’est une nécessité si nous voulons vivre dans une société plus égalitaire et si nous voulons que ce principe affirmé de l’accessibilité universelle devienne une réalité pour nos concitoyennes et nos concitoyens.

Cette loi peut le permettre et, soyons francs, il est grand temps ! Le constat formulé par le baromètre annuel de l’Association des paralysés de France est accablant : à peine plus de la moitié des écoles sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, et seuls 42 % des réseaux de bus sont suffisamment équipés. Les commerces de proximité, ainsi que les cabinets médicaux et paramédicaux, sont également loin du compte. La vie quotidienne ordinaire continue ainsi d’être impossible pour une immense majorité des personnes en situation de handicap : comment se rendre en toute autonomie chez un boucher, un boulanger ou un coiffeur ? En dépit des actions de sensibilisation menées par les chambres de commerce et d’industrie, les commerces de proximité peinent à se sentir mobilisés par cette nécessité de proposer des prestations accessibles à tous.

Parmi les points positifs, l’accessibilité des centres commerciaux est toujours louée par les personnes en situation de handicap et la notation des bureaux de poste par les personnes concernées commence enfin à être satisfaisante, ce qui s’explique notamment par le programme de rénovation des agences postales. L’accès aux piscines semble également s’améliorer chaque année. Cependant, il faut demeurer prudent face aux interprétations enjouées, car il demeure encore beaucoup à faire. En effet, à l’instar des agences postales, de nombreuses piscines sont engagées dans des programmes de rénovation. De plus, il faut certainement y voir l’effet du dynamisme des associations d’activités physiques adaptées comme la Fédération française Handisport par exemple. Les cinémas progressent également ; cela s’explique notamment par l’apparition récente de nombreuses nouvelles salles sur le parc français. Sur ce point aussi, il convient de demeurer prudent dans les interprétations des chiffres. On ne peut écarter l’hypothèse que les personnes en situation de handicap interrogées aient répondu à la question en pensant aux cinémas qu’elles ont déjà identifié comme accessibles. Ainsi, les réponses en termes d’habitudes de vie ne doivent pas augurer d’une situation générale satisfaisante.

Le projet de loi d’habilitation que nous votons aujourd’hui aborde ainsi un enjeu majeur. Les derniers chiffres publiés par l’INSEE en 2011 et cités par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées, l’AGEFIPH, établissent que la France comptait, en 2007, 9,6 millions de personnes handicapées au sens large, soit plus de 14 % de la population française.

L’incapacité à tenir les délais prévus initialement est liée à plusieurs raisons : une trop grande attente entre la publication de la loi et la parution des décrets, une réglementation trop complexe, une mauvaise compréhension de l’impact financier et une anticipation incorrecte des délais nécessaires, couplées à une quasi-absence de portage politique. La mise en accessibilité doit être pour tous une priorité. L’égalité entre les citoyens est un principe absolu. Cela signifie donc l’égalité dans l’accès à la vie sociale, économique, politique, culturelle, avec l’objectif de permettre à chaque citoyen la plus grande autonomie possible.

Je me félicite ainsi des amendements que nos collègues écologistes ont fait adopter au Sénat. Le premier facilitera grandement la vie des personnes en situation temporaire ou permanente de handicap, en faisant en sorte qu’une liste des établissements recevant du public et des transports accessibles ou en cours de mise en accessibilité soit mise à disposition de tous par les communes et les intercommunalités. Le second nous permet de nous assurer de la vigilance des acteurs de l’accessibilité en mettant en place un comité de suivi de l’application de cette loi, capable d’identifier et de surmonter les problèmes qui pourraient apparaître à mesure que les travaux sont entrepris. Le texte nous assure donc de cela, nous ne pouvons que nous en réjouir.

Madame la secrétaire d’État, les ordonnances qui seront prises doivent rassurer nos concitoyens et démontrer toute la volonté du Gouvernement de rendre notre pays enfin égalitaire sur le plan de l’accessibilité. Or plusieurs associations ont déjà fait remonter quelques-unes de leurs craintes quant au respect de tous les objectifs. Tous les ERP et tous les transports doivent être accessibles d’ici à neuf ans au plus tard. Cela a déjà trop tardé, nous ne pouvons les décevoir une nouvelle fois. Soyons volontaristes, continuons notre engagement pour l’égalité et soyons à même de les rassurer, car la mise en accessibilité ne doit pas être vue seulement comme une contrainte ni comme une charge financière qui empêcherait de financer d’autres investissements. Elle demande bien sûr des choix, des arbitrages financiers, mais c’est un bénéfice pour tous, qui demande que tous fassent des efforts.

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