Intervention de Chantal Guittet

Séance en hémicycle du 26 juin 2014 à 9h30
Lutte contre la concurrence sociale déloyale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Guittet :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, Gilles Savary a rappelé la genèse de la proposition de loi. Le travail de vigilance à l’égard de la législation européenne que nous avons mené avec lui et Michel Piron a, je le crois, contribué à ce que les représentants des institutions européennes se rallient à la position française pour cette nouvelle directive d’application.

Nous devons aussi, incontestablement, ce succès européen aux travaux et aux négociations des ministres Michel Sapin et Thierry Repentin. Ils ont joué un rôle majeur dans l’obtention de cet accord, auquel les libéraux, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, se sont farouchement opposés.

Cette nouvelle directive d’application est également un succès du Président de la République qui, depuis le début de son quinquennat, fait de la réorientation de l’Europe son combat. Cet engagement, nous le constatons une nouvelle fois ces derniers jours, avec l’« agenda pour la croissance et le changement en Europe » qu’il a adressé au président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Incontestablement, sous son impulsion, nous assistons à une amorce de changement dans les intentions politiques des dirigeants européens. Une politique plus favorable à l’investissement, à la croissance et à la solidarité prend petit à petit le dessus sur le « tout austérité » et le « tout concurrence » qui a prévalu jusqu’à présent.

Nous, socialistes, en sommes convaincus, l’Europe ne doit pas être le laboratoire du libéralisme, le terrain d’une concurrence exacerbée entre les peuples. Nous refusons ce grand marché où, tels des objets, les salariés sont mis en concurrence, et où droits et rémunérations sont sans cesse tirés vers le bas. La course au moins-disant social ne peut pas être le projet de l’Europe. Les leaders européens sont en train d’en prendre conscience. Enfin ! C’est le message que leur adressent depuis des années ses citoyens, qui sollicitent une Europe plus protectrice et solidaire.

L’adoption d’une nouvelle réglementation plus efficace contre la fraude au détachement et la concurrence sociale déloyale, comme le dit Richard Ferrand, constitue le signe d’un changement de cap. Mais, nous le savons, le processus européen est long. Cette directive sur le détachement entrera en vigueur dans plusieurs années ; le délai de transposition est à l’horizon 2016. Certains transposeront cette directive a minima, alors que d’autres iront plus loin.

Nous avons choisi, de notre côté, et c’est notre fierté, d’affirmer puissamment notre rejet des abus liés au détachement, en anticipant l’application des nouvelles normes européennes et en allant plus loin que ce qu’elles prévoient. Avec Gilles Savary, nous avons travaillé depuis le début de la législature pour prendre sans attendre les mesures nécessaires. Il fallait répondre à l’urgence de la situation créée par la directive de 1996 qui, au fil du temps, a permis l’exploitation des travailleurs et mis en danger des pans entiers de notre économie. Un compromis a été rapidement trouvé avec le Sénat ; il est solide et satisfaisant. Nous avons donc un texte novateur et ambitieux.

Sur la responsabilité conjointe et solidaire, nous allons plus loin que nos partenaires, comme Gilles Savary l’a indiqué. La responsabilité s’appliquera à tous les secteurs et non pas seulement au secteur de la construction. Autre mesure inédite : les maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre devront vérifier le dépôt de la déclaration de détachement. Aucun seuil légal n’est prévu pour l’application de ces dispositions dans le texte que nous nous apprêtons à voter. J’avais exprimé ce souhait à 1’Assemblée ; les sénateurs m’ont entendue et je m’en réjouis. Par ailleurs, la responsabilité solidaire sera engagée non seulement en raison du non-paiement des salaires mais également du fait du non-respect d’un « noyau dur » couvrant tous les droits ainsi que le respect des libertés individuelles.

Sur les sanctions pour les entreprises qui fraudent, nous allons là aussi plus loin. La création d’une liste noire est originale. Au fil de l’examen du texte, nous avons élargi les conditions de son application et nous avons décidé de laisser au juge la liberté d’inscrire ces personnes physiques ou morales, quel que soit le montant de l’amende prononcée. La suppression du seuil était pour moi nécessaire pour renforcer l’effet dissuasif de la liste noire ; j’avais déposé un amendement en ce sens, que les sénateurs ont voté : merci à eux pour cette avancée.

Le juge pourra prononcer à l’encontre d’une personne condamnée l’interdiction de percevoir toute aide publique pendant une durée maximale de cinq ans. Là encore, nous allons beaucoup plus loin que les règles européennes.

Je souhaite insister, monsieur le secrétaire d’État, sur l’importance de l’inspection du travail pour faire respecter cette nouvelle loi. Nous devons donner aux inspecteurs du travail les moyens nécessaires pour éradiquer ce fléau, faute de quoi notre travail restera vain. Je sais qu’une loi, dont le rapporteur est Denys Robiliard, est prête et attend son inscription à notre ordre du jour. Il y va de la survie de nos entreprises.

Pour finir, je tiens à remercier, une fois n’est pas coutume, nos collaboratrices Fanny et Marie-Cécile, qui ont contribué, par leur efficacité et leur enthousiasme, au succès de ce travail, et je félicite l’ensemble de mes collègues pour l’immense travail accompli afin que cette proposition aboutisse.

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