Intervention de Véronique Massonneau

Séance en hémicycle du 26 juin 2014 à 9h30
Lutte contre la concurrence sociale déloyale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Massonneau :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cette proposition de loi vise à lutter contre la concurrence sociale déloyale, autrement dit, le dumping social. Les écologistes se félicitent de ce texte qui s’inscrit dans un contexte national et européen particulièrement actif sur ce sujet ces derniers mois. Les parlementaires écologistes, français et européens, sont déterminés à lutter contre le dumping social et le travail low cost, à protéger les droits fondamentaux et les acquis sociaux, à freiner les concurrences inéquitables entre salariés européens, et à bâtir une Europe sociale. Nous ne cherchons pas à favoriser un protectionnisme national, ni à limiter les mobilités et la libre circulation des personnes. Notre engagement vise un nivellement par le haut du droit des travailleurs européens, en matière de revenus et de protection sociale.

Les mesures prévues dans cette proposition de loi forment un ensemble cohérent de règles et de procédures pour lutter contre les situations de dumping social, donc de concurrence sociale déloyale, et de travail illégal ou clandestin.

La responsabilité solidaire du donneur d’ordre, étendue aux conditions de vie des travailleurs, aux libertés fondamentales et à tous les aspects du droit du travail, est une avancée qui permet de sanctionner ceux qui, trop souvent, ferment les yeux sur les pratiques de leurs prestataires. L’inscription sur une liste noire, laissée à l’appréciation du juge, des entreprises prestataires de services condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal est une sanction dissuasive. Enfin, la possibilité pour les syndicats d’attaquer des employeurs en justice sans mandat du travailleur concerné constitue également un grand pas en avant puisque, bien souvent, ces travailleurs sont soumis à des pressions et ne maîtrisent pas le français ni les subtilités de nos procédures judiciaires.

Ce sont là trois avancées importantes.

Cela a été dit lors de la première lecture, toutes ces mesures n’ont pas pour objectif de lutter contre le détachement en lui-même. Dans une Europe ouverte, les travailleurs des États membres doivent pouvoir se déplacer librement.

D’ailleurs, les Français sont nombreux à être détachés : on en comptait 169 000 en 2011, soit à peu près autant que de travailleurs détachés accueillis en France à la même date, à savoir 144 000.

L’objectif de cette proposition de loi est de lutter contre les abus, quand des travailleurs accueillis dans notre pays se voient offrir des conditions de travail et d’hébergement indignes. Cela a aussi été dit : les fraudes et les abus sont loin d’être négligeables.

Les écologistes voteront ce texte, qui contient un panel efficace de sanctions et dont la philosophie générale correspond à nos valeurs. Mais ce texte ne peut nous dispenser d’envisager la lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale de manière globale au niveau

européen.

Les faits sont là : pour les ouvriers peu qualifiés du BTP par exemple, les cotisations patronales s’élèvent à plus de 50 % en France, contre seulement 20 % en Pologne. Ces écarts très importants sont une source d’économies pour les employeurs, car les salariés sont affiliés au régime de sécurité sociale de leur pays d’origine.

La solution serait une harmonisation par le haut des systèmes sociaux en Europe, accompagnée de l’émergence d’une Organisation européenne du travail et d’une coopération syndicale européenne, pour garantir efficacement la défense des travailleurs, quel que soit leur pays d’origine. Ces bonnes intentions, on peut même parler de volonté, sont partagées, mais sont remises en cause par le traité transatlantique actuellement en cours de négociation. Les pourparlers sont malheureusement tenus secrets, nous le déplorons. Mais les éléments qui ont filtré suscitent de grandes inquiétudes.

Comment parler de coopération dès lors que le libre-échange absolu sera la règle entre l’Europe et les États-Unis ? Comment parler d’harmonisation par le haut alors que les multinationales auront la possibilité d’attaquer devant un tribunal ad hoc les politiques publiques contraires à leurs intérêts commerciaux ? Comment parler d’Europe sociale si le droit du travail est considéré comme un frein dans cet espace de libre-échange ?

Ce traité est contraire aux valeurs que les écologistes défendent, vous l’aurez compris, mais il est aussi contraire à l’esprit de la loi que nous allons adopter aujourd’hui et qui s’inscrit, elle, dans un esprit de coopération, et non de compétition.

C’est pourquoi les écologistes voteront avec enthousiasme cette proposition de loi visant à lutter contre la concurrence sociale et déloyale.

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