Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, je veux évidemment m’associer aux félicitations qui ont été adressées à M. Savary et à Mme Guittet pour le beau texte dont nous débattons.
Il n’est pas inutile de rappeler que nous ne sommes pas là pour diaboliser le détachement : la France est l’un des pays qui y recourt le plus. Quand il est associé à une prestation de service, quand il a pour objet la mise en place des machines ou la réalisation d’une prestation spécialisée qu’une entreprise en Europe est seule capable de faire, le détachement est parfaitement adapté.
En revanche, il convient d’éviter le détournement de la directive détachement et d’empêcher que l’on pourvoie des emplois non délocalisables par des salariés délocalisés. De ce point de vue, le texte me paraît mettre en oeuvre une méthodologie très intéressante. On aura très clairement plus de facilité à s’attaquer à la responsabilité du donneur d’ordre ou du maître de l’ouvrage qu’aux officines spécialisées, qui ont identifié un créneau et s’emploient à l’exploiter dans d’autres pays, où il est difficile de les atteindre en recourant au droit français.
À cet égard, les obligations qui pèsent sur les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage sont évidemment très positives. Ils sont soumis, d’abord, à une obligation de déclaration. Ils ont également l’obligation d’intervenir, pour faire respecter les droits des travailleurs détachés, dès lors que le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage est informé de leur violation par un agent de contrôle ; la liste des agents de contrôle est vaste et ne se réduit pas aux agents de contrôle de l’Inspection du travail. Ils ont par ailleurs une obligation de mise en demeure.
La sanction de l’obligation instituée me paraît également intéressante, eu égard aux transferts d’obligations : ainsi, s’il n’est pas fourni un logement décent et si l’employeur, à l’origine du détachement, ne met pas, après mise en demeure, un logement décent à la disposition du salarié, l’obligation pèse désormais sur le donneur d’ordre. C’est une sanction extrêmement dissuasive. Il en est de même en matière de salaire : si le salaire minimum légal ou conventionnel n’est pas payé par l’employeur, il devra l’être par le donneur d’ordre, si ce dernier manque à son obligation de mettre en demeure et d’informer l’agent de contrôle de l’absence de résultat de cette dernière.
Par ailleurs, monsieur Savary, votre proposition de loi constitue un véritable laboratoire puisqu’elle anticipe sur la réforme plus générale de l’inspection du travail. C’est grâce à vous que sont, pour la première fois, mises à la disposition de l’administration du travail des sanctions administratives, telles que l’amende administrative, fixée au taux de 2 000 euros, qui peut, dans certains cas, passer à 4 000 euros. De ce point de vue, on se situe dans l’anticipation de la réforme plus générale de l’inspection du travail, dont nous attendons la partie législative, qui aurait pu être adoptée dans le cadre de l’article 20 de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, si le Sénat n’en avait pas décidé autrement.
Comme vous le savez, j’ai déposé une proposition de loi qui vise à rétablir – ou à établir – dans notre droit les dispositions de l’article 20 du texte, tel qu’il avait été déposé par Michel Sapin, concernant les pouvoirs de l’inspection du travail. J’espère que nous pourrons dans les meilleurs délais parvenir plus largement à doter l’inspection du travail de ces nouveaux pouvoirs. En tout état de cause, l’esprit de votre texte consiste véritablement à renforcer les pouvoirs de ce corps et à se doter d’un ministère fort.
Bien évidemment, au-delà de l’amende, de la liste noire que vous établissez, cette réforme de l’inspection du travail – je parle cette fois-ci de son aspect réglementaire, du décret du 20 mars 2014 – fait également naître des espoirs. En effet, aujourd’hui, l’inspection du travail dispose d’une organisation renouvelée, restructurée, qui me semble plus adaptée – de manière générale – à la lutte contre le travail dissimulé, et, plus particulièrement, contre le détachement européen ou international. Jusqu’à présent, l’inspection du travail était organisée en sections d’inspection, comprenant un inspecteur, deux contrôleurs et des personnels d’appui. Elle est désormais constituée d’unités de contrôle, qui existent aux niveaux régional et national : on peut à présent concentrer l’effort, à ces deux niveaux, sur la lutte contre le travail dissimulé et le détournement de la directive détachement.
Le détachement international est l’un des rares domaines où des entreprises du bâtiment viennent frapper à la porte des députés pour dire qu’elles attendent l’inspecteur du travail. Comme il est attendu, j’espère que l’on ne va pas le décevoir