Nous étions tous d’accord pour dire qu’il pouvait y avoir, à la marge, un certain nombre de problèmes. Mais là encore, vouloir mettre la focale sur l’ensemble du monde de l’entreprise est quelque peu surprenant !
Il est très regrettable que le texte stigmatise les entreprises en cette période de crise et de chômage de masse. Il est, par ailleurs, en complète opposition avec la politique globale de développement de l’accueil des jeunes en entreprise. Je note que là aussi, il y a, d’un côté, les discours et, de l’autre, les actes d’une majorité, qui, nous l’avons encore vu hier soir, est extrêmement fracturée sur un certain nombre de sujets.
Actuellement, dans les entreprises de 250 salariés et plus, l’employeur doit garantir l’embauche en alternance d’au moins 4 % de l’effectif global. À défaut, un malus lui est imposé.
Pourtant, les derniers chiffres de la DARES attestent d’une difficulté croissante à recruter des jeunes en alternance – les contrats en apprentissage ont baissé de 8 % et les contrats de professionnalisation de 5 % en 2013. Ce sont là les chiffres du ministère ! Le plafonnement du nombre de stagiaires couplé à la baisse du nombre de contrats en alternance, ne pourra qu’aggraver la baisse du taux d’accès à l’emploi des jeunes.
Les quelques cas d’abus de recours aux stages ne sauraient servir de prétexte pour remettre en cause la quasi-totalité des dispositifs de stages en entreprise qui se passent bien. Il faut donc veiller à ne pas développer un discours dénonçant systématiquement des abus sans appui statistique probant. Nous les avons d’ailleurs souvent réclamés au cours du débat parlementaire, sans jamais les obtenir.
Il paraîtrait donc plus judicieux de fixer un tel quota de stagiaires par un accord de branche. En effet, les partenaires sociaux ont déjà négocié au niveau national interprofessionnel la question des stages, avec l’ANI du 7 juin 2011. Ils sont tout à fait habilités à déterminer les conditions optimales d’accueil des stagiaires en cohérence avec la dynamique économique et les besoins des secteurs d’activité. Là encore, paradoxalement, vous ne faites pas confiance aux partenaires sociaux.
Il conviendrait également de supprimer les amendes administratives en cas de dépassement du quota de stagiaires. Nous l’avons à plusieurs reprises mentionné. Qu’allez-vous faire des start-up ? Il faut poursuivre la responsabilisation de toutes les parties prenantes signataires de la convention de stages afin de garantir la bonne exécution et le respect des droits et obligations du stagiaire.
Par ailleurs, l’évaluation qualitative de l’organisme d’accueil par le stagiaire, distinct du rapport de stage prévu dans la loi, risque d’aboutir à la constitution de « listes noires » dans les établissements d’enseignement sans retour prévu pour l’entreprise. En lieu et place, il conviendrait, pour améliorer les conditions d’accueil des stagiaires, que l’entreprise soit destinataire de cette évaluation effectuée par le stagiaire. Ainsi, pourrait être généré un processus d’assurance-qualité de la politique de stages qui associe entreprise, établissement d’enseignement et stagiaire.
En second lieu, l’assimilation du stage à un contrat de travail aggrave la charge administrative des entreprises. Contrairement au discours initial, des amendements ont conféré aux stagiaires des droits comparables à ceux des salariés. Or, le stage n’est pas un contrat de travail et ne doit pas le devenir. Il doit relever du code de l’éducation. Au regard de la situation de l’emploi des jeunes en France, il faudrait renforcer la politique d’alternance et non la contraindre et plus encore, libérer les initiatives des entreprises pour qu’elles puissent accueillir davantage de jeunes afin de favoriser, à terme, leur accès à l’emploi.
Un stage est une période fantastique de formation en milieu professionnel régie par une convention de stage et durant laquelle le stagiaire doit conserver son statut d’étudiant. Leur étendre les droits afférents aux salariés concernant les congés de paternité, de maternité et d’adoption sera largement contre-productif pour la prise de stagiaires par les entreprises. La proportion de stagiaires concernés sera sans doute très faible mais c’est une mesure symbolique. Par cohérence, en cas de manquements, le contrôle doit donc revenir aux autorités académiques et non à l’inspection du travail.
Cette loi est bien trop rigide alors qu’elle concerne un secteur où l’on a typiquement besoin de souplesse. En effet, en vertu de cette loi, la durée d’un stage ne pourra pas excéder six mois. Un décret fixera la liste des formations qui bénéficieront d’une dérogation de deux ans, le temps d’adapter leur maquette pédagogique à la nouvelle obligation. Philippe Jamet, président de la Conférence des grandes écoles y voit une atteinte aux conditions d’embauche des jeunes diplômés. Et il a raison. « Un tiers à un quart de nos étudiants font un stage de fin d’études de plus de six mois », explique-t-il. Et ce stage est bien souvent un passeport pour l’emploi puisque 40 à 50 % de nos diplômés décrochent un emploi à son issue. Tout ce qui modifie ces conditions doit donc être examiné finement, ce qui n’a pas du tout été le cas.
En troisième lieu, la fameuse année de césure est également menacée. Devenue traditionnelle dans les écoles de management et d’ingénieurs, les étudiants étant de plus en plus nombreux à en profiter, elle permet d’interrompre ses études pendant un an pour effectuer un stage en entreprise, partir à l’étranger ou mener à bien un projet plus personnel.
Ce texte n’est donc pas du tout équilibré. Le droit existant protège déjà les stagiaires en prévoyant que les stages doivent s’inscrire dans un cursus pédagogique. Le stage ne doit pas remplacer un emploi permanent, temporaire ou saisonnier et le stagiaire ne peut remplacer un salarié absent, suspendu ou licencié. Toutes ces dispositions étaient déjà prévues dans la loi Cherpion qui a apporté de nombreuses avancées – délai de carence, gratification obligatoire au-delà de deux mois de stage, déduction de la durée du stage de la période d’essai en cas d’embauche, intégration de cette durée dans le calcul des droits à 1’ancienneté. Toutes ces mesures résultaient d’une véritable concertation avec les partenaires sociaux. Je suis surpris que, sur un sujet de cette nature, la majorité actuelle n’ait pas engagé de concertation avec les partenaires sociaux, du moins pas dans le cadre d’un accord interprofessionnel.
Cette proposition de loi, quant à elle, est dangereuse, parce qu’elle raréfiera l’offre de stages. Le mieux est l’ennemi du bien : pour protéger les stagiaires encore faut-il qu’il y ait des stages. Alors qu’un stage est devenu un passeport pour l’emploi, n’empêchons pas les jeunes de valider leur cursus faute d’avoir pu en accomplir un parce que le dispositif les aura pénalisés.
Limiter le nombre de stagiaires en fonction des effectifs et créer une amende administrative sont deux mesures dangereuses. Qu’en est-il des start-up ? Les stagiaires, qui peuvent y être proportionnellement très nombreux, y suivent une vraie formation. Nous n’avons jamais obtenu de réponse à cette question. L’assimilation du stage à un contrat de travail aggrave la charge administrative pour les entreprises : ce n’est pas la bonne voie. Voilà pourquoi nous sommes opposés à ce texte qui empêchera nos jeunes de trouver des stages, dissuadera les entreprises d’engager des stagiaires.
C’est dommage. Une fois de plus, vous agissez à l’encontre des intérêts des jeunes, aussi nous opposerons-nous à ce texte.