Je vous remercie de m'avoir convié à dialoguer avec vous sur le sujet du remplacement de l'écotaxe par le péage de transit poids lourds. Je rappelle, car cela a un intérêt historique, que la création de l'écotaxe remonte au Grenelle de l'environnement, a été votée en 2008 et que la taxe n'était toujours pas mise en application en 2012. Nous avons hérité d'un dossier que nous avons géré au mieux, puisqu'encore huit jours avant le premier tour de l'élection présidentielle, M. François Fillon signait des textes portant sur ce dispositif, en organisant notamment la répercussion de la taxe pour les poids lourds vers les bénéficiaires de la prestation de transport. Cela a suscité, comme vous le savez, une « levée de boucliers » notamment en Bretagne, lors de la mise en place opérationnelle de la taxe, dont l'application avait été jusque-là différée : le nouveau gouvernement a donc dû gérer cela à son arrivée. Les producteurs de fruits et légumes, notamment, ont alors découvert qu'ils devraient supporter le poids de l'écotaxe. À la suite de la réaction sociale très forte contre un dispositif à la fois incompris et brutal, reposant notamment sur des ouvrages très visibles sur les axes routiers – alors que d'autres pays disposent de systèmes visuellement moins agressifs que les portiques –, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a été conduit à suspendre le dispositif. Dès ma nomination comme ministre de l'Écologie, j'ai regardé avec le secrétaire d'État chargé des Transports comment nous pouvions « remettre à plat » le dispositif pour le rendre plus intelligent et plus acceptable socialement. Ainsi, nous avons décidé de mettre en place un système de péage de transit pour les poids lourds, qui est un système de bon sens, juste et efficace.
Un système de bon sens, parce qu'il est logique que les poids lourds de plus de 3,5 tonnes apportent une contribution au titre de leur utilisation de l'infrastructure. Je rappelle que la plupart d'entre eux, notamment pour le transit international, ne payent rien actuellement, alors même qu'ils se fournissent fréquemment en carburant à l'étranger avant de traverser la France. Il est donc normal que l'usage massif de ces voies, empruntées par plus de 2 500 poids lourds par jour, donne lieu à une contribution. À cet égard, c'est un système juste, et notamment plus juste que les propositions consistant à exonérer l'ensemble d'une région, telle que la Bretagne, de toute contribution – ce qui serait d'ailleurs tout à fait contestable d'un point de vue constitutionnel. Ce système consistant à retenir, pour le réseau taxable, les axes les plus fréquentés – c'est-à-dire ceux sur lesquels la circulation de poids lourds est extrêmement dense –, selon un système unique, est donc pertinent. C'est aussi un système efficace, puisque nous avons déjà rendu publique une carte claire du réseau concerné, incluant les axes parallèles empruntés par les poids lourds pour éviter de payer les sections payantes des autoroutes. Il existe sur ces axes des problèmes de pollution et de sécurité, et l'instauration d'une taxe au taux moyen de 13 centimes d'euros par kilomètres permettra d'égaliser le coût des différents itinéraires, ce qui conduira à une meilleure répartition du trafic : certains poids lourds cesseront de traverser les villages et préféreront emprunter le réseau autoroutier.
À partir du 1er octobre 2014, sera conduite une expérimentation sans facturation, et à compter du 1er janvier 2015, la mise en service de ce dispositif deviendra effective.
Vous avez raison, la réduction du réseau routier concerné de 15 000 à 4 000 kilomètres, concentrés sur les grands axes de transit, ne permettra pas de conserver un rendement aussi élevé que prévu.
Les transporteurs pourront moduler leurs prix, de manière encadrée, pour mettre à contribution les bénéficiaires des prestations de transport, c'est-à-dire les « chargeurs ». Conformément à la loi du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports, le taux de majoration sera de l'ordre de 2 % pour le trafic interrégional de poids lourds, alors que l'ancien système lié à l'écotaxe prévoyait pour cette majoration un taux interrégional de 5,2 %.
La recette brute annuelle attendue du nouveau dispositif sera de l'ordre de 550 millions d'euros et sera affectée à l'AFITF. Un prochain projet de loi de finances permettra d'apporter des réponses en ce qui concerne un financement complémentaire pour les infrastructures de transport. Le Gouvernement a confirmé ce matin à l'issue du Conseil des ministres qu'il entendait tenir ses engagements concernant le volet mobilité des contrats de projet État-régions, dont la signature est prévue à l'automne. S'agissant des éventuelles recettes de substitution, le Gouvernement étudie toutes les solutions envisageables au regard de la réglementation communautaire en matière de financement des infrastructures de transport.
En ce qui concerne la société Écomouv', une négociation a été engagée par le Gouvernement pour renforcer les moyens de contrôle public et pourra aller jusqu'à une participation de la puissance publique au capital de cette société.
Ce nouveau dispositif fait l'objet d'un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2014, qui permettra de faire participer les flux de transit routier intra-européen au financement des infrastructures de transport, sans alourdir les charges pesant sur les circuits de distribution locaux. Cette solution, j'en conviens, devra être complétée par d'autres recettes pour remettre à niveau les finances de l'AFITF et permettre la mise en oeuvre des contrats de projet État-régions.