Mon exposé liminaire sera relativement bref, car les sujets que nous allons aborder font partie d'un ensemble dont nous débattons actuellement en séance publique avec le projet de loi de finances rectificative – PLFR.
Ces orientations ont été évoquées, d'une part, le 8 avril dernier lors du discours de politique générale du Premier ministre et du vote de confiance qui a suivi, d'autre part, à l'occasion du débat sur la déclaration de politique générale du Gouvernement préalable à la transmission du programme de stabilité à la Commission européenne.
Je rappelle que ce n'est que la deuxième fois depuis 1996 que notre Assemblée est saisie d'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale – PLFRSS. La première fois, en 2011, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale avait porté sur la création d'un dispositif de prime sur les dividendes.
Ce débat est encadré par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui pose des règles de procédure assez strictes, excluant notamment que nous puissions débattre et voter des dispositions ayant un effet en 2015 mais qui ne seraient pas pérennes. Celles-ci sont renvoyées au projet de loi de financement de l'année. Ceci explique qu'une partie des dispositions du pacte de responsabilité et de solidarité trouveront leur place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Nous avons un débat récurrent dans notre Commission sur l'opportunité des textes financiers rectificatifs. À ce propos, je rappelle qu'il y a deux raisons essentielles de débattre aujourd'hui d'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, au-delà de la volonté politique d'affirmer la mise en oeuvre des orientations que nous avons adoptées. Tout d'abord, certaines mesures doivent entrer en vigueur au cours de l'année 2014 : il s'agit de la stabilisation des prestations sociales. Ensuite, pour des raisons de bonne gouvernance et compte tenu du délai afférent à l'éventuelle saisine du Conseil constitutionnel, il est nécessaire d'adopter le plus rapidement possible certains dispositifs plus longs à se mettre en place, par exemple l'allégement des cotisations salariales et patronales.
Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est parce que la situation de la France était plus que préoccupante en 2012. Comme l'avait rappelé M. Pierre Moscovici, alors ministre de l'Économie et des finances, nous souffrions d'un triple déficit : déficit des finances publiques, déficit de compétitivité et déficit de confiance. Face à une telle situation, nous avons été conduits, dès l'été 2012 puis dans les projets de loi de finances pour 2013 et 2014, à prendre des dispositions d'augmentation des prélèvements obligatoires et de maîtrise de l'évolution de la dépense publique.
Il est toujours de bon ton de critiquer a posteriori les dispositions prises, lorsque la dépense publique a progressé au cours des dix dernières années de plus de 2,5 points par an. La situation que nous avons trouvée en 2012 était également marquée par une dégradation forte de la compétitivité de nos entreprises, laquelle s'est traduite dans le chiffre du déficit extérieur et dans la baisse continue de leur taux de marge. Nos entreprises ont souffert d'un mauvais positionnement en ce qu'elles n'ont pas suffisamment occupé les secteurs de croissance, d'innovation et à valeur ajoutée. Elles se sont ainsi retrouvées dans l'incapacité de faire face à l'émergence de nouveaux concurrents économiques qui ont pratiqué une forme de dumping social.
Nous nous inscrivons aujourd'hui dans le cadre des orientations fixées par le Président de la République lors de son intervention du 31 décembre 2013 et sa conférence de presse du 14 janvier 2014. Il s'agit tout à la fois d'accélérer et d'approfondir ces engagements.
Un certain nombre de mesures ont été prises à partir de l'été 2012. Je citerai l'adoption en décembre 2012 du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – dont il a longuement été question hier en séance publique. Nous avons également jeté les bases d'une politique industrielle cohérente et ambitieuse avec la création de la Banque publique d'investissement et le lancement de trente-quatre pôles d'innovation et de compétitivité. La réforme des retraites, pour consolider notre protection sociale, et l'accord national interprofessionnel pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés se sont ajoutés à ces éléments de politique industrielle qui visent à redonner de la compétitivité à nos entreprises.
Ces mesures portent et porteront progressivement leurs effets. Mais elles nécessitaient un approfondissement. Le pacte de responsabilité constitue cet approfondissement. Il détermine une politique qui vise à la fois à améliorer l'offre productive, la rendre plus compétitive et à soutenir dans le même temps la demande dans le cadre des contraintes qui sont les nôtres. Si nous poursuivons aujourd'hui cette politique, c'est parce qu'elle est nécessaire à la compétitivité de nos entreprises et à leur besoin de financement.
Nonobstant les problèmes que pose une relance dans une économie extrêmement ouverte, les finances publiques nous laissent des marges relativement étroites – et ce indépendamment des contraintes des traités européens en matière de trajectoire de réduction des déficits publics. Si elle peut avoir des effets à court terme, une politique persistante de déficits publics et une perpétuelle augmentation de la dette annonceraient des lendemains qui déchantent.
En fait, nous nous trouvons dans une phase de déclinaison des orientations dont nous avons déjà débattu et pour lesquelles nous avons, d'une part, accordé notre confiance au Gouvernement le 8 avril dernier, et, d'autre part, voté les principes lors de l'examen de la déclaration faite par le Gouvernement à l'occasion de la présentation du programme de stabilité.
Le pacte de responsabilité et de solidarité repose sur une volonté de confiance et de dialogue entre les entreprises et les pouvoirs publics, aussi bien qu'au sein des entreprises entre les chefs d'entreprise et les partenaires sociaux. La logique de ce pacte est de se décliner en étapes. Pour les perspectives les plus longues, il se décline jusqu'en 2020, mais plusieurs étapes sont à franchir avant 2017.
Le Gouvernement a fait le choix d'adopter ces mesures année après année. Ce choix doit être soutenu, car il permettra de faire le bilan de la situation chaque année à l'occasion du débat et du vote des mesures qui interviendront pour baisser les prélèvements obligatoires sur les ménages et les entreprises.
Le présent projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale a pour objet de dégager de nouveaux moyens en faveur de l'emploi et de relancer la croissance. Il redonne aux entreprises les marges nécessaires pour innover, embaucher et investir. Selon un certain nombre de simulations macroéconomiques, qui éclairent le débat mais qui doivent être prises avec précaution, il est attendu de cette politique dite de l'offre au minimum 0,5 point de croissance ainsi que la création de 200 000 emplois marchands.
Parallèlement, ce projet de loi intervient sur la demande avec des mesures significatives : pour la première fois dans notre pays, il est prévu un allégement de cotisations salariales pour redonner du pouvoir d'achat, notamment autour du SMIC.
Pour tenir la trajectoire de redressement des finances publiques et pour tenir compte des résultats de l'exercice 2013, le Gouvernement a souhaité qu'un effort supplémentaire d'économies soit réalisé à hauteur de 4 milliards d'euros, dont 1,6 milliard sur le budget de l'État et 2,4 milliards par les organismes de sécurité sociale, au titre de ce projet de loi de financement rectificative. Une partie de ces économies sont des économies de constatation compte tenu des excellents résultats obtenus.
Nous aurons l'occasion d'y revenir à l'occasion de l'examen des articles. Le rapport pour avis que je présenterai montrera la trajectoire de redressement significative des comptes sociaux engagée depuis 2012, après des années de déficits persistants. Il fera également état de la situation, et notamment du déficit persistant des comptes sociaux que l'on retrouve dans les comptes de la protection sociale à la fois au travers de la dette transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES – et dubesoin de trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale –ACOSS.
D'abord, une dette a été transférée à la CADES et elle sera amortie selon des règles qui ont été modifiées à plusieurs reprises. Ces règles garantissent l'extinction de cette dette. Toutefois, je rappelle que le transfert d'une dette sociale a pour principe politique de faire payer par des générations à venir des dépenses sociales du passé, qu'il s'agisse de dépenses d'assurance maladie, de politique familiale ou de retraites. Cette dette pourrait s'expliquer pour partie par des politiques contra-cycliques. Mais elle pose question lorsque ce mode de financement des dépenses sociales devient à ce point structurel. À cet égard, je voudrais vous faire part de mon expérience lorsque j'étais en charge de ces questions en 1990 au cabinet de M. Michel Rocard, alors Premier ministre. Je rappelle qu'à cette époque, nous devions gérer le déficit cumulé des organismes de protection sociale à l'aide d'avances de la Caisse des dépôts et consignations dont le montant était plafonné à 6 milliards de francs. En comparaison, en 2014, 227 milliards d'euros de déficits cumulés des organismes de protection sociale ont été transférés à la CADES, dont environ 130 milliards restent à rembourser.
S'ajoute à ce déficit cumulé à amortir au sein de la CADES un déficit lié au besoin de trésorerie de l'ACOSS : de 24 milliards d'euros en 2013, il passera à 37 milliards en 2014. Ce déficit est parfois présenté comme un déficit de trésorerie bien qu'il n'en soit pas un. Il n'a pas été transféré à la CADES, car un tel transfert supposerait de lui donner les moyens de financement nécessaires en contrepartie. Nous devrons probablement revenir sur ce point lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. Cette dette ne pourra être remboursée que si nos régimes retrouvent un excédent, ce qui rend d'autant plus urgent le rééquilibrage de nos comptes sociaux.
L'article 1er prévoit une réduction dégressive de cotisations salariales pour les rémunérations allant jusqu'à 1,3 SMIC, avec un effet maximal au niveau du SMIC. Le coût de la mesure est évalué à 2,05 milliards d'euros en 2015, pour 5 200 000 bénéficiaires et apportera un gain brut de pouvoir d'achat de 520 euros par an. Un mécanisme différent sera mis en oeuvre pour les fonctionnaires, la hiérarchie des salaires et les mesures de pouvoir d'achat sur les bas salaires dans la fonction publique justifiant une certaine adaptation.
L'article 2 fixe un objectif « zéro charges » au niveau du SMIC et prévoit une réduction de cotisations patronales familiales qui prendra effet au 1er janvier 2015. L'objectif « zéro charges » coûtera 1,4 milliard d'euros. L'allégement de cotisations familiales avec une réduction de 1,8 point de cotisations jusqu'à 1,6 SMIC coûtera près de 3 milliards d'euros. Cet allégement sera étendu en 2016 jusqu'à 3,5 SMIC et coûtera 4,5 milliards d'euros supplémentaires. La réduction de cotisations familiales pour les travailleurs indépendants, qui sont essentiellement des artisans et des commerçants, sera de 3,1 points jusqu'à 3 SMIC nets annuels, avec une baisse linéaire de l'exonération entre 3 et 3,8 SMIC. Le coût de cette mesure est évalué à 1 milliard d'euros. Au total, l'article 2 diminuera les charges sociales à hauteur de 5,4 milliards d'euros en 2015.
L'article 3 engage la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – et intègre financièrement le Régime social des indépendants au régime général.
Enfin, l'article 9 prévoit la stabilisation des prestations sociales au 1er octobre 2014. Le gel des prestations sociales est sans doute la pire des mesures, dès lors qu'elle s'applique uniformément, y compris aux ménages les plus modestes. Mais c'est certainement la pire des mesures à l'exception de toutes les autres, sauf à considérer que le domaine de la protection sociale est à l'abri de l'effort de consolidation budgétaire. Pour maîtriser la dépense publique d'un montant équivalent sans geler les prestations sociales, il faudrait remettre en cause et supprimer de nombreuses prestations. Puisque des amendements ont été proposés ou adoptés sur ce sujet par notre Commission dans le cadre de l'examen du PLFR, je proposerai par cohérence des amendements similaires dans le cadre du PLFRSS.
Au sujet de l'évolution du pouvoir d'achat des ménages touchés par les mesures de gel des prestations sociales, il convient de prendre en compte l'ensemble des mesures concernant ces ménages depuis juin 2012. Le rapport montre à cet égard que pour nombre de ménages modestes, la politique suivie par le Gouvernement se traduit par des gains significatifs de pouvoir d'achat.