Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 30 juin 2014 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Où est passée la volonté affichée de redonner confiance dans la parole publique, d’en susciter l’envie et de répondre plus efficacement, plus rapidement aux attentes de nos concitoyens ?

Où est la volonté mais surtout, où sont les actes concrets ?

En réalité, pour le groupe UDI, ce texte relève du triple A : A comme aveu, A comme ambiguïté, A comme absence. Aveu des erreurs de politique fiscale commises ces deux dernières années, ambiguïté des mesures correctrices proposées dans ce projet de loi, et absence des réformes structurelles qui auraient pu y être attachées.

Ce projet de loi résonne d’abord comme l’aveu des erreurs lourdes de politique économique et fiscale commises au début du quinquennat, qui hypothèquent désormais durablement le retour de la croissance.

La première erreur a été la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires pour plus de huit millions de salariés, qui a profondément porté atteinte à leur pouvoir d’achat.

La deuxième erreur a résidé dans la suppression des allègements de charges aux entreprises, pour un montant de plus de 13 milliards d’euros. En cumulant cette mesure avec l’alourdissement de la fiscalité des entreprises de 14 milliards d’impôts supplémentaires depuis 2012, c’est un fardeau de plus de 27 milliards d’euros de fiscalité nouvelle qui grève sur la compétitivité de nos entreprises.

En baissant les charges sur le travail et les salaires, le Président de la République et sa majorité reconnaissent enfin que, depuis le début du quinquennat, ils ont fait fausse route – ou plutôt ils semblent le reconnaître.

Au sein du groupe UDI, nous pensons en réalité qu’avec ce projet de loi, le Gouvernement et sa majorité agissent comme ces personnes qui estiment que l’aveu de leurs défauts les dispense de s’en corriger.

En effet, ce texte se perd dans l’ambiguïté des mesures qu’il propose. C’est d’abord vrai de l’équilibre financier qu’il vise, puisqu’il repose sur une hypothèse de croissance de 1 % alors même que l’INSEE ne table que sur une croissance de 0,7 %. Ce projet de loi est ambigu d’abord parce qu’il n’est pas sincère. Il est ambigu ensuite parce que ses mesures n’entreront en vigueur que tardivement : alors que notre économie donne des signes alarmants de faiblesse, que viennent de souligner les derniers chiffres du chômage, les baisses de charges annoncées ne pourront prendre effet qu’au 1er janvier 2015 !

Or, ces baisses de charge, dont le Gouvernement ne conteste plus l’utilité, puisqu’il les propose lui-même, c’est dans les semaines qui viennent qu’elles doivent entrer en vigueur ! C’est à cette condition qu’elles produiront à temps leurs effets.

« La France est en panne, en panne de confiance, de croissance, de compétitivité, de création d’emplois ». Ce constat que Jean Louis Borloo dressait en mars 2013, nous pouvons le reprendre mot pour mot, pour souligner la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons.

Pourtant, malgré l’urgence, tout se passe pour l’instant comme si les mesures du pacte de responsabilité, annoncées le 30 décembre 2013, allaient tranquillement entrer en vigueur au 1er janvier… 2015, soit un an après. Un an trop tard ! Un an de perdu !

Vous reconnaissez que la fiscalité est trop lourde. Vous vous dispensez pourtant, en 2014, de corriger ce défaut, cette erreur, jusqu’à frôler l’entêtement. Certains y verront la conséquence de l’orientation sociale-libérale nouvelle de la politique de ce gouvernement, orientation que n’assume pas une partie de votre majorité, et qui vous amène à différer l’entrée en vigueur des premières mesures censées incarner cette nouvelle ligne.

Force est de constater qu’en amont de l’examen du présent texte ainsi que du projet de loi de finances rectificative, les « frondeurs » »ont suscité bien des débats au sein de la majorité sur la ligne politique de celle-ci. Nous doutons que ces débats aient été définitivement tranchés. Ils enferment au contraire la majorité et le Gouvernement dans un jeu de miroirs schizophrène.

Les uns rappellent la liste des promesses intenables sur la foi desquelles ils ont été élus, tandis que les autres leur renvoient l’image d’une réalité économique devenue incontournable.

À ce jeu là, tout le monde perd, d’abord et avant tout nos compatriotes. J’en veux pour preuve un certain nombre de mesures, dont nous doutons que le souci de l’équité et le sens de la justice sociale les aient inspirées.

C’est vrai, par exemple, du gel des prestations sociales qui touche des concitoyens de condition modeste. Avec la non-revalorisation de leurs prestations, l’effort qui leur est demandé est-il juste, dès lors que font défaut dans ce projet de loi les mesures structurelles de maîtrise des dépenses publiques, qui auraient garanti le caractère exceptionnel de ce gel ? De même, est-il juste de solliciter à nouveau les retraités en gelant la revalorisation des pensions, en réalité pour une durée portée à dix-huit mois ?

Certes, sur ce point, le Gouvernement a consenti une avancée allant dans le sens de nos préoccupations, en exonérant de cet effort ceux qui touchent les pensions les plus modestes.

Mais force est de constater qu’après avoir été déjà fortement sollicités, notamment avec la suppression des exonérations fiscales pour charges de famille, ils doivent à nouveau supporter une mesure qui pèsera sur leur pouvoir d’achat et leur vie quotidienne.

Ce projet de loi s’illustre enfin par l’absence de mesures structurelles concernant l’avenir de notre protection sociale, la structure de son financement et la manière dont nous abordons de nouveaux enjeux, notamment en matière de santé publique.

Nous ne voyons pas davantage dans ce texte la nature des économies qui seront opérées par le Gouvernement pour compenser les baisses de charges que vous vous apprêtez à pratiquer, avec si peu d’empressement.

Cette absence vient confirmer ce que nous constatons depuis maintenant deux ans, à l’abord de l’examen de chaque projet de loi de financement de la Sécurité sociale : il manque à ceux-ci des orientations susceptibles de réformer, de manière structurelle, notre protection sociale et de rétablir, sur le long terme, l’équilibre de nos comptes sociaux.

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