Intervention de Philippe Vitel

Séance en hémicycle du 30 juin 2014 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vitel :

Ce texte, qui vise essentiellement un effet d’affichage, est loin de rassurer la communauté soignante de notre pays et l’éternel défenseur de la médecine libérale que je suis ne peut qu’être aujourd’hui très inquiet.

Si je voulais y voir un aspect positif, je pourrais considérer qu’il me rajeunit, car il me renvoie presque vingt années en arrière, à l’époque où, engagé dans les organismes représentatifs de la profession, je me battais pour faire comprendre à mes confrères qu’il fallait accepter la maîtrise médicalisée des dépenses et mettre en pratique les références médicales opposables au risque de se voir imposer une maîtrise comptable.

Patatras ! Au moment où les premiers résultats commençaient à se faire sentir, les dirigeants politiques de l’époque effectuaient un virage à 180 degrés qu’ils allaient d’ailleurs payer très cher électoralement. Ils inventaient, en 1996, l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, afin, comme le proclamaient certains conseillers techniques du ministère, de donner un contenu médical à un objectif de dépenses. Ainsi était née la maîtrise comptable, qui allait s’avérer au fil du temps totalement inefficace dans le rééquilibrage durable des comptes de l’assurance maladie et qui s’accompagnait de nouvelles couches réglementaires dont l’effet inéluctable était le rationnement des soins.

Aujourd’hui, madame la ministre, j’ai vraiment le sentiment que l’histoire se répète. En effet, grâce aux efforts de tous, l’ONDAM, qui avait connu un dépassement cumulé de 19 milliards d’euros entre 1998 et 2008 avant de trouver son équilibre en 2009 et 2010, est sous-exécuté depuis 2011 et a généré une économie de 1,4 milliard en 2013.

Pour 2014, une rectification à la baisse de 800 millions d’euros est attendue, alors que le taux de progression de l’ONDAM a été fixé à 2,4 %, ce qui est le plus bas taux depuis 1998.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les médecins libéraux sont les principaux contributeurs de ces économies. Ils ont permis d’économiser en 2013 1,1 milliard d’euros, avec une surexécution de 109 % des objectifs de maîtrise médicalisée. Or, du fait des mesures iniques que vous nous proposez aujourd’hui, ils ne récolteront pas les fruits de leurs efforts et continueront à pâtir de la sous-valorisation des actes.

Réduire de 400 millions d’euros l’ONDAM soins de ville assèche toute marge de manoeuvre et élimine de facto toute possibilité d’évolution tarifaire pour 2014. Il est choquant que cette baisse soit deux fois plus importante que celle de l’ONDAM hospitalier, alors que la médecine libérale de ville contribue quatre fois plus aux économies que les hôpitaux publics, dont les déficits continuent de se creuser.

Cette baisse de l’ONDAM signe donc une rupture brutale avec la maîtrise médicalisée, qui commençait à donner de très bons résultats, et n’est absolument pas en cohérence avec votre discours sur le développement des soins de proximité. Ainsi donc, dix-huit ans après, l’histoire se répète et, une fois de plus, les libéraux joueront le rôle de boucs émissaires !

Il est grand temps, madame la ministre, de réfléchir tous ensemble à une vraie réforme structurelle, qui serait seule à même de garantir la pérennité de notre système de soins par une mobilisation sans faille de tous les acteurs autour d’un projet positif.

À ce sujet, j’ai ressorti de ma bibliothèque les propositions pour la maîtrise de l’ONDAM 2013-2017 publiées en 2012 sous forme de rapport par une mission de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale des finances. Ces propositions me semblent pleines de bon sens. Les auteurs du rapport appellent à redéfinir les places respectives de l’hôpital, recentré sur les soins complexes, des soins de ville et des établissements et services médico-sociaux, et émettent le souhait d’une médecine de parcours plus fluide et efficiente s’appuyant sur une meilleure coordination des professionnels et un décloisonnement entre domaines de soins. Ils privilégient les efforts de maîtrise médicalisée visant à dispenser des soins adéquats et pertinents à leur juste prix. Ils rappellent que le patient doit être au coeur du système de santé, qui échouerait s’il sacrifiait la qualité de ses résultats à l’ajustement financier.

En conclusion de son rapport, la mission rappelait, et je ferai mienne ce soir cette affirmation, que seul un effort raisonné, imaginatif mais immédiat et résolu est de nature à garantir l’avenir de notre système de soins afin de continuer à offrir aux malades les services de qualité qu’ils sont en droit d’attendre.

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