Intervention de Jean-Luc Laurent

Séance en hémicycle du 30 juin 2014 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Laurent :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, les deux lois de finances que le Parlement examine actuellement jettent les bases concrètes du pacte de responsabilité, esquissé le 1er janvier, précisé, amendé, et parfois ballotté, durant tout le printemps. Nous entrons à présent dans une deuxième phase du quinquennat, non que la majorité se soit convertie à une politique de l’offre, mais parce que nous sommes sortis du simple « redressement dans la justice ».

Plus personne ne peut feindre d’ignorer les effets récessifs de la course aux 3 %. Ces baisses de dépenses, qui ont pour conséquence de repousser sans cesse l’objectif de redressement des comptes publics, fabriquent une politique sans chance, une politique de l’échec perpétuel, qui provoque une grande anxiété civique. Chaque citoyen se sent écrasé par la dette, écrasé par l’impotence des politiques. Cette anxiété s’est exprimée, entre autres, par deux fois, dans les urnes ce printemps.

L’OFCE l’a dit très tôt, la rapporteure générale du budget le dit maintenant : cette politique tue la croissance et fabrique du chômage. La croissance zéro et la hausse du chômage ne sont pas des phénomènes naturels, des orages dont il faut guetter la fin, mais bien le produit d’une mécanique austéritaire, imposée par ce que j’appelle les 3 « B » : Bruxelles, Berlin, Bercy.

Ce pacte repose sur la volonté d’écarter la question du taux de change de l’euro, et plus encore celle de la nécessaire refonte de l’euro, avec sa transformation de monnaie unique en monnaie commune.

Les mesures de baisse du coût du travail ne peuvent se comprendre autrement que comme une mesure de déflation salariale, une dévaluation interne, pour reprendre un peu de compétitivité à nos voisins, particulièrement ceux du Sud.

Voilà l’Europe que l’Euro, monnaie unique, fabrique : une Europe de la compétition et de la dévaluation interne. Faute de dévaluation monétaire, nous provoquons une micro-dévaluation interne.

Bien sûr, l’ajout dans le collectif budgétaire de mesures en faveur des ménages et du soutien à la demande intérieure va dans le bon sens. Ces mesures auraient toutefois plus de portée dans le cadre d’une fusion de l’impôt sur le revenu et d’une CSG progressive. Mais faire bouger la feuille de paie est une bonne mesure.

Là où il aurait fallu améliorer le CICE, le Gouvernement fait le choix du recours à une politique aussi inoxydable que, je me permets de le dire, inefficace : la baisse du coût du travail, pratiquée depuis trente ans par tous les gouvernements. La baisse des charges justifie ce projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Pour notre part, nous conservons une préférence pour l’outil fiscal et pour le CICE, une excellente intuition issue du rapport Gallois. Le CICE est conforté dans le cadre du pacte : c’est une très bonne nouvelle, car il doit rester une pièce importante du dispositif.

Dans la continuité du rapport Gallois, d’autres chantiers sont à ouvrir : financement de l’économie ou coût du capital, montée en gamme industrielle, véritable démocratie sociale, au-delà du paritarisme – à bout de souffle comme le montrent les atermoiements actuels du patronat –, politique énergétique assurant une énergie à bas coût, et aussi une politique du travail.

Le Mouvement Républicain et Citoyen ne manque pas d’idées et de propositions pour vous aider à réussir. Nous les avons récemment rassemblées dans un contre-projet.

J’ai assez critiqué le « triple B » pour devoir préciser qu’il y a le bon Bercy et le mauvais Bercy ; il y a un Bercy qui sait que la politique de compétitivité n’a pas grand-chose à voir avec la baisse du coût du travail, et qu’il faut mener les batailles de demain, pas celles d’hier.

Économique, sociale, politique, la crise est profonde. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, en politique, vous le savez autant que moi, il y a des objectifs incompatibles. La science économique rejoint la sagesse populaire : on ne peut pas courir plusieurs lièvres à la fois.

Croissance, emploi ; déficit, dette : il faut choisir. D’ici l’automne, et en tirant toutes les conséquences du conseil européen de jeudi dernier, je souhaite que nous soyons capables de choisir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion