Mes chers collègues, dans ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale présenté dans le cadre du pacte de responsabilité, nous saluons la baisse envisagée du coût du travail qui est une nécessité à laquelle vous vous serez ralliés bien tardivement. Deux années de perdues après avoir combattu et rejeté la TVA anti-délocalisation du gouvernement précédent, ce qui représente ni plus ni moins une perte, pour les entreprises, de près de 13 milliards d’euros de baisse des charges qui avaient été promises à l’époque.
Nous avons le devoir de nous inquiéter du financement de ces réductions de charges. Vos prévisions sont à la fois optimistes, imprudentes et fragiles et vous persistez dans le conjoncturel en négligeant trop le structurel. La grande incertitude repose sur la prochaine évolution des dépenses de santé et des établissements de santé. La comparaison avec notre voisin allemand est criante : alors que nous débattons ici autour de nos déficits, ils se préoccupent quant à eux du niveau de leur excédent. Voyez le fossé qui nous sépare !
Aucun chef d’entreprise, aucun Français n’a oublié la fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions de retraite, la fiscalisation de la dépense des entreprises pour la généralisation des complémentaires santé, la réduction du plafond du quotient familial, l’arrêt des exonérations fiscales des heures supplémentaires et les dépenses qui découleront du compte pénibilité.
Vous avez de surcroît supprimé le jour de carence dans le secteur public, la franchise pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État alors qu’elle explose aujourd’hui. Vous réalisez des économies sur le champ social, par des mesures de type « rabot » qui n’ont rien de structurel et qui n’infléchissent en rien le tendanciel de dépense.
Vos perspectives sont trop lointaines : le CICE en 2015, les baisses de cotisation en 2016, la contribution sociale de solidarité des sociétés en 2017. Les entreprises vous le répètent depuis 48 heures : elles ont besoin que des mesures soient mises en oeuvre tout de suite. Trop de temps a été perdu et elles semblent penser aujourd’hui qu’il s’agit d’un chèque en blanc.
Des questions se posent quant à l’effet des prévisions et des mesures sur la Sécurité sociale, que la Cour des comptes a évoquées. Les recettes sont surévaluées et les dépenses sous-évaluées. Vos données d’économies réelles ne sont pas fiables : le niveau de croissance et celui des recettes fiscales sont contredits par les économistes les plus sérieux.
Dans votre texte, la Sécurité sociale porte la part la plus importante des économies du pacte de responsabilité, mais sans compensation budgétaire, ce qui est en contradiction avec les règles législatives depuis 1994 et la loi organique de financement de la Sécurité sociale de 2005.
Si, à première vue, le total des allègements prévus s’élève entre 2015 et 2017 à 44 milliards d’euros environ, comment les compenser ? C’est le flou sidéral ! Même en commission, nous n’avons obtenu aucune réponse car seul le budget de l’État pourrait compenser les baisses de charges. Comment ? En accentuant le déficit du budget général ou en donnant d’autres recettes, issues de taxes diverses ?
Pourquoi anticiper ? J’ai l’impression que l’on met la charrue avant les boeufs – M. Bapt ne me contredira pas – puisque vous ne vous référez pas aux propositions définitives du Haut conseil du financement de la protection sociale, qui ne rendra sa copie que dans quelques semaines. Quelles taxes ? Quelles recettes supplémentaires ? Il est anormal que la représentation nationale soit laissée dans l’ignorance et attende un « jour prochain » comme il m’a été dit en commission des affaires sociales. Qu’est-ce que ce « jour prochain » ? Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ? Le projet de loi de finances d’octobre prochain ? Nous n’en savons rien.
Nous avons également fait observer, en commission, quelques failles de ce texte, comme le RSI qui serait fondu dans le régime général, ou la réduction du fonds de modernisation pour les équipements publics et privés de santé alors que les nécessités du terrain appelleraient plutôt à abonder encore davantage ce fonds – à moins que ses ressources ne soient mal employées.
Enfin, la décision de geler les pensions des retraités pendant dix-huit mois nous a troublés, et même profondément choqués.
En clair, ce projet de loi de financement rectificative nous laisse tout à fait circonspects. Il ne relève pas d’une véritable logique de réforme, mais bien davantage de la technique du sapeur Camembert, suivant le jugement de quelques observateurs avertis. En effet, le risque est grand pour le régime général de plonger dans un nouveau précipice déficitaire.
Madame la ministre, nous sommes tous – vous comme nous, la gauche comme la droite – tout à fait favorables à la réduction des cotisations patronales et salariales dès lors qu’elle permettrait de réduire le coût du travail. Il est regrettable, néanmoins, d’avoir raté l’étape de la TVA anti-délocalisation,…