Intervention de Marie-Arlette Carlotti

Réunion du 6 novembre 2012 à 10h30
Commission élargie : solidarité, insertion et égalité des chances

Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion :

Les ESAT sont aujourd'hui au nombre d'environ 1 500, madame Carrillon-Couvreur. Nous en sommes aujourd'hui à 6 400 créations de places, sur les 10 000 prévues par le plan pluriannuel lancé en 2008. Pour 2013, le Gouvernement a choisi de faire porter l'effort sur la consolidation des places existantes. À l'instar de ce qui s'est passé dans les établissements médico-sociaux, les mesures d'économie drastiques imposées aux ESAT depuis cinq ans ont bloqué la revalorisation des salaires, et donc les recrutements, d'où une dégradation de la prise en charge des personnes handicapées. Nous voulons inverser cette logique en 2013, en revalorisant de 1 % la masse salariale – ce sont 25 000 salariés qui sont concernés dans les ESAT. De même, nous refusons d'imposer aux ESAT les mêmes mesures d'économie que l'an dernier. Nous allons donc faire une pause dans la convergence tarifaire.

Nous consacrerons 1,4 milliard d'euros au fonctionnement des ESAT, dont 1 milliard d'euros pour couvrir la masse salariale et 400 000 euros pour les autres charges de fonctionnement. En ce qui concerne l'investissement, l'effort budgétaire en faveur des ESAT fait plus que doubler : il s'élève à 2,5 millions d'euros contre 1 million l'an dernier, ce qui traduit un engagement fort en faveur de l'aménagement et de l'amélioration du fonctionnement des établissements. Cela nous permettra à la fois de les consolider et de réfléchir à leur fonctionnement et à leur meilleure intégration dans le dispositif.

Vous m'interrogez d'autre part sur la convergence tarifaire et les tarifs plafond. La convergence tarifaire instaurée en 2009 aurait pu être un instrument de bonne gestion et d'équité entre les ESAT. En pratique, elle a entraîné de nombreuses difficultés, que vous avez citées. J'en ajouterai deux. Sachant que la masse salariale représente les trois quarts de leurs coûts, les capacités d'adaptation des ESAT auxquelles s'appliquait la convergence tarifaire étaient très limitées. Elles ne pouvaient quasiment concerner que le personnel, au point que certains établissements ont dû envisager des licenciements. Bref, nous étions « au bout du rouleau ». De plus, les critères utilisés pour appliquer cette convergence ne sont pas assez pertinents, comme l'a montré l'étude nationale de coûts réalisée en 2012. C'est pourquoi nous avons décidé de faire une pause dans la convergence tarifaire. En 2009 et 2010, la progression des dotations a été nulle ; en 2011, elles ont diminué de 1 %, et en 2012, de 2,5 %. C'est à ce processus que nous mettons fin. Nous ne voulons pas faire d'économies sur les ESAT – le Premier ministre s'y est d'ailleurs engagé. Nous reparlerons par la suite des dispositions à prendre pour les consolider et les harmoniser.

Le Président de la République a clairement dit le 5 octobre qu'il allait proposer que l'ensemble des politiques du handicap et de la dépendance hors champ de l'assurance maladie fassent l'objet de discussions dans le cadre de la réflexion sur la décentralisation. Les ESAT peuvent faire partie de cette réflexion, mais elles n'en sont qu'un élément. Les établissements et les services médico-sociaux en charge des adultes handicapés dépendent aujourd'hui aussi bien de l'État que de l'assurance maladie ou des conseils généraux. Les bénéficiaires passent d'un établissement à l'autre et d'une tutelle à l'autre, parfois dans la même journée. Bref, tout cela est complexe. L'acte III de la décentralisation peut donc être l'occasion d'introduire davantage de clarté. Rien n'est cependant décidé en ce qui concerne une éventuelle décentralisation des ESAT. Il n'y aura pas de passage en force : nous devons discuter avec les collectivités territoriales et les acteurs concernés. Mais il est certain que le statu quo poserait aussi problème. C'est pourquoi nous soumettons ce point au débat.

La même question se pose pour les MDPH. Malgré les efforts consentis par les différents partenaires concernés et la loi Blanc tendant à améliorer leur fonctionnement, le statut hybride des MDPH, à savoir celui de GIP, pose problème. C'est une source de tensions entre l'État et les conseils généraux, qu'il s'agisse des questions financières ou de la mise à disposition de personnels. Le dispositif est lourd à gérer pour le ministère comme pour les départements. Même dans ceux où les choses se passent plutôt bien, ce statut est fragile. Sans doute faut-il le clarifier. Si la décentralisation était décidée, elle serait en tout cas assortie de certaines garanties, notamment sur la qualité et l'équité sur le territoire. Celles-ci pourraient être apportées à travers un renforcement du rôle de la CNSA. Bien entendu, et je tiens à vous le dire, nous respecterons le rôle des associations au sein des MDPH. Dites-le leur : il semble qu'elles craignent de perdre des prérogatives au sein des Commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, les CDAPH.

Un effort financier important sera consenti au titre de l'AAH en 2013, monsieur Sansu. Son montant atteindra 8,2 milliards d'euros pour 940 000 bénéficiaires. Il a été arrêté sur la base de la dépense que l'on devrait constater en fin de gestion 2012, et non du montant prévu en loi de finances pour 2012. Avec près de 300 millions d'euros de plus que l'an dernier, le montant budgétisé est plus conforme à la réalité de la progression de la dépense. Ce rebasage est donc un gage de la sincérité de ce budget. Par ailleurs, une forte augmentation de la dépense est observée, essentiellement du fait de la croissance du nombre d'allocataires. Nous devons comprendre pourquoi ceux-ci entrent dans ce régime et examiner les alternatives possibles, en réfléchissant aux moyens de mieux accompagner ces personnes vers l'autonomie et l'insertion dans la vie de la Cité. Au-delà des mesures inscrites dans le PLF, le Gouvernement a déjà pris des engagements en matière d'accompagnement à l'école ou d'accès à l'emploi. Nous travaillons en effet, dans le cadre du suivi de la Conférence sociale, sur une meilleure intégration des personnes en situation de handicap dans l'emploi. L'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, et l'Inspection générale des finances, l'IGF, nous rendront en mars 2013 une étude – que je porterai à votre connaissance – sur l'entrée de ces personnes dans l'AAH, en particulier celles ayant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %. Les deux tiers d'entre elles travaillaient jusque-là. Nous devons nous demander s'il est possible de les maintenir dans l'emploi, tout en respectant leur statut de personne en situation de handicap. Nous menons aujourd'hui une expérience dans une dizaine de départements pilotes, qui travaillent sur l'employabilité de ces personnes. Nous vous ferons part de ses résultats, et nous verrons comment favoriser l'employabilité de celles qui le désirent.

Vous l'avez dit, le financement de la prime de Noël est pour la première fois inscrit dans la loi de finances. Cela témoigne de notre volonté de pérenniser cette prime si importante pour nombre de familles et conforte notre modèle de solidarité. La dotation correspondante s'élève à 465 millions d'euros, contre 383 millions en 2012. C'est le FNSA qui en financera l'intégralité, grâce à une augmentation de 0,35 % du taux des contributions additionnelles aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital. La prime sera donc financée de manière globale. Elle sera attribuée aux allocataires du RSA socle et du RSA socle majoré, mais aussi aux bénéficiaires de l'ASS, de l'allocation équivalent retraite, l'AER, et de l'allocation transitoire de solidarité, l'ATS. Comme vous le voyez, nous entendons à la fois consolider cette prime et l'attribuer de la même façon à l'ensemble des bénéficiaires des minima sociaux.

M. Sansu et M. Sirugue ont évoqué l'aide alimentaire, qui fait pour la première fois l'objet d'une action inscrite au programme 304, dotée de 23 millions d'euros de crédits. L'intégration au programme 304 donne une visibilité à cette aide alimentaire. Sortir celle-ci du programme 177 interdit également toute fongibilité de ses crédits, notamment dans ceux de l'hébergement d'urgence.

Nous sommes comme vous très soucieux de l'avenir du PEAD. Vous savez que celui-ci prendra fin au 31 décembre 2013. Les grandes associations d'aide alimentaire estiment qu'elles ont les moyens d'assurer leurs interventions jusqu'à l'hiver prochain. Mais ensuite, rien n'est garanti. Les crédits européens ont été sécurisés à hauteur de 70 millions d'euros pour la France, mais l'avenir de l'aide alimentaire européenne se joue à l'heure où nous parlons. Nous nous sommes mobilisés, avec Stéphane Le Foll et Bernard Cazeneuve, afin de faire pression sur les négociations en cours. Tout n'est pas joué. Un nouveau dispositif, sans doute dénommé Fonds européen d'aide aux plus démunis, sera mis en place. C'est mieux que ce que nous attendions, puisque nous redoutions une intégration au Fonds social européen, le FSE, mais le montant annoncé – 2,5 milliards d'euros pour la période 2014-2020, soit une baisse de 30 % – ne nous convient pas. Il faut donc poursuivre le combat. Si le financement de l'aide alimentaire est bien prévu, on devrait également financer sur ces crédits les « besoins basiques » à définir par les États. Le cofinancement est par ailleurs acté : pour chaque financement, les États membres devront apporter un cofinancement de 10 %. Je vous redis notre détermination à sauver ce programme et à maintenir un lien avec l'agriculture – ce qui est loin d'être gagné.

Le taux de recours aux minima sociaux est un vrai problème. Comme le disait Mme Touraine, le taux élevé de non-recours est le signe de l'absence de pertinence de certains dispositifs du RSA, mais aussi de la stigmatisation dont ses allocataires sont parfois victimes. Ces échecs se traduisent dans le PLF, avec une faible prévision de montée en charge des RSA. Je rappelle que le taux de non-recours au RSA activité atteint 68 %, et que le nombre d'allocataires du RSA jeunes est inférieur à 10 000, alors qu'il avait été évalué à 180 000 ; et je ne parle même pas du RSA Mayotte… Nous accompagnons ces dispositifs, mais nous entendons les remettre à plat dans le cadre de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et les exclusions, et oeuvrer à favoriser l'accès aux droits, ce qui est fondamental. Des groupes de travail ont été constitués ; nous vous associerons au processus le moment venu. Le Président de la République s'est engagé à avancer dans cette voie; le Premier ministre en a parlé dans son discours de politique générale.

Nous ne pouvons nous résigner à voir la pauvreté progresser, comme c'est le cas aujourd'hui. Le Premier ministre souhaite que la Conférence, qui aura lieu les 10 et 11 décembre prochains, permette de tracer une feuille de route à chacun de ses ministres pour les années à venir. Des groupes de travail sur l'accès aux soins, au logement, aux droits, sur le surendettement, bref sur toutes les questions touchant à la lutte contre la pauvreté et au refus de la précarité, sont d'ores et déjà en place. Nous ne pensons pas seulement aux populations qui vivent déjà dans une extrême précarité, mais aussi aux travailleurs pauvres, qui ont peur pour leurs enfants. Nous ne voulons pas montrer un public pour le stigmatiser, mais travailler sur une chaîne de pauvreté, en développant des actions de prévention.

Les éléments que je viens de rappeler ont certes eu pour conséquence une baisse des crédits du programme 304, mais l'ensemble des besoins est globalement couvert. Nous faisons avec l'existant. Mais je le redis, nous avons le devoir de remettre les choses à plat sur le long terme. C'est tout le travail que je vous propose d'ici à la fin de l'année, avant d'en mettre les conclusions en oeuvre dès 2013.

Nous avons lutté pour maintenir l'APRE. Si dérisoire qu'elle puisse paraître, il est important lorsqu'on retrouve un emploi de pouvoir s'acheter une chemise, mettre de l'essence dans sa voiture ou faire garder ses enfants. Nous avons diminué ses crédits sur le programme 304, puisque ce sont 15 millions d'euros qui seront versés au FNSA, mais cette baisse est compensée par les 55 millions d'euros de réserves qui existent dans les trésoreries. On note par ailleurs une disparité entre départements, d'où la nécessité d'une compensation.

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