Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 30 juin 2014 à 21h30

Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget :

Je veux à mon tour remercier l’ensemble des orateurs en les priant de m’excuser si je ne m’adresse pas directement à chacun d’entre eux, car je leur répondrai en regroupant un certain nombre d’interrogations, souvent légitimes.

Je voudrais commencer par préciser que la baisse du coût du travail est nécessaire. Le Gouvernement a mis en oeuvre plusieurs mesures dont j’ai déjà rappelé la cohérence : d’abord, le CICE, qui est ciblé vers les entreprises exportatrices – notamment dans l’industrie –, qui sont exposées à la concurrence internationale ; ensuite, le pacte, qui bénéficie à tous les employeurs, mêmes à ceux qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur les sociétés, et qui se cumule, pour les entreprises éligibles, avec le CICE. Cette fois, toutes les entreprises créatrices d’emploi seront bénéficiaires.

Le choix d’une baisse du coût du travail, notamment sur les bas salaires, est fondé sur un constat établi : le coût du travail est important dans la décision d’embaucher un salarié peu qualifié, alors que ce paramètre entre moins en ligne de compte pour décider de l’embauche de salariés plus qualifiés – c’est ce que l’on appelle l’élasticité de l’offre de travail à son coût.

Je souhaite rappeler que le CICE, créé fin 2012, est en train de produire ses effets. Le CICE a pour objet le financement de l’amélioration de la compétitivité des entreprises à travers, notamment, des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leurs fonds de roulement.

Les entreprises ont perçu, au cours du mois de mai – en tout cas celles dont les comptes étaient clos au 31 décembre dernier – les premiers versements du crédit d’impôt. Ce sont un peu plus de 7 milliards d’euros – cette somme se montera à 12 milliards en fin d’année – qui sont en ce moment même perçus par les employeurs. Des doutes ont été exprimés, notamment chez ces derniers, sur l’effectivité d’une telle mesure. Aujourd’hui ces doutes sont dissipés. Le CICE est désormais visible, perceptible par les entreprises. C’est avec la même volonté de poursuivre les réductions de charges pour les entreprises productives que le Gouvernement vous propose aujourd’hui ce texte.

Le crédit d’impôt ne peut servir ni à financer une hausse de la part des bénéfices distribués ni à augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l’entreprise. S’agissant des allégements de charges, plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur l’opportunité de faire porter une exonération sur la cotisation de la branche AT-MP. Je tiens d’emblée à les rassurer sur ce point, d’autant que le projet de loi est très clair à ce sujet. Le Gouvernement ne propose pas d’exonérer totalement les entreprises des cotisations AT-MP. L’exonération porte uniquement sur les cotisations minimales, c’est-à-dire celles qui sont payées par une entreprise n’ayant jamais eu à déplorer un accident du travail.

Afin de clarifier totalement ce point, je rappelle que l’article 2 du projet de loi prévoit en substance que la réduction dégressive peut s’imputer sur ces cotisations dans la limite d’un taux fixé par arrêté des ministres chargés de la Sécurité sociale et du budget dans la limite du taux applicable à une entreprise où aucun accident du travail ou maladie professionnelle n’est jamais survenu. La conclusion est très claire : aucune entorse n’est faite au principe selon lequel les employeurs responsables d’accidents du travail doivent en supporter le coût. En pratique, il convient de se souvenir que les entreprises, même lorsqu’elles ne connaissent pas d’accident ou ne sont responsables d’aucune maladie professionnelle, paient à la branche AT-MP une cotisation d’au moins 1 % du salaire. C’est uniquement ce premier point de cotisation qui sera seule exonérée. Il s’agit d’un niveau faible au regard du taux réel en vigueur dans certains secteurs, qui dépasse couramment 5 % voire 6 %, dans le BTP par exemple.

Enfin, le choix d’exonérer les cotisations familiales n’est pas le fruit du hasard. Il s’inscrit dans la continuité du rapport Gallois qui recommandait déjà vivement, en 2012, une réduction des cotisations famille sous 3,5 SMIC afin d’améliorer la compétitivité. Ce rapport Gallois précisait ainsi que « pour atteindre de manière privilégiée l’industrie et les services à haute valeur ajoutée qui lui sont liés, il conviendrait que le transfert de charges porte sur les salaires jusqu’à 3,5 fois le SMIC » et que « dans ces conditions, 35 % de l’avantage créé irait directement vers l’industrie ». Pourquoi choisir une baisse des cotisations famille ? Il s’agit d’un choix logique au regard du mode de financement de cette branche, qui bénéficie à toute la population régulièrement résidente, sans lien avec une activité professionnelle.

En revanche, comme le soulignent les deux rapports sur ce sujet rédigés par la Cour des comptes à la demande du Sénat, il est justifié que les entreprises bénéficiant largement de l’effet des prestations familiales continuent de les financer en partie. Par ailleurs, nous souhaitons une entrée en vigueur progressive de la mesure, afin d’en faire bénéficier d’abord les PME, dans lesquelles les bas salaires sont plus fréquents qu’ailleurs. C’est pourquoi nous proposons une baisse de 1,8 % des cotisations familiales sur les salaires inférieur à 1,6 fois le SMIC d’abord puis sur ceux inférieurs à 3,5 fois le SMIC.

Enfin, plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur l’opportunité de supprimer la C3S, arguant que cette recette finance le RSI. Je rappellerai d’abord pourquoi nous voulons supprimer cette contribution. La C3S est un impôt assis sur le chiffre d’affaires dont la suppression progressive d’ici à 2017 apportera un soutien important aux entreprises, en particulier les entreprises industrielles de l’énergie et des transports qui en acquittent une grande part. Le chiffre d’affaires n’est pas représentatif de la capacité contributive des entreprises, dont les bénéfices donnent une image plus fidèle. En outre, l’imposition intervient en amont dans la formation du résultat et affecte donc l’investissement et les performances à l’exportation des entreprises. Il s’agit en effet d’une taxation intermédiaire et non déductible, à la différence de la TVA.

Enfin, une taxation du chiffre d’affaires n’est pas sans conséquence sur les choix d’organisation de la production. En effet, elle peut mener à une imposition en cascade des chiffres d’affaires des clients et des fournisseurs. À l’issue des étapes d’un cycle de production, la proportion de C3S dans les productions nationales s’en trouve élevée, ce qui rend celles-ci moins compétitives que les productions étrangères. Enfin, la suppression de la C3S est nettement profitable aux entreprises industrielles. À eux seuls, les secteurs de l’industrie, de la construction et des transports acquittent en effet plus de 36 % du total de la C3S.

La suppression de la C3S sera donc effective dès 2015 pour toutes les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 3,25 millions d’euros. Un tel montant n’a pas été fixé au hasard. Il s’agissait en effet d’exonérer les deux tiers des redevables dès la première année au moyen de l’abattement. Cette mesure représente un coût global de 1 milliard d’euros. Elle profitera directement aux PME et 66 000 petits commerces seront totalement exonérés en 2015. Un second abattement sera pratiqué en 2016 et visera les ETI. Quant aux grandes entreprises, elles paieront la taxe jusqu’en 2017.

J’insiste par ailleurs sur le fait que la suppression progressive de la C3S s’accompagne d’un adossement financier des branches « maladie » et « retraite de base » du RSI sur le régime général. Concrètement, les caisses du régime général concernées inscriront dans leurs comptes l’ensemble des charges et produits relatifs à la gestion des prestations et assureront l’équilibre des deux branches du régime des indépendants. La mesure est donc neutre pour les comptes du régime général, la suppression de la C3S étant entièrement compensée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion