Intervention de Hélène Geoffroy

Réunion du 6 novembre 2012 à 10h30
Commission élargie : solidarité, insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Geoffroy :

Le groupe SRC ne peut que se féliciter de l'augmentation de 5,6 % de l'engagement de l'État en faveur de la solidarité. Les sujets traités – RSA, familles vulnérables, financement du handicap et de la dépendance, égalité entre les hommes et les femmes – sont au coeur de la cohésion sociale qu'il est urgent de reconstruire dans notre pays. Au-delà du budget de transition que nous examinons aujourd'hui, nous devons continuer à porter une volonté politique forte en faveur de cet objectif. La future Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et les exclusions doit voir émerger une réflexion sur les mécanismes de solidarité. Cette notion a été largement vilipendée par la majorité précédente, qui l'a utilisée comme outil de division des bénéficiaires des minima sociaux et des travailleurs pauvres. Et si les Français y sont toujours attachés, nous devons en permanence les convaincre de l'efficacité des politiques publiques de cohésion sociale et réfléchir au mode de gouvernance à mettre en oeuvre.

Les politiques, qui ont souffert durant des années de réorientations brutales, doivent être pensées dans la durée. Si nous nous réjouissons de la revalorisation de certaines allocations, comme l'Allocation aux adultes handicapés, la question de sortie de ces dispositifs reste ouverte. Au-delà des allocations elles-mêmes – l'AAH, le RSA, l'allocation départementale personnalisée d'autonomie –, il faut ainsi réfléchir à l'accompagnement de leurs bénéficiaires, en améliorant la lisibilité du suivi des bénéficiaires du RSA, en favorisant l'accès à l'emploi de ceux de l'AAH, et en cherchant à prolonger l'autonomie de ceux de l'ADPA.

Lorsque le RSA a remplacé le RMI et l'Allocation parent isolé, l'API, la volonté affichée était de permettre de cumuler minima sociaux et revenus du travail, afin de valoriser le travail et d'améliorer les conditions de vie des travailleurs pauvres. Or, près de 70 % des bénéficiaires du RSA sont aujourd'hui en RSA socle, et sont d'anciens bénéficiaires du RMI et de l'API. Cette réalité du terrain pose la question du devenir du dispositif.

La posture consistant à voir dans tout bénéficiaire du RSA un fraudeur en puissance est aujourd'hui dépassée, en partie grâce aux moyens accrus de contrôle et d'évaluation. Cependant – et j'en profite pour le dire devant Najat Vallaud-Belkacem – l'égalité entre les hommes et les femmes est loin d'être respectée. Les femmes qui bénéficiaient auparavant de l'API connaissent en effet de grandes difficultés à entrer dans le dispositif du RSA, alors qu'elles doivent également faire face au problème de la garde des enfants et que leur retour à l'emploi est particulièrement délicat. Il faut mettre en place des dispositifs renforcés adaptés à leur situation, et aider les associations spécialisées qui sont aujourd'hui dans une situation financière difficile. La gestion des allocations dans le cadre du couple est également à revoir : lorsque le RSA est accordé à la famille, c'est le plus souvent l'homme qui bénéficie d'un accompagnement vers l'emploi, la femme n'ayant droit qu'à un suivi social.

Madame Bertinotti, les aides de la CAF doivent être rendues plus lisibles. Je mets au défi quiconque de dire aujourd'hui à un bénéficiaire combien il recevra de la CAF s'il travaille quelques heures dans le mois, ou un ou deux mois dans l'année. La déclaration trimestrielle est productrice d'un nombre élevé d'indus, mais elle met également les gens en difficulté. Les allocataires que l'on reçoit dans nos permanences nous expliquent qu'ils ne voient plus l'intérêt de travailler pendant de brèves périodes : ce faisant, ils perdent en effet toujours des droits, le calcul de la CMU, des APL et des droits connexes devenant très complexe, et il leur arrive de recevoir cinq courriers différents de la CAF leur donnant des niveaux de prestation différents. Ce problème mérite que l'on s'y attelle.

Par ailleurs, l'idée que les bénéficiaires du RSA sont responsables de leurs difficultés continue à faire partie des représentations collectives, et de nombreux allocataires potentiels ne demandent pas l'accès à leurs droits, découragés par la difficulté de la démarche et par la crainte d'être étiquetés en tant que « cas social ». Il faut donc travailler à un meilleur accès aux droits et à une plus grande contractualisation entre les bénéficiaires des politiques publiques et les collectivités qui les portent.

Enfin, l'accompagnement des allocataires sociaux doit être renforcé. Cet objectif, qu'il faut traiter en lien avec la mission « Travail et emploi » et en concertation avec Pôle emploi et les structures d'insertion, devra nous guider tout au long de la future Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et les exclusions, et du travail sur le prochain budget. L'enjeu majeur est de sortir les personnes de la précarité, et pour y arriver, nous devons apprendre à concevoir des dispositifs sur mesure, adaptés notamment à ceux qui pâtissent de la pauvreté et de l'exclusion depuis de nombreuses années.

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