Intervention de Philippe Gomes

Réunion du 6 novembre 2012 à 10h30
Commission élargie : solidarité, insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Dans un pays qui compte plus de 5 millions de demandeurs d'emploi, toutes catégories confondues, et qui a passé depuis deux mois le cap des 3 millions de chômeurs dans les trois premières catégories, dans un pays où 1,62 million de jeunes de moins de vingt-cinq ans et de seniors de plus de cinquante-cinq ans pointent au chômage, cette mission interministérielle présente une importance toute particulière. C'est notre cordon sanitaire national. C'est aussi un filet de sécurité qui couvre tous les espaces de notre territoire.

De fait, cette mission traite de solidarités vives, actives, constructives via l'insertion par l'exemple et de proximité. Elle illustre aussi une politique publique qui entremêle les interventions des acteurs publics nationaux et locaux. Elle représente le sixième budget de la France, après l'enseignement scolaire, les engagements financiers de l'État, la défense, la recherche et l'enseignement supérieur et la sécurité. Et elle enregistre dans ce projet de budget une progression substantielle de 5,6 %.

Je souhaiterais insister, au nom du groupe UDI, sur le programme 304.

Il subit une modification de maquette pour introduire, de façon visiblement prioritaire, l'économie sociale et solidaire, mais aussi d'autres expérimentations – ce que mentionne l'action 13 – ainsi que l'aide alimentaire et la qualification en travail social, logiquement transférés du programme 177.

Cette modification ne change rien au fond. D'abord, et compte tenu des retraitements réalisés, c'est la seule enveloppe de cette mission qui subit une baisse de plus de 10 %, liée à un reflux des dépenses d'intervention et non de fonctionnement, qui augmentent.

L'essentiel, c'est le financement du RSA, qui représente 92,3 % de ce programme.

La contribution de l'État vise le RSA activité et se porte sur le Fonds national des solidarités actives. Elle atteint 373 millions d'euros, complétés d'une recette fiscale dont le taux passe de 1,1 % à 1,45 %. Par ailleurs, le budget 2013 "pérennise" le financement de la prime de Noël. En 2010, elle concernait 1,7 million de bénéficiaires. Son coût en 2012 était estimé à environ 410 millions d'euros. Le changement est formel : ce qui était réalisé jusque-là hors budget initial est désormais inscrit d'emblée au budget, pour un total de 465 millions. En revanche, la contribution de l'État au Fonds national des solidarités actives diminue de 30 % en 2013. Ce recul s'explique, pour une bonne part, par la diminution de la prévision de dépenses au titre du RSA jeunes, ce qui en dit long de l'échec de ce dispositif.

Une mission qui voit son volume augmenter, un programme fondamental 304 qui reflue. Cela peut susciter deux questions : pourquoi et pourquoi pas ?

Le pourquoi pas, c'est l'urgence sociale.

Elle se conçoit si l'on considère la masse de personnes qui bénéficient de cette aide : ce sont 500 000 foyers en sus des 2 millions de personnes bénéficiaires du RSA socle.

Elle se conçoit aussi quand, sur la base de 60 % du revenu médian, le taux de pauvreté dépasse 14 % de la population et atteint plus sévèrement encore les moins de trente ans : 20 % des dix-huit – vingt-quatre ans et 19,2 % des moins de dix-huit ans sont concernés.

Elle se conçoit quand l'ensemble des moins de vingt-cinq ans représente presque la moitié des personnes pauvres, soit 3,7 millions d'individus sur 8,5 millions, quand le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans au second semestre 2012 atteint 22,7 %, contre près de 10 % pour le reste de la population active, et quand le taux de chômage des jeunes peu ou pas qualifiés atteint 44,3 %.

Ces mêmes chiffres, assortis des résultats des études récentes, montrent que si le RSA ne produit pas d'effet désincitatif sur l'emploi des jeunes de vingt-cinq ans, celui-ci n'a pas pour autant permis de lutter efficacement contre la pauvreté. Finalement, le taux de retour à l'emploi, objectif clé du RSA, n'est que de 3 % par mois et reste massivement orienté vers des temps partiels ou des CDD. À la fin de l'année 2010, plus d'un tiers des éligibles au revenu de solidarité active socle seul et au RSA socle et activité ne recouraient pas à la prestation. De même, plus des deux tiers des éligibles au RSA activité seul étaient en situation de non-recours. On peut ainsi se poser la question du pourquoi.

Ce PLF nous propose, non des solutions, mais des facilités de gestion de la crise. Rien n'y annonce l'indispensable réforme du RSA, lequel ne permet ni de réduire la pauvreté, ni de réinsérer les chômeurs, notamment les plus jeunes d'entre eux. La France se singularise ainsi au sein des pays européens par un droit d'accès tardif au revenu minimum pour les jeunes sans charge de famille.

Nous attendions autre chose de la première loi de finances du nouveau gouvernement. Nous aurions souhaité une remise à plat du dispositif et la budgétisation d'un grand « plan jeunesse » concentrant l'effort national sur cette priorité absolue, pour mieux accompagner nos jeunes et mieux les orienter, pour porter toute notre attention sur les plus fragiles et les plus pauvres d'entre eux.

Au-delà, une occasion a été manquée de réfléchir au système complexe des minima sociaux, qui concerne près de 6 millions de personnes en France et qui est matériellement et géographiquement hétérogène. Il y a là une problématique fondamentale d'accès aux droits. Malheureusement, face à la nécessité d'une remise à plat de cette forêt inextricable que constituent les minima sociaux, le Gouvernement a décidé de renvoyer la décision à la grande conférence des 10 et 11 décembre.

En conclusion, le groupe UDI votera contre ce budget, car la mission qui porte le très beau nom de « Solidarité, insertion et égalité des chances » ne traduit pas un véritable projet structurant. Celui-ci était pourtant nécessaire à un moment charnière de l'histoire de notre pays, où nous devons, face à la crise, tenir nos engagements européens sans pour autant laisser au bord de la route une partie de la population.

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