Intervention de CGA Jacques Feytis

Réunion du 24 juin 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

CGA Jacques Feytis :

Vous avez fait référence au compte rendu du dernier conseil de défense, qui nous a tous rassurés sur la sécurisation de la LPM. Les efforts de meilleure gestion auxquels il est fait référence ne portent pas sur les ressources humaines ; je crois comprendre qu'il s'agit davantage de questions liées au fonctionnement, même si n'en étant pas spécialiste, je ne vois pas trop quelles pourraient être les pistes d'économies en la matière. Dans le domaine des ressources humaines, si l'on considère que nous devons absolument tenir les objectifs de masse salariale, quels sont les leviers dont je dispose ? Il n'est pas possible d'accroître le cadencement annuel de déflation, car les objectifs fixés par la LPM sont déjà très ambitieux en la matière. L'autre levier est de veiller à ce que nous donnions aux agents, civils comme militaires, ce qui est nécessaire, notamment en matière indemnitaire. De ce point de vue les marges de manoeuvres qui nous sont laissées sont également très faibles, car la maîtrise de la masse salariale passe aussi par celle de ce qu'il est convenu d'appeler le catégoriel. En regard de cette politique restrictive, nous avons un risque social, tout particulièrement s'agissant des agents dont les traitements et soldes sont modestes. Lors du dernier CSFM, les militaires du rang ont ainsi porté un message sur l'érosion constante de leur pouvoir d'achat. Aussi est-il particulièrement nécessaire que nous puissions assurer au plus tôt la transposition au sein du ministère de la Défense de mesures de revalorisation prises début 2014 en faveur des agents de catégorie C de la fonction publique, afin de récompenser les efforts consentis par les militaires du rang. Il s'agit de la juste rétribution des militaires du rang. Ce point est en négociation avec le ministère des Finances et, compte tenu du blocage constaté, une réunion interministérielle a été demandée. C'est là pour moi un risque majeur de la manoeuvre RH, qui n'est pas seulement technique et que je ne vous dissimule pas.

L'autre risque que j'avais évoqué, technique, réside dans le fait que si la communauté des gestionnaires ne dispose pas d'une bonne image des postes à supprimer, elle aura beaucoup de mal à affecter les personnels disponibles de manière efficace. Il faut donc repenser nos organisations, même si c'est difficile, pour gagner en visibilité à moyen terme.

Il s'agit donc à la fois d'avoir la bonne visibilité et d'être soucieux de justice sociale.

L'exercice de rééquilibrage entre populations militaire et civile est en cours, et je tiens à cette dénomination à mon sens plus constructive que le terme de « civilianisation ». Il faut en effet jouer des complémentarités entre le statut militaire et le statut civil, et veiller à ne pas opposer les personnels entre eux. Le statut militaire est évidemment très précieux et mérite d'être préservé, mais l'on ne peut pas pour autant cantonner les militaires aux seuls postes opérationnels. Toute la question réside donc dans le bon point d'équilibre dans l'attribution de postes non opérationnels à des militaires. La définition du caractère militaire, civil ou mixte des postes est un exercice qui relève non pas des DRH mais bien des responsables des organisations concernées, c'est-à-dire des chefs d'état-major ou des directeurs. Les DRH mettent les compétences sur les postes décrits. Les analyses sont-elles pour autant toujours objectives ? On peut certes toujours s'interroger, mais j'ai toutes les raisons de croire à leur honnêteté, le travail engagé étant de surcroît largement collaboratif, mené sous l'égide du chef d'état-major des armées avec la collaboration active du directeur du service du commissariat des armées. La tâche n'est pas aisée et je prendrai à cet égard l'exemple de la fonction restauration. Il est certain qu'il convient de conserver une part qui soit assurée par des militaires afin de pouvoir par exemple les projeter sur des théâtres d'opération non stabilisés ou sur des préavis très courts lors de secours aux populations, le relais étant pris ultérieurement par d'autres, comme l'économat des armées. Il en va de même aussi pour des fonctions administratives comme les finances ou les ressources humaines, car il y a également des actes RH en opérations, même si les volumes de personnels concernés ne sont pas considérables. Pour arriver à un résultat efficace, il est donc nécessaire de croiser les points de vue et de bien spécifier quel est le contrat opérationnel y compris sur le territoire national. Les premières conclusions de cette démarche seront bientôt disponibles. Cela permettra d'effectuer une comparaison entre les besoins exprimés et les volumes de personnels disponibles, et de prendre éventuellement des mesures de rééquilibrage entre populations militaire et civile.

En outre, le ministre de la Défense m'a chargé de mettre en place une équipe d'audit RH pluridisciplinaire afin de vérifier dans les unités si la réalité de la description des organisations correspond effectivement aux besoins et quelles ont été les solutions retenues. Les analyses produites par les organisations syndicales ont bien entendu été portées à la connaissance des responsables du travail de description des organisations, de manière très constructive. Ces études sont utiles mais ne se substituent naturellement pas à notre propre capacité d'analyse au sein de la DRH-MD. Nous avons ainsi procédé au début de 2014 à une analyse très fine au sein des bases de défense, ce qui nous a permis de relever quelques erreurs de description de postes. Au travers de ce processus, nous entendons donc tous les acteurs, qu'il s'agisse des employeurs ou des organisations syndicales, tout en nous attachant à développer notre propre vision synthétique. Cette complémentarité ne doit pas conduire à braquer une communauté contre une autre.

Si les sous-officiers utilisent davantage les outils incitatifs d'aide au départ, c'est avant tout parce qu'ils peuvent quitter le service actif plus tôt, en bénéficiant de leur pension à jouissance immédiate à partir de 17 années de service, contre 27 années pour les officiers, ce qui les amène dans la deuxième partie de la quarantaine, période plus délicate pour le départ. L'âge moyen des sous-officiers et, pour beaucoup d'entre eux, leur profil de techniciens rendent en outre assez aisée leur reconversion sur le marché du travail, alors que de nombreux officiers ont avant tout un profil généraliste. Il ne faut pas non plus négliger un aspect d'ordre psychologique : la plupart des officiers se sont engagés en souhaitant mener une carrière complète. Il faut à mon sens que nous arrivions à inscrire dans l'esprit des officiers qu'ils ne feront pas forcément tous une carrière complète, ce qui est certes nouveau pour nous mais qui est déjà le cas dans d'autres grandes armées, comme l'armée britannique par exemple.

La manoeuvre de dépyramidage doit effectivement pouvoir être réalisée sans porter atteinte aux capacités du ministère. Indiscutablement, les métiers se complexifient. Pour cela, il convient d'être particulièrement résolu dans le processus de description des organisations, en veillant à faire des demandes équilibrées s'agissant du grade et de la qualification des titulaires de postes et en ayant ainsi un comportement économe en matière de ressources humaines. C'est un effort quotidien car c'est toujours rassurant d'avoir des cadres expérimentés. Lors de l'élaboration de la LPM, il a été clairement décidé de ne pas mettre en place de dispositifs coercitifs pour le départ des personnels militaires. Nous verrons si les outils incitatifs mis à notre disposition permettent d'atteindre les objectifs fixés. Pour l'instant, le bilan 2014 est satisfaisant mais, j'insiste, l'exercice est délicat. Si tel n'était pas le cas, il serait possible d'envisager par exemple des durées maximales de service par grade, à l'issue desquelles, faute de promotion, le titulaire du poste ferait valoir ses droits à pension à jouissance immédiate. Dans tous les cas, de telles mesures devront être associées à un dispositif personnalisé d'accompagnement à la reconversion. Jamais le personnel concerné ne partirait sans rien. Il s'agit, à ce titre, tout simplement de lui marquer la reconnaissance due pour son engagement.

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