L'EIIL est une organisation islamiste djihadiste radicale, issue de la transformation de l'Etat islamique en Irak. Cette organisation visait à rassembler toutes les forces djihadiste pour résister à la présence des Etats-Unis. En 2010, son leader, Abou Bakr al-Bagdadi a pris l'initiative d'étendre ce combat de l'autre côté de la frontière, en Syrie, en créant une filiale : Jabat Al Nosra, afin de créer des synergies dans cette zone qu'il ambitionnait de contrôler. En 2013, le chef de Jabat Al Nosra a refusé la fusion des deux mouvements proposée par Al-Bagdadi et fait alliance avec Al-Qaida, et s'est donc dissocié de l'EIIL. C'est donc une organisation autonome, qui, bien que distincte d'Al-Qaida, n'en est pas moins partisane d'un islamisme radical, qui vise à instaurer un califat sunnite sur toute cette région et au-delà. On évalue le nombre de ses cadres permanents et hommes sur le terrain à 5 000. De plus, l'opération irakienne a bénéficié de l'ingénierie militaire et politique des anciens baasistes, notamment ceux réfugiés en Syrie depuis 2003 avec le soutien d'Assad. Certes l'opinion des provinces sunnites, à mi-chemin entre résignation et contestation, n'est pas favorable à l'instauration d'un califat, mais elle n'est pas défavorable à la formation de ce front destiné à faire tomber Al-Maliki.
S'agissant des régimes dictatoriaux, pardonnez ma franchise, mais à vous qui représentez la nation, c'est-à-dire les vertus et principes de la démocratie, j'aimerais rappeler que si cette région est tombée dans le chaos que nous connaissons, c'est précisément en raison d'une dictature terrible, à laquelle pourtant vous semblez prêter des vertus stabilisatrices, celle de Saddam Hussein qui a offert trois guerres en trente ans à la région du Golfe. Le soulèvement de la jeunesse arabe en 2011 est né de leur aspiration à la liberté. Le modèle vertueux que nous devons aujourd'hui soutenir, c'est par exemple la Tunisie. Il y a un espace majoritaire dans les pays dont nous parlons pour la démocratie, que ce soit en Syrie, en Irak ou en Iran. Pour cette région qui est notre étranger proche, on ne peut concevoir que la politique étrangère de la France soit critiquée dans les valeurs qu'elle porte.
Concernant l'action des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, d'intervenir en Syrie, il ne s'agissait pas de frapper des chiites. Cette intervention, suite à l'utilisation d'Assad d'armes chimiques contre son propre peuple, visait à frapper l'appareil militaire, c'est-à-dire le vecteur de cette menace que M. Assad faisait peser sur sa propre population. Nous payons aujourd'hui le prix du revirement américain. Car c'est l'une des raisons du renforcement de la dictature syrienne et de son partenaire de jeu, à savoir l'EIIL. Je rappelle que son commandement militaire se trouve à l'heure actuelle à Raqa, chef-lieu de la province syrienne éponyme, située au bord de l'Euphrate et s'est installé dans le bâtiment du gouvernorat, sans qu'Assad n'ait jamais tenté de les en déloger. Il laisse perdurer cet adversaire pour prendre en étau l'opposition démocratique.
Mener une opération en Irak serait inutile. Il faut traiter politiquement les origines de la crise. C'est ce que fait notre ministre : il faut tourner la page de la politique d'exclusion des leaders sunnites et des chefs de tribus. A défaut de ce consensus, l'Irak va se disloquer en trois parties. Se posera la question, après la crise, du statut de Kirkouk, où les élections parlementaires et locales ont donné une majorité aux Kurdes. C'est une vraie question historique. Sans leur présence, les villages chrétiens de Karakoch ou Alkoch auraient été laminés par l'EIIL.
S'agissant des Chrétiens, leur nombre est plus proche de 300 000 que de 500 000. Ils sont à 80 % Chaldéens dans l'ensemble du pays, mais à Qaraqosh, ils sont en majorité de rite catholique syriaque.
M. Lellouche a quelque peu déformé mon propos en disant que la France attendait pendant que les États-Unis réfléchissaient. Je me contentais de résumer les positions des uns et des autres : le Président Obama réfléchit à la situation, ainsi qu'il l'a dit, et nous souhaitons que cette réflexion débouche rapidement. Cette phase de réflexion n'empêche pas non plus que nous ayons une expression propre et le ministre Laurent Fabius a d'ailleurs exposé notre position : il faut une réconciliation nationale fondée sur une solution politique ; cela passe par un nouveau gouvernement et un nouveau président.
À l'échelon européen, nous avons un dialogue, mais le consensus à 28 est forcément lent à construire. Nous avons des contacts étroits avec les Britanniques et les Allemands.