Le montant des prestations sociales versées à l'étranger ne cesse de croître. Pourtant, lors de la révision en 2004 du règlement qui coordonne les systèmes nationaux de sécurité sociale, les Etats membres de l'Union européenne n'ont pris en compte que de manière marginale la lutte contre la fraude transnationale aux prestations et aux cotisations sociales.
Ainsi, le nouveau règlement, en vigueur depuis mai 2010, contient-il des dispositions renforçant la coopération entre les États : réalisation d'un réseau d'échanges électroniques sécurisés ; mise en place d'un dispositif permettant le recouvrement dans un autre Etat membre des contributions et de prestations indues ; obligation d'information (des assurés et des institutions) dans un équilibre nouveau entre droits et obligations.
Ces actions au niveau européen ne font pas obstacle aux accords bilatéraux : ceux-ci restent nécessaires quand il s'agit de préciser les modalités de mise en oeuvre concrète de la coopération.
Cet accord est le troisième de ce type signé par la France, après l'accord franco-tchèque du 11 juillet 2008 et l'accord franco-belge du 17 novembre 2008, et illustre la volonté française de combler les lacunes de la législation communautaire par la conclusion d'accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité sociale avec les autres États membres.
Le choix du Luxembourg pour cet accord s'explique aisément par l'importance respective des communautés luxembourgeoise et française dans les deux pays ainsi que par la pratique ancienne de la coopération. Les relations franco-luxembourgeoises sont excellentes, et la coopération, en particulier transfrontalière, est très développée. En termes d'échanges humains, le nombre de ressortissants français au Luxembourg est en progression constante, pour s'établir à 35 200 en 2013. A l'inverse, on dénombre un millier de Luxembourgeois établis en France, et plus de 75 000 travailleurs frontaliers. Au total, ce sont plus de 100 000 Lorrains qui travaillent à l'étranger.
Les flux financiers qui découlent de ces échanges humains atteignent un niveau relativement élevé. Ainsi, en 2011, les remboursements français de soins de santé effectués au Luxembourg s'élevaient à 2 millions d'euros, et à 114 millions d'euros dans l'autre sens, pour payer les prestations réalisées en France.
La France et le Luxembourg sont liés, en matière de sécurité sociale, par plusieurs textes. Tout d'abord, le règlement 8832004CE du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ainsi que son règlement d'application en matière de coopération administrative dans le champ de la sécurité sociale. Ensuite, un accord bilatéral de sécurité sociale, depuis 2008, visant à compléter les dispositions communautaires, en particulier en matière de prestations et de recouvrement des cotisations et trop-versés. Néanmoins, les autorités des deux pays ont souhaité développer encore plus cette coopération, répondant ainsi à une faiblesse du dispositif qui nécessite une coopération renforcée et directe entre les organismes de sécurité sociale eux-mêmes des deux États.
Ainsi, la France et le Luxembourg ont conclu un accord par échange de lettres, en avril et juin 2011, visant à moderniser leur coopération bilatérale en matière de sécurité sociale. C'est cet accord qui est aujourd'hui soumis à l'approbation de notre Assemblée.
Son objectif est de lutter efficacement contre les fraudes en matière de sécurité sociale en permettant une coopération accrue entre les autorités compétentes des deux pays. Cette coopération est encouragée par Bruxelles, qui invite les États membres à prendre les mesures et adopter les procédures nécessaires en vue d'améliorer la coopération dans ce domaine.
Pour en venir au fond de l'accord, ses stipulations s'appliquent à tous les résidents de l'un ou l'autre Etat soumis à une législation de sécurité sociale. Le coeur du champ d'application matériel de l'accord est constitué par les législations relatives à la sécurité sociale visées par les règlements communautaires, mais il s'étend aussi à des législations relatives au versement de prestations non contributives exclues du champ de ces règlements, comme le RSA.
Les principes généraux de cette coopération sont classiques :
– elle consiste, pour les institutions compétentes et les organismes de liaison, à communiquer entre eux et se prêter mutuellement assistance ;
– elle est en principe gratuite, mais les autorités compétentes peuvent convenir par écrit du remboursement de certains frais ;
– les documents fournis en application de l'accord sont considérés comme authentiques ;
– il doit être répondu à toute demande d'information « dans les meilleurs délais » et au plus tard dans les trois mois ;
– les demandes et les documents peuvent être présentés dans la langue officielle de l'une ou l'autre partie ;
– seules peuvent être refusées les demandes d'informations qui sont « susceptibles d'avoir une incidence sur la souveraineté, la sécurité ou l'ordre public ou tout autre intérêt important d'une partie contractante ».
L'accord pose dans un premier temps le cadre général de la coopération en prévoyant une saisine directe entre les organismes de sécurité sociale des deux pays ainsi qu'un échange d'informations et de données en vue de constater les fraudes, abus ou erreurs en matière de prestations, de cotisations ou d'assujettissement. Dans un second temps, il décline cette coopération en trois volets : la coopération en matière de prestations, en matière d'assujettissement et en matière de contrôles. Ces vérifications portent essentiellement sur la résidence, l'état civil, les conditions de ressources ou encore les arrêts de travail.
Grâce à l'échange d'informations et de données, les organismes de protection sociale pourront, lors du traitement des demandes de prestations ou de leur versement, demander aux institutions de l'autre État d'effectuer des contrôles. Les organismes de protection sociale pourront, en outre, faire procéder au recouvrement de cotisations dans l'autre État et récupérer, par l'intermédiaire des organismes de l'autre État, le montant des versements indus.
L'accord permet, par ailleurs, la coopération pour le contrôle du détachement, facteur important de fraude aux règles d'assujettissement. Seule une coopération entre institutions des deux pays – en l'espèce un échange rapide d'informations - peut conduire à l'affiliation au régime d'accueil, au recouvrement des cotisations, et à l'engagement de procédures le cas échéant.
Pour finir, cet accord innove sur trois points. Tout d'abord, l'Accord prévoit la transmission et le rapprochement de fichiers. Ensuite, il autorise la présence d'agents sur le territoire de l'autre État, en qualité d'observateurs et aux fins d'assistance - par exemple pour interpréter des données et des informations. Enfin, il instaure la possibilité de contrôle des arrêts de travail pour un salarié affilié au régime d'un État par un organisme de l'autre État.
La coopération consistera donc, d'une part, à l'échange et à la vérification d'informations nécessaires à l'application des législations sociales, et, d'autre part, à une aide entre les institutions pour différentes opérations : transmission de documents, recouvrement, y compris forcé, de cotisations, exécution dans un pays des décisions prises dans l'autre, réalisation d'examens médicaux.
Il est difficile d'apprécier le montant des erreurs ou fraudes aux prestations sociales entre la France et le Luxembourg, mais il est probablement assez marginal. Il s'agit donc d'un accord de clarification et non de sanction qui s'inscrit dans le prolongement des dispositions communautaires en la matière, et de l'accord de sécurité sociale précédemment conclu avec le Luxembourg en les complétant.
La Chambre des députés du Grand-Duché de Luxembourg a adopté le 30 janvier 2013 le projet de loi, et la loi portant approbation de l'Accord a été promulguée le 26 février 2013. Le Sénat a adopté le projet de loi visant à autoriser son approbation le 5 février 2013. C'est pourquoi je vous recommande d'adopter cet accord.
Je vous remercie.