Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 5 novembre 2012 à 16h10
Commission élargie : culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la création, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture :

Dans ce projet de budget fortement contraint, les deux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont relativement préservés. Les moyens du premier, en baisse de 1,6 %, sont ramenés à 774,9 millions d'euros ; ceux du second ne diminuent que de 0,2 %.

En ce qui concerne la création, vous avez clairement choisi, madame la ministre, de soutenir les structures de production et de diffusion, pour le spectacle vivant comme pour les arts plastiques, dont les dotations de fonctionnement progressent respectivement de 1,2 et de 3,4 %. En contrepartie, les opérateurs du programme sont mis à contribution par une baisse différenciée de leurs subventions, qui pèse davantage sur les plus solides d'entre eux et passe parfois par un prélèvement exceptionnel sur leur fonds de roulement. Il s'agit d'une sorte de rééquilibrage territorial qui privilégie le soutien aux réseaux de création à travers tout le territoire, les opérateurs auxquels des efforts sont demandés étant essentiellement implantés à Paris.

Par ailleurs, les moyens alloués aux investissements sont en hausse, ce qui s'explique principalement par le projet de Philharmonie de Paris. Cinquante millions d'euros sont inscrits pour honorer les échéances de ce chantier d'envergure en 2013, mais 25 millions d'autorisations d'engagement supplémentaires sont également prévus pour faire face au dérapage substantiel du coût du projet, passé de 336,5 à 387 millions d'euros, soit une augmentation de 15 % qui ne laisse pas d'inquiéter votre rapporteur spécial. Le surcoût est partagé entre la Ville de Paris et l'État.

Enfin, l'année 2012 a été marquée par la réouverture du Palais de Tokyo après dix mois de travaux qui ont presque triplé sa superficie et dont l'achèvement explique en grande partie la baisse de 10 % des crédits alloués aux arts plastiques.

Une question : un récent rapport sur le financement du spectacle vivant conclut à la nécessité d'une loi d'orientation, maintes fois évoquée et qui a fait l'objet d'un engagement du Président de la République. Quelles sont vos intentions en la matière, madame la ministre ?

Au sein du programme « Transmission des savoirs », priorité est donnée à l'enseignement supérieur culturel et à l'éducation artistique et culturelle. Pour le premier, les crédits de paiement augmentent de 2,5 %, à 232,2 millions d'euros. Trente postes d'enseignants sont créés dans les écoles nationales d'architecture et dans les écoles d'art. Les ressources allouées aux bourses augmentent de plus de 10 %, ce qui témoigne d'une ferme volonté d'améliorer les conditions de la vie étudiante. En outre, un plan ambitieux est engagé en faveur de l'éducation artistique et culturelle pour un montant total de 15 millions d'euros sur trois ans, dont 2,5 l'année prochaine.

Le plan Lang-Tasca a été un formidable moyen de démocratiser la culture et lorsque les précédents gouvernements ont mis fin aux crédits dont il bénéficiait, de nombreuses municipalités ont comme la mienne, à Lyon, reconduit sans financement de l'État les projets engagés. On ne peut donc que se réjouir de voir renaître cette grande ambition. L'art ne doit pas être la matière que l'on pratique après toutes les autres, il ne saurait être sacrifié aux savoirs jugés fondamentaux. L'éducation artistique et culturelle est un merveilleux sésame offert à toutes les formes d'intelligence. Il s'agit d'éveiller la passion des enfants et, comme le savent tous les enseignants, c'est d'abord la passion que l'on transmet ; or, qui mieux que l'artiste peut transmettre la passion pour l'art ? Il faut avoir vu le quatuor Debussy travailler avec les enfants des écoles de la Croix-Rousse pour mesurer le prix du contact entre l'enfant et l'artiste.

En contrepartie, les financements dévolus à l'action culturelle internationale ainsi qu'aux conservatoires régionaux et départementaux diminuent.

Enfin, les moyens de soutien pour le ministère sont eux aussi très contraints : si la diminution des effectifs se ralentit nettement, les crédits de fonctionnement baissent de 7 %.

Rattaché au programme « Transmission des savoirs », le Centre national du cinéma, essentiel à la diversité et à la vitalité de notre production cinématographique, est fortement mis à contribution par un prélèvement de 150 millions sur son fonds de roulement, alors même que l'incertitude est grande s'agissant de l'une des taxes qui lui sont affectées – la TST distributeurs –, dont la réforme issue de la loi de finances pour 2012 n'a pas été avalisée par la Commission européenne. Pourriez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur ce point ? Quand un nouveau projet de réforme sera-t-il présenté et sur quels principes se fondera-t-il ?

Je l'ai dit lors de la discussion générale du budget, je ne peux que regretter les fortes restrictions dont les crédits de la culture font l'objet. Cette critique ne s'adresse pas à vous, madame la ministre, qui avez géré au mieux les crédits qui vous étaient alloués. Mais le financement de la culture doit être considéré comme un investissement fondamental pour une société, au même titre que celui du système éducatif, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Son budget avait doublé au cours des quatre premières années de la présidence de François Mitterrand, et il a augmenté sous tous les gouvernements de gauche. Je regrette donc qu'il n'ait pu être davantage préservé pour 2013 et je m'inquiète des perspectives que trace la loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017. J'espère, madame la ministre, que cette critique pourra vous être utile, d'autant qu'elle émane du porte-parole du groupe SRC pour le budget, qui, en dehors de ce point de désaccord, ne tarit pas d'éloges quant à l'équilibre et la pertinence du projet de loi de finances pour 2013.

Le financement de la création culturelle doit également s'appuyer sur l'un des acquis fondamentaux de l'exception culturelle française : le statut des intermittents du spectacle, lequel ne peut être considéré comme une simple assurance chômage. Sans financement public de la recherche, pas de recherche fondamentale ; le financement de la création, notamment de la période de création indispensable au spectacle vivant, est tout aussi primordial. J'espère que l'on s'en souviendra, lors de la renégociation prévue d'ici à la fin 2013.

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