Intervention de Michel Herbillon

Réunion du 5 novembre 2012 à 16h10
Commission élargie : culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon :

« La création et la culture ne sont pas un luxe en temps de crise, elles offrent au contraire des atouts pour en sortir » : voilà ce que déclarait il y a un an Martine Aubry, alors première secrétaire du Parti socialiste, en proposant d'augmenter le budget de la culture de 50 % en cinq ans. François Hollande, candidat à l'élection présidentielle, promettait de son côté, au printemps dernier, que le budget de la culture serait « sanctuarisé, préservé, protégé ».

Au regard de ces déclarations et des engagements pris devant les Français et les acteurs de la culture par le Président de la République, je vous le dis tout net, madame la ministre : le projet de budget que vous nous présentez est une sorte de duperie – pour ne pas dire d'imposture. Le budget de la culture est condamné, et c'est vous qui avez fait tomber la sentence. Il témoigne que François Hollande a tout simplement menti : non seulement ce budget n'est pas sanctuarisé, mais il subit une véritable saignée avec un recul historique de plus de 4 % ; encore n'est-ce qu'un début, puisque la baisse devrait se poursuivre jusqu'en 2015, pour atteindre au total 7,5 %.

La ritournelle de l'héritage, comme celle de la contribution à la réduction des finances publiques, sont connues : j'espère donc que vous nous les épargnerez. Durant tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy, y compris après la crise de 2008, le budget de la culture a toujours été protégé, et même augmenté. L'ensemble des acteurs, des observateurs et des médias – y compris ceux favorables à votre majorité – soulignent ce fait incontestable pour déplorer vos propres choix.

De fait, votre budget traduit une réalité simple et cruelle : au-delà des incantations, la culture ne fait tout simplement pas partie des priorités du Président de la République et du Gouvernement. Il ne faut pas s'étonner, dès lors, que Bercy ait pris le pas sur la rue de Valois en ces temps de crise.

Les membres de votre majorité s'apprêtent à renier tout ce qu'ils avaient prôné lorsqu'ils étaient dans l'opposition. « Rationner la culture est inacceptable », nous expliquait le porte-parole du groupe SRC il y a un an, dans l'hémicycle. Il ne s'agit plus aujourd'hui de rationner, on taille à la hache dans les projets d'investissement structurants : tous sont annulés, y compris en région. Abandonnée, la maison de l'Histoire de France, pour des raisons tant idéologiques que budgétaires ; annulés, les projet de musée de la photographie à Paris, du Centre des réserves de Cergy et de la nouvelle salle de la Comédie-Française. Quant à la contribution de l'État à Lascaux 4, elle passe aux oubliettes. Enterré, le Centre national de la musique ; en sursis, la tour Médicis de Clichy-Montfermeil. Les arts plastiques ne sont pas en reste, avec l'annulation de Monumenta et les réductions budgétaires imposées au Palais de Tokyo, lesquelles remettent en cause non seulement son programme, mais aussi son ambition même. En vérité, seuls les projets dont l'état d'avancement empêche l'annulation sont préservés : le musée des civilisations euro-méditerranéennes à Marseille, le Centre national des archives à Pierrefitte-sur-Seine, la Philharmonie de Paris, le plan « Musées en régions ».

S'agissant de la Philharmonie, je vous donne acte de vos propos ; mais au-delà des crédits d'investissement prévus, où en sont les discussions avec la ville de Paris sur la gestion de cette structure et sur la prise en charge de son fonctionnement ?

Outre l'annulation de nombreux grands projets, les réductions budgétaires affecteront la quasi-totalité des secteurs culturels. Les crédits dédiés à la création s'affichent en baisse ; les opérateurs nationaux du spectacle vivant verront leurs moyens réduits de 3 %. Vous avez récemment promis une grande loi sur le patrimoine mais votre premier acte est de diminuer de 10 % les moyens qui lui sont alloués, les musées étant les plus touchés ; quant aux crédits dédiés à la restauration des monuments historiques, ils connaîtront également une baisse vertigineuse.

Pour les crédits d'acquisition des musées, le ministère évoque sobrement une réduction temporaire ; mais nous confirmez-vous, madame la ministre, que ceux des fonds régionaux seront réduits de 50 à 60 % l'an prochain ?

Si je me réjouis que vous poursuiviez la politique de démocratisation de la culture engagée par la précédente majorité, et mainteniez l'accès gratuit aux musées pour les jeunes, le reste, en dépit des grands discours qui font de la jeunesse une priorité, me semble flou et dépourvu de ligne directrice. En matière de moyens, on nous parle d'accroître le budget de l'éducation artistique de 15 millions d'ici à 2015 ; mais cette augmentation plafonnera à 2,5 millions l'an prochain.

Vous comprendrez donc que le groupe UMP s'oppose à ce budget qui marque un recul sans précédent de l'action de l'État en faveur de la culture. Il est encore temps d'infléchir votre position, madame la ministre ; et si vous restez sourde aux critiques de l'opposition, peut-être entendrez-vous la voix de ceux qui, au sein de votre propre majorité ou des syndicats de la culture, s'alarment de vos choix budgétaires. Le pessimisme gagne tous les acteurs car, au-delà des restrictions budgétaires, on peine à discerner votre projet. Les réductions de crédits et l'abandon de projets ne font pas une politique. La rigueur budgétaire pourrait être contrebalancée par l'innovation et l'audace ; mais votre budget, hélas, ne contient ni l'une ni l'autre.

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