Intervention de Jean-Patrick Gille

Séance en hémicycle du 17 juillet 2012 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2012 — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Je veux revenir sur quelques-uns des effets pervers du dispositif d'exonération et de défiscalisation des heures supplémentaires inventé en 2007.

Ce système est unique au monde. D'autres pays s'y sont essayés mais sans jamais faire un choix aussi radical puisque les exonérations ne portaient que sur la part de majoration des heures supplémentaires. Aujourd'hui, ces pays sont d'ailleurs revenus sur ces mesures.

En France, l'ancienne majorité a choisi de désocialiser et de défiscaliser le coût total des heures supplémentaires. En conséquence, alors que l'heure supplémentaire correspond à un surcroît de production lorsque le système tourne à plein, et donc qu'elle est l'heure qui rapporte le plus, elle est subventionnée par l'État en moyenne à hauteur de 6 à 7 euros de l'heure. Il s'agit d'une aberration économique qui coûte plus qu'elle ne rapporte.

Elle coûte en effet 0,23 % de PIB alors qu'elle ne rapporte que 0,15 % de croissance. Autrement dit, vous avez inventé un moteur économique à rendement négatif ; une aide publique à crédit qui produit moins de croissance qu'elle ne produit de dette.

Une telle mesure pourrait, à la limite, avoir du sens dans un pays frappé par une pénurie de main-d'oeuvre. Mais, en France, alors que le taux de chômage est de 10 %, il s'agit véritablement d'une folie. Ce dispositif est désincitatif à l'embauche. L'arbitrage d'un chef d'entreprise moyenne se fera bien évidemment en faveur de l'utilisation des heures supplémentaires plutôt que de l'embauche. Quant aux grosses entreprises, elles peuvent faire plus fort encore : elles peuvent utiliser, successivement ou sur des unités de production différentes, à la fois les subventions liées au chômage et à l'activité partielle et le dispositif d'exonération de charges des heures supplémentaires.

Selon le rapport d'information de M. Jean-Pierre Gorges et M. Jean Mallot, travail auquel j'ai participé, « le nombre annuel d'heures supplémentaires n'a pas connu de hausse significative […]. L'application du dispositif est marquée par un fort effet d'aubaine, un certain nombre d'heures supplémentaires effectuées mais non déclarées comme telles avant la réforme ayant bénéficié des allègements fiscaux et sociaux ».

Il y a donc eu effet d'aubaine, régularisation, mais aussi substitution. La substitution concerne évidemment les salaires – c'est votre fameux « travailler plus pour gagner plus » – mais aussi les primes. En défendant la motion de rejet préalable, M. Estrosi a expliqué hier naïvement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que les heures supplémentaires exonérées avaient remplacé les primes et que si nous votions l'article 2, elles ne pourraient plus être distribuées en fin d'année.

Pour conclure, je ne résiste pas à souligner un paradoxe. Vous avez improvisé le dispositif d'exonération des heures supplémentaires parce que vous avez choisi dogmatiquement de contourner les 35 heures.

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