Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 5 novembre 2012 à 16h10
Commission élargie : culture

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication :

Vous avez raison, monsieur le président, de souligner le lien entre les deux parties du budget, et je vous sais gré de votre implication constante sur ces sujets.

Le coût des dispositifs fiscaux qui participent au financement de la culture se monte à 540 millions, qui, en générant de l'activité et de l'emploi sur le territoire, rapportent plus de 1,8 milliard de rentrées fiscales. Si le budget que je présente est en baisse, il préserve les dispositifs de financement vertueux qui complètent les subventions budgétaires. L'ensemble est équilibré. Il définit entre autres priorités l'éducation artistique, l'enseignement supérieur, la formation, ainsi que la structuration économique et juridique du secteur, notamment les travaux sur le numérique.

La culture, ce ne sont pas d'abord des projets somptuaires. Certains grands projets, bien sûr, ont une forte valeur pédagogique, confortent notre citoyenneté et renforcent notre patrimoine : je pense au nouveau bâtiment des archives à Pierrefitte ou au MuCEM, qui symbolise l'important engagement du Gouvernement en faveur de Marseille. Nous avons donc établi des priorités, tout en adoptant une démarche responsable en termes de finances publiques.

L'économie de la culture repose sur des équilibres fragiles, qu'il ne faut pas déstabiliser. Le prélèvement de 150 millions sur le fonds de roulement du CNC aura malheureusement des conséquences sur le programme de numérisation. Mais nous avons fixé là aussi des priorités : j'ai tenu à sanctuariser les crédits de numérisation pour les actions d'éducation artistique à destination des collégiens, lycéens, apprentis… La numérisation des salles est quant à elle achevée à 90 %, ce qui nous permet – à la différence de nombreux pays européens – de conserver un réseau très dense et attractif. En revanche, il faudra sans doute échelonner le programme de numérisation du patrimoine, et donc ralentir le développement de l'offre légale.

L'éducation artistique et culturelle est effectivement l'une de nos priorités : notre objectif est une augmentation de 30 % en trois ans des crédits d'éducation artistique du ministère. Nous espérons que tous les élèves auront accès dès la rentrée de septembre 2013 aux pratiques artistiques. Notre action comportera trois volets : enseignements spécialisés pour la musique et les arts plastiques ; histoire des arts – l'idée d'une épreuve de cette discipline au brevet des collèges me paraît intéressante, mais il faudra aussi modifier les programmes de toutes les années du collège ; et enfin contact des élèves avec les oeuvres et les artistes.

Je travaillerai bien entendu avec Vincent Peillon, car cette réforme doit s'insérer dans celle des rythmes scolaires, qui libérera des heures en fin de journée pour les devoirs, le sport et les pratiques culturelles, mais elle suppose aussi une évolution de la formation des enseignants. À cet égard, l'expérience tirée du programme « Collège au cinéma » sera fort utile : elle a permis de former de nombreux enseignants, qui sont ensuite à même d'accompagner les élèves dans leur découverte du cinéma. Nous voulons également définir, à partir de janvier 2013, une sorte de parcours commun, en collaboration avec les collectivités locales, car ce sont elles qui connaissent les modes d'organisation, mais aussi les particularités et les richesses de chaque territoire.

Notre action doit se déployer sur l'ensemble de notre territoire, et notamment ne jamais laisser de côté les zones rurales. L'Agence pour le développement régional du cinéma, dont le président est le cinéaste Lucas Belvaux, travaille avec le CNC à la bonne répartition des salles sur l'ensemble de notre territoire ; aujourd'hui, toutes les villes de plus de 50 000 habitants disposent au moins d'une salle. C'est un travail important, qui nécessite des analyses géographiques fines pour savoir quelle distance sépare d'une salle chacun de nos concitoyens : vous en serez d'accord avec moi, le cinéma, c'est mieux en salle !

L'enseignement de l'architecture est également l'un des domaines d'excellence français. Vous savez que c'est un projet rhônalpin qui vient de remporter le prix Solar Décathlon 2012, prestigieux concours international d'architecture solaire. Nous avons également un plan de rénovation des écoles d'architecture, qui débutera par celles de Strasbourg et de Clermont-Ferrand. Il faut encourager ces écoles, qui ont été très bien évaluées par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur : trente emplois et des crédits supplémentaires ont été dégagés. Nous mènerons également une grande concertation nationale sur le rythme des travaux de rénovation ainsi que sur les synergies possibles entre les différentes écoles.

Au vu du contexte économique, il me semble pouvoir dire que les emplois du ministère sont préservés : seuls 15 emplois pour l'administration centrale, et 85 chez les opérateurs, seront rendus ; ils seront tous prélevés parmi ceux qui n'étaient pas pourvus. Nous consentons en revanche un très gros effort en diminuant nos frais de fonctionnement de 7 % : nul ne pourra plus dire que la rue de Valois mène grand train !

Les propos de M. Herbillon étaient manifestement excessifs : le budget précédent affichait une hausse apparente que, grâce à une accumulation de grands projets dont la moitié n'étaient pas financés. Ainsi, le Centre national de la musique avait été annoncé à grand renfort de tambours et trompettes : c'eût été encore un opérateur public, avec emplois budgétaires et coûts fixes, mais son financement reposait sur du sable, puisque la taxe sur les services de télévision-distributeurs est aujourd'hui dans le collimateur de la Commission européenne.

J'ai donc choisi de reprendre entièrement le chantier de l'accompagnement du secteur musical, qui compte un grand nombre de petites et moyennes entreprises de production et de diffusion. Dans ce but, j'ai créé au sein du ministère une mission consacrée à la musique, commune à la direction générale de la création artistique – DGCA – et à la direction générale des médias et des industries culturelles – DGMIC.

Ce que nous voulons, c'est rechercher la plus grande efficacité possible, et non annoncer de grands projets sans lendemain.

Le crédit d'impôt en faveur de la production phonographique a d'ailleurs été prolongé par l'Assemblée nationale lors de la discussion de la première partie de la loi de finances, et modifié pour aider plutôt les petites entreprises, dont le crédit d'impôt passera de 20 % à 30 % ; le plafond passe en revanche de 1,3 million d'euros à 800 000 euros. Je vous en remercie, car c'est là, je crois, une mesure de bonne politique.

À l'initiative des collectivités locales, la fusion de la scène nationale du Petit-Quevilly-Mont-Saint-Aignan et du Théâtre des Deux-Rives à Rouen permettra la création d'un centre dramatique national, qui aura la particularité nouvelle d'être interdisciplinaire. L'État accompagne ce processus de toute sa bienveillance ; nous regarderons d'ailleurs ce type d'expérience de près pour la loi d'orientation sur la création que nous préparons.

Le coût des déplacements en zone rurale doit effectivement être pris en considération, madame Attard, non seulement pour le cinéma, mais aussi pour le spectacle vivant et pour toutes les actions d'éducation artistique à l'école.

J'aime l'archéologie, monsieur Rogemont – j'ai même failli faire des études dans ce domaine. La France détient là une expertise, un savoir-faire, regardés avec grand intérêt par nombre de nos voisins. L'archéologie contribue à l'enrichissement du patrimoine comme à la gestion durable de notre territoire, et c'est pourquoi nous avons suivi les préconisations de l'inspection générale des finances, qui recommandait que la redevance s'applique de manière égale pour tous les types de construction.

Les dispositions qui s'appliquent aux SOFICA ont été préservées par la loi de finances pour 2013, car elles demeurent indispensables au financement du cinéma, comme le sont les différentes taxes affectées au CNC.

Le crédit d'impôt « international » devrait nous permettre, pour un coût nul, et dans un environnement européen très concurrentiel, d'attirer des tournages de films : alors que la part de marché du Royaume-Uni est aujourd'hui de 50 %, celle de la France ne s'élève qu'à 3 %. Notre objectif est d'arriver à une part de marché d'un tiers, et je vous proposerai donc des mesures à ce sujet dans une loi de finances rectificative.

Les métiers techniques du cinéma, monsieur Deguilhem, les métiers d'art, les métiers de la restauration et de la conservation, sont de beaux métiers, valorisants, qui font rêver les jeunes. Le ministère leur accorde donc toute son attention.

Quant à la Philharmonie de Paris, monsieur Herbillon, elle coûtera à l'État 9 millions d'euros pour son budget de fonctionnement, soit à peu près ce que coûte aujourd'hui la salle Pleyel. La contribution de la Ville de Paris s'élèvera également à 9 millions ; les recettes propres fourniront enfin 15 millions d'euros, dont 9 millions de billetterie, le reste provenant du mécénat. Il restera ensuite à se mobiliser pour assurer le succès lors du rendez-vous de la saison 2014-2015.

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