Le courage, disait Jaurès, c'est de ne pas faire écho aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. Il faut saluer ce budget de responsabilité, de vérité, de fermeté et de dignité, qui traduit des efforts substantiels dans un contexte d'austérité et de difficultés financières en Europe, et mobilise des moyens à la mesure des besoins, pour un traitement plus digne des demandeurs d'asile.
Fixées à 662,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 670,9 millions d'euros en crédits de paiement, les dotations de la mission progressent respectivement de 11,6 et 13 %, ce qui représente 69 et 77 millions supplémentaires. Dans le détail, la plupart des actions des deux programmes de la mission, comme son principal opérateur, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, appliquent en réalité les instructions d'économie du Premier ministre en réduisant sensiblement les prévisions de dépenses.
Le renforcement budgétaire des crédits dédiés à la garantie du droit d'asile en est d'autant plus significatif. Il ne s'agit pas seulement de fixer à un niveau plus conforme aux consommations constatées en 2011 les dotations destinées à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile et l'allocation temporaire d'attente qu'ils perçoivent quand ils ne peuvent accéder aux centres d'accueil, les CADA – dépenses systématiquement et fortement sous-évaluées ces dernières années. Cet effort budgétaire traduit aussi le choix d'améliorer l'efficacité et la qualité de l'accueil offert par la France aux demandeurs d'asile, d'une part, en renforçant les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour lui permettre de traiter les demandes dans des délais plus raisonnables que ces dernières années ; d'autre part, en créant 1 000 nouvelles places en CADA, structures qui offrent la prise en charge et l'accompagnement les plus conformes à notre devoir de solidarité internationale.
Les autres migrants ne sont pas pour autant négligés. Grâce à des réformes successives des taxes sur les titres de séjour qui lui sont affectées, l'OFII dispose de moyens consolidés. Il lui est demandé de poursuivre ses efforts de rationalisation des dispositifs dont il est chargé et d'économie sur ses dépenses de fonctionnement, mais son haut niveau d'intervention en faveur des migrants en situation régulière devrait être préservé. En 2012, près de 106 millions d'euros sont consacrés aux actions d'accueil et de formation des primo-arrivants, aux procédures d'immigration familiale et professionnelle et à l'accueil des demandeurs d'asile assurés par l'OFII.
J'évoquerai enfin, même si ces dépenses ne relèvent pas de la mission, les efforts du ministère pour développer la capacité des services préfectoraux à encadrer les multiples démarches exigées des étrangers dans des conditions plus respectueuses des individus, et bien que leurs missions soient nettement plus lourdes qu'auparavant.
En dépit de ces progrès, des questions demeurent sur l'évolution de certaines dépenses, dont celles relatives à l'allocation temporaire d'attente – ATA –, comme sur certains arbitrages non encore rendus.
Tout d'abord, ce projet de budget renforce substantiellement les crédits alloués à l'hébergement d'urgence et à l'allocation temporaire d'attente auxquels peuvent prétendre les demandeurs d'asile n'ayant pas accès aux CADA. Ne serait-il pas plus efficace du point de vue budgétaire, et plus digne, d'accroître encore les capacités d'accueil des CADA, ce qui devrait réduire les dépenses alternatives d'hébergement d'urgence et d'ATA ? À enveloppe budgétaire constante, ne peut-on imaginer un transfert de crédits entre ces différents dispositifs ?
Ensuite, le développement, l'entretien et le fonctionnement des centres de rétention administrative devraient représenter un budget d'environ 44,9 millions d'euros. Les prévisions sont certes en retrait de 3 millions par rapport aux crédits votés pour 2012. Mais, compte tenu du taux moyen d'occupation des centres, qui ne dépasse pas 57,7 % sur l'ensemble du territoire métropolitain, voire 30 % sur certains sites, ne serait-il pas opportun, voire plus rentable, de fermer les centres les moins utilisés ?
Question annexe : le premier marché de l'accompagnement juridique des retenus arrive à son terme le 31 décembre 2012. Les modalités et les conditions de sa reconduite ne sont pas décidées, si bien que les associations concernées ne peuvent définir sérieusement leurs organisations et leurs budgets pour 2013.
Par ailleurs, en 2011, près d'un tiers des personnes faisant l'objet d'une décision d'éloignement du territoire ont regagné leur pays dans le cadre d'un retour aidé. Ils sont encore 9 130 étrangers à bénéficier des aides au retour volontaire. Toutefois, il apparaît que 52 % des bénéficiaires en 2011 et 58 % au premier semestre 2012 sont des ressortissants communautaires qui pourront de plein droit revenir en France. On peut dès lors s'interroger sur la légitimité d'une aide qui ne favorise en rien un retour durable dans le pays d'origine. Ces fonds ne seraient-ils pas mieux employés au service des véritables dispositifs de réinsertion ou de développement solidaire ?
Tout le monde s'accorde sur la nécessité de réduire les délais de traitement des demandes d'asile que l'afflux massif de ces derniers années a fait dériver, retardant la reconnaissance des situations justifiant une protection et pesant lourdement sur les dépenses de prise en charge des demandeurs. Cependant, la diminution des délais d'instruction n'est pas une fin en soi. Comment l'État veille-t-il à ce que l'accélération des procédures devant l'OFPRA ne nuise pas à la qualité du traitement des demandes d'asile, et notamment à ce que les objectifs de productivité demandés aux officiers de protection ne compromettent pas la qualité des entretiens ?
Enfin, monsieur le ministre, pourquoi la construction du nouveau CRA de Mayotte, budgétée depuis plusieurs années, n'a-t-elle pas encore débuté ?