Intervention de Manuel Valls

Réunion du 25 octobre 2012 à 21h00
Commission élargie : immigration, asile et intégration

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

C'est un autre héritage que je revendique. Vous le savez bien, monsieur Dolez, ceux qui ont gouverné à gauche depuis 1981 n'ont jamais failli quand il s'est agi de maintenir l'ordre. Mais l'héritage ne fait pas non plus des policiers et des gendarmes des sarkozystes en puissance. Il y a une continuité – et je l'assume – dans le choix de garder la politique migratoire et d'asile, et celle d'intégration et de naturalisation sous la responsabilité des préfets. Ces derniers sont des hauts fonctionnaires qui ont souvent été maltraités ; et s'ils assument une ligne politique, c'est au nom de l'intérêt général et de l'État de droit.

Il s'agit de débats compliqués, et beaucoup de questions techniques ont été soulevées.

Monsieur Larrivé, vous dites que la France a le droit de choisir qui elle doit accueillir sur son territoire. Ayant d'autres références, je préférerais, pour ma part, citer – en entier – la fameuse phrase de Michel Rocard, mais d'une certaine manière, je pourrais faire écho à votre remarque : oui, la France en a le droit, dans le respect de la loi républicaine et des conventions européennes et internationales qui régissent l'immigration et le droit d'asile. La loi républicaine doit être claire, et s'appliquer de manière égale pour tous, dans la dignité et le respect des personnes.

Je constate que vous êtes d'accord avec moi quand je suis moi-même d'accord avec mes prédécesseurs, mais en désaccord quand j'introduis un changement. Vous m'accusez de ne pas assumer les reconduites à la frontière, mais je vous mets en garde contre ce qui n'est qu'un procès d'intention. Le Président de la République a promis de lutter avec fermeté et rigueur contre l'immigration clandestine, s'attaquant avant tout à ceux qui l'organisent. Dans le cadre de cette politique de lutte contre l'immigration irrégulière, j'effectue des reconduites à la frontière ; je procède et je procéderai à des éloignements dans le respect du droit. Je ne fais pas de course au chiffre, mais le nombre de reconduites à la frontière réalisées en 2012 sera supérieur à celui de 2011. Le débat serait plutôt de savoir qui on reconduit ; en l'occurrence, il s'agit souvent de populations européennes, ce qui a également permis d'augmenter ce chiffre.

C'est non pas depuis le 15 mai, comme vous l'affirmez, mais depuis le mois de mars que les éloignements sont en diminution. Étant au pouvoir, vous aviez en effet refusé d'appliquer les recommandations de la Cour de justice de l'Union européenne sur la suppression des gardes à vue des étrangers en situation irrégulière. Les juges, eux, ont commencé à appliquer cette décision par anticipation, avant même notre arrivée au pouvoir, et encore plus quand un premier avis de la Cour de cassation l'a confirmée début juillet. Un texte de loi créant un mécanisme de retenue pour vérification du droit de séjour est en cours d'examen au Sénat ; mais ce mécanisme aurait dû être anticipé avant, son absence étant l'une des raisons de la baisse des reconduites à la frontière.

À l'aide de ce nouveau mécanisme – qui doit encore être débattu et voté par le Parlement – ce Gouvernement et le ministre de l'intérieur que je suis ont la volonté de mener une politique humaine, juste, respectueuse du droit, mais très ferme concernant les reconduites à la frontière. Il n'y aura pas non plus de régularisations massives des sans-papiers ; nous préparons actuellement une circulaire allant dans ce sens et aurons aussi l'occasion d'en débattre. Cette politique est celle du Président de la République et du Premier ministre, et je l'applique sans réserve. Ces sujets ont été tellement exploités depuis quelques années que la confusion pointe dès que le débat ne respecte pas la bonne foi, les chiffres. J'espère avoir clarifié ce qu'est le fond de notre politique dans ce domaine.

J'en viens aux questions des rapporteurs. La situation relative à l'hébergement des demandeurs d'asile, qu'ont évoquée M. Grandguillaume et Mme Dagoma, n'est pas satisfaisante. Des efforts ont été faits dans le passé, notamment en matière de création de places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA. La politique d'asile n'est pas une variable d'ajustement de la politique d'immigration, même si cette dernière doit parfois s'occuper des déboutés du droit d'asile. Je n'ai pas pu me rendre au conseil « Justice et affaires intérieures », au Luxembourg, mais nous avions anticipé ses décisions avec mon homologue allemand à l'occasion de notre rencontre à Berlin il y a deux jours. Le droit d'asile est aujourd'hui détourné par certains ressortissants des pays qui ont récemment bénéficié d'une libéralisation du régime des visas, ce qui engendre des difficultés importantes. M. Grandguillaume connaît parfaitement le sujet puisque dans tout l'est de la France, les villes, les structures de l'État et les associations font face à un afflux de demandes d'asile.

Cependant, la sous-dotation structurelle des crédits d'hébergement d'urgence place les préfets dans une situation très difficile. L'absence de visibilité sur les crédits les empêche de passer des contrats avec les structures d'hébergement dans de bonnes conditions. Pour le budget 2013, j'ai obtenu deux arbitrages importants : d'une part, la création de 1 000 places supplémentaires en CADA, bon début lorsque l'on sait qu'aucune place nouvelle n'avait été ouverte depuis plus de deux ans, alors que le nombre de demandeurs d'asile a augmenté de près de 25 % durant la même période ; d'autre part, un rebasage des crédits d'hébergement d'urgence de 35 millions d'euros qui permet enfin d'ajuster la dotation à la réalité de la dépense. Si la demande d'asile n'augmente pas de façon imprévue – l'hypothèse inverse n'est malheureusement pas à exclure –, nous pourrions sortir de l'insincérité budgétaire qui complique la gestion des dispositifs au plan local.

La diminution des délais d'examen des demandes d'asile est la priorité du Président de la République, que je mets en oeuvre. Début 2013, des effectifs supplémentaires seront pour cela recrutés à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dans ces conditions, la durée de séjour en CADA devrait être réduite, ce qui entraînera un turn-over plus important et donc une capacité d'accueil accrue en CADA, au-delà des 1 000 places créées. J'ai bien entendu les remarques formulées sur les coûts respectifs des deux systèmes et l'avantage économique de l'hébergement en CADA – au demeurant pas toujours vérifié car il dépend de la composition de la famille du demandeur d'asile hébergé, et notamment de la présence ou non de mineurs. Je suis prêt à examiner en cours d'année, en fonction de la situation en CADA et de l'hébergement d'urgence, avec ma collègue Cécile Duflot, une éventuelle substitution de crédits entre les deux dispositifs, à coût constant, au bénéfice de création de places supplémentaires en CADA. Cette évolution devra être validée au niveau interministériel, en association avec le Parlement.

Une autre question concerne l'utilité de conserver tous les centres de rétention administrative. Le taux d'occupation des CRA est de 52,5 % sur les neuf premiers mois de l'année 2012, en très légère augmentation par rapport à la même période de 2011 ; il était de 46 % pour le seul mois de septembre. Ces taux – liés aux décisions de la Cour de cassation sur la garde à vue – peuvent conduire à s'interroger sur le maintien du nombre de places qui s'élève aujourd'hui à 1 672. Je ne suis pas fermé à cette réflexion, mais il faut tenir compte des éléments plus qualitatifs : certains CRA peuvent être ponctuellement indisponibles, suite à des dégradations, comme actuellement à Bobigny, à des destructions, comme dans le passé à Vincennes, ou à des travaux. La capacité d'accueil en CRA doit donc toujours prévoir une marge pour faire face à des besoins imprévus. Au-delà de la simple capacité d'hébergement, il faut aussi prendre en considération le maillage territorial. Pour que les procédures d'éloignement se déroulent dans des conditions satisfaisantes et respectueuses des droits, les CRA ne doivent pas être trop éloignés des lieux d'interpellation. Il ne faudrait pas que, comme cela a pu se faire dans le passé, faute de CRA à proximité ou disponible, les retenus soient mélangés aux gardés à vue dans des commissariats de police. Enfin, et avant toute décision de fermeture de CRA, il importe d'avoir stabilisé la réflexion sur l'articulation entre rétention et assignation à résidence, tout en tenant compte de la décision de la Cour de cassation, de la nouvelle loi à venir, et des évolutions européennes en matière de rétention qu'il nous faudrait anticiper – je compte, mesdames, messieurs les députés, sur vos conseils et sur votre travail à cet égard.

S'agissant du marché de l'assistance juridique évoqué par M. Grandguillaume, en vigueur depuis 2010, décomposé en huit lots et confié à cinq associations, il arrive à son terme à la fin de cette année. Les modalités de poursuite de cette action sont en cours d'examen et, avant de lancer un nouveau marché pluriannuel, je souhaite que la réflexion menée par nos services sur l'articulation entre rétention et assignation à résidence soit stabilisée.

Lorsque je me suis rendu en Roumanie en septembre dernier, en compagnie de Bernard Cazeneuve et de Dominique Raimbourg, tous mes interlocuteurs – ministres comme associations et ONG proches des populations roms – m'ont dit que notre système d'aide au retour humanitaire, qui coûte chaque année environ 3 millions d'euros, était inadapté, voire idiot, et qu'il avait un effet incitatif au départ pour les populations qui viennent en France. Nous sommes en train d'évaluer cette question ; je souhaite qu'elle soit traitée dans le cadre du groupe de travail mis en place au niveau européen à notre demande et accepté par la commissaire Viviane Reding, qui réunit les pays d'accueil comme les pays d'origine. S'il nous faut décider rapidement des orientations à adopter, nous devons nous garder de toute rupture brutale, car cette aide permet aussi les reconduites à la frontière et en y mettant fin, même pour de bonnes raisons, nous risquons de mettre en péril leur déroulement. Dans ce domaine délicat, il nous faudra nous appuyer sur les expériences et les possibilités disponibles ; je ne fais pour ma part qu'indiquer la direction que nous devrons prendre.

M. Alain Christnacht est revenu il y a quelques semaines d'une longue mission à Mayotte et aux Comores que le ministre des affaires étrangères et moi-même lui avions confiée. Le contexte local est celui d'une grande misère ; votre collègue Bernard Lesterlin qui connaît parfaitement le sujet peut témoigner du nombre de morts par noyade entre les Comores et Mayotte. Le CRA de Mayotte ne répond pas, en l'état, aux exigences en termes de conditions d'accueil, et son relogement est pour moi une priorité. Des travaux d'aménagement et de rénovation des locaux actuels, pour un coût de 400 000 euros, permettront avant la fin de l'année de doter le centre de trois salles dédiées respectivement aux femmes, aux familles et aux hommes, et de réaménager le poste de garde. Un nouveau CRA de 136 places, conforme aux normes d'espace et d'équipement, pourvu d'une zone d'attente de douze places et de locaux dédiés à la police aux frontières, la PAF, sera livré en 2015. Le projet est évalué à 25 millions d'euros. Le marché a été notifié le 18 septembre dernier et le début du chantier est prévu pour le printemps 2013.

L'accélération des procédures de traitement des demandes d'asile à l'OPFRA est un engagement du président de la République. Comme l'ont rappelé M. Geoffroy et Mme Chapdelaine, j'ai obtenu un renforcement des effectifs de l'Office, 10 officiers de protection devant être recrutés dès le début de l'année prochaine – chiffre non négligeable dans un contexte financier difficile. Ces mesures doivent permettre de diminuer le délai d'examen des dossiers à l'OFPRA, qui se situe déjà légèrement en dessous de six mois, alors qu'il était passé de 100 jours en 2008 à plus de 180 jours en 2011. Mais l'obtention de résultats dépend aussi de l'évolution de la demande d'asile, difficile à prévoir.

Il est vrai, monsieur Geoffroy, que le Président de la République a souhaité faire diminuer de manière significative les délais de traitement des demandes d'asile, l'objectif étant de passer de dix-huit à six mois. Mais ces délais ne dépendent pas uniquement de l'OFPRA ; le travail de la Cour nationale du droit d'asile, la CNDA, prend également beaucoup de temps. Le président Sauvé, avec lequel je me suis entretenu, est conscient de l'effort que chacun doit faire, mais l'objectif de réduire le délai à neuf ou huit mois me paraît plus raisonnable que celui de six mois. Ce serait déjà un progrès important, étant donné la complexité de certains dossiers.

Madame Dagoma, les crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » diminueront en effet de 7,5 % en 2013, passant de 71,6 millions à 66,2 millions d'euros. Cette diminution est conforme à la norme d'évolution des crédits d'intervention décidée par le Premier ministre. Néanmoins, en tenant compte de la hausse des fonds de concours européens, la baisse des crédits est limitée à 3,5 %. Cette évolution ne traduit pas un désintérêt pour la politique d'intégration des étrangers sur notre territoire, mais rend nécessaire un recentrage sur les priorités. L'essentiel de la politique d'intégration est porté par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont le budget atteint 188 millions d'euros en 2012, soit près du triple des crédits du programme 104. La baisse de ces derniers affecte la subvention de l'État à l'OFII, principalement financé par les taxes, et à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration pour laquelle le ministère n'est qu'un contributeur parmi d'autres. Le budget de l'OFII pour 2013 préserve cependant les actions relatives à l'apprentissage du français à leur niveau de 2012. Les actions d'intégration des étrangers en situation régulière diminuant pour leur part de 3,2 millions d'euros, je souhaite les réorienter vers les étrangers arrivés récemment, pour financer en priorité l'apprentissage de la langue et l'accompagnement des familles primo-arrivantes vers une meilleure connaissance de l'école. Enfin, j'ai tenu à ce que les actions d'intégration des réfugiés soient sanctuarisées.

Nous pourrons revenir dans un autre contexte sur les grands axes de la politique du Gouvernement en matière d'intégration ; je me contente de signaler que le Premier ministre a confié au conseiller d'État Thierry Tuot une mission de réflexion sur la notion d'intégration et sur le portage administratif de la politique qui y est attachée. Nous aurons également l'occasion de reparler du projet de loi qui devrait être déposé au premier semestre 2013, visant à créer un titre de séjour pluriannuel susceptible de donner davantage de stabilité et de visibilité à ses titulaires.

Dans son arrêt du 27 septembre, la CJUE a considéré que les conditions d'accueil devaient être ouvertes aux demandeurs d'asile dont le dossier a vocation à être traité par un autre État membre en vertu du règlement de Dublin. Cela implique un hébergement d'urgence jusqu'au transfert effectif des demandeurs, alors que cet hébergement leur est ouvert actuellement jusqu'au mois suivant la décision d'admission, et l'ouverture de droits à l'allocation temporaire d'attente. Comme vous l'avez noté, l'impact financier sur les dépenses d'ATA de cette décision, intervenue après les arbitrages budgétaires, n'a pas été intégré dans le projet de loi de finances pour 2013 ; la France devra néanmoins respecter ses obligations. Une mission d'inspection doit se pencher très prochainement sur les modalités de gestion de l'ATA pour en identifier les marges d'amélioration, dans le respect des obligations légales de versement.

Monsieur Mennucci, nous avons décidé de modifier le dispositif d'accès à la nationalité française. Comme vous l'avez rappelé, ces dernières années, l'accès à la nationalité française a été entravé, ce qui s'est traduit par une baisse significative des naturalisations. La volonté du Gouvernement est de changer la donne, pour refaire de l'accès à la nationalité un moteur puissant de l'intégration.

Il ne s'agit pas d'ouvrir un grand débat sur la nationalité. Au cours de la législature précédente, j'ai présidé une mission sur la nationalité dont M. Goasguen était le rapporteur, et notre première audition fut celle de Pierre Mazeau. Cet ancien président du Conseil constitutionnel avait également été un parlementaire éminent, président de la Commission des lois à l'époque de la Commission Marceau Long que vous avez évoquée. C'est fort de toute sa sagesse qu'il nous a alors conjurés de ne plus toucher au droit de la nationalité. Ce type de débat – comme celui sur l'identité nationale, il y a deux ans – déchire la société française, et nous n'en ouvrirons pas de nouveau. Un cadre juridique existe, auquel Mme Guigou a beaucoup contribué comme garde des sceaux ; son application est assurée par des circulaires, comme celle que j'ai récemment signée – et vous en conviendrez, monsieur Larrivé, il y a quand même une différence entre une circulaire signée d'un ministre et un mail non signé.

Tout cela implique un travail important qui ne peut pas s'accomplir en quelques semaines. Une mission d'inspection qui examine en ce moment l'ensemble du dispositif pour me faire des propositions d'évolution, y compris d'évaluation organisationnelle, me remettra son rapport à la mi-novembre ; vous-mêmes, parlementaires, effectuez également un travail de qualité sur ces questions. Mais nous avons souhaité parer à l'urgence en revenant sur les critères les plus discriminants – le temps de présence sur le territoire national, l'âge, la détention d'un CDI – à l'origine de près de 70 % des refus de naturalisation. Soyez rassurés, avec les nouveaux critères, les futurs naturalisés seront de bons Français, et non des « Français au rabais » comme certains l'ont prétendu. Qui peut douter un seul instant de la volonté de ces personnes de s'intégrer dans notre société et d'être des citoyens faisant vivre nos valeurs ? Il s'agit de respecter les droits et les devoirs de chacun : si le Premier ministre a décidé l'abandon du QCM, nous maintenons le niveau d'exigence de maîtrise de la langue française, à laquelle je suis très attentif, ainsi que le principe d'une attestation, qui devient gratuite. Au total, je souhaite mener un travail ambitieux en matière de naturalisation, sans engager de polémique, mais en essayant de corriger le dispositif pour le rendre juste, transparent et efficace.

Vous avez évoqué la création de plateformes interdépartementales pour l'examen des dossiers de naturalisation. Je n'exclus pas de proposer en effet la mise en place d'une nouvelle organisation qui contribuerait à rendre le dispositif plus juste et plus transparent, qui simplifierait le traitement des dossiers tout en restant réaliste et compatible avec les moyens dont disposent les préfectures. Le cas échéant, j'examinerai la proposition de création de ce type de plateformes fondé sur le principe de la professionnalisation et de la mutualisation des pratiques des agents des préfectures. Toutefois, une telle mutualisation peut parfois soulever des problèmes s'agissant notamment des demandeurs d'asile, comme M. Grandguillaume le sait fort bien. Quoi qu'il en soit, nous tirerons tous les leçons de l'examen que nous nous apprêtons à réaliser.

Les conditions d'accueil des étrangers en préfecture, monsieur Grandguillaume, madame Dagoma, doivent en effet être satisfaisantes tant sur le plan du confort que de la discrétion. Il faut prendre sans tarder des mesures concrètes en ce sens. Cela constitue d'autant plus une priorité que la situation demeure inacceptable dans nombre de départements. Les personnes concernées attendent trop longtemps, elles sont parfois refoulées, des trafics se développent même pour accéder à la préfecture. C'est inacceptable ! Lorsque j'habitais en face de la préfecture de l'Essonne, j'ai été témoin de pareilles situations dont sont victimes, je le rappelle, des étrangers en situation régulière.

Les contraintes auxquelles nous sommes confrontés sont connues. La demande d'accueil s'est stabilisée depuis quelques années à un point haut avec près de 800 000 titres délivrés par an et 4,5 millions de réceptions aux guichets. Le nombre des étrangers accueillis augmentera toutefois puisque la biométrisation des titres oblige ces derniers à se déplacer en personne au guichet pour prendre leurs empreintes. Autre conséquence : le transfert en préfecture et en sous-préfecture de l'accueil réalisé jusqu'ici par les mairies ou les universités. C'est dans ce contexte que j'ai demandé là aussi à l'Inspection générale de l'administration de remettre un rapport faisant un point objectif de la situation et proposant des pistes d'amélioration.

S'agissant de la communication au Parlement des taux de décisions défavorables et des motifs sur lesquels elles se fondent, comprenez-moi, monsieur Mennucci : en mettant immédiatement fin aux critères les plus discriminants, je ne souhaite pas entrer dans une politique du chiffre ; je veux redonner à la France, sous l'autorité du Président de la République, des raisons d'être fière de son histoire et de ses valeurs. La chute du nombre de naturalisations que nous connaissons et sur laquelle vous avez insisté résulte d'une politique de repli. C'est précisément cela que nous voulons changer. Je veillerai à l'application de la première circulaire que j'ai envoyée aux préfets comme à celle de la circulaire cadre qui sera élaborée au début de l'année prochaine.

L'indicateur du nombre de refus n'est à cet égard pas suffisant. Il convient d'en analyser les motifs, travail forcément lourd et compliqué. Je me suis prononcé en faveur de la transparence du dispositif et, là encore, j'examinerai avec beaucoup d'attention votre proposition.

Messieurs Geoffroy et Ciotti, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les questions de l'intégration des politiques d'immigration dans le périmètre du ministère de l'intérieur, du délai d'examen des dossiers à l'OFPRA et à la Cour nationale du droit d'asile, ainsi que des moyens déployés.

S'agissant de la vacance du poste de directeur général de l'OFPRA, Laurent Fabius et moi-même proposerons dans quelques jours aux Commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat le nom d'un candidat que nous avons choisi pour que vous l'auditionniez. Il est en effet très important que l'OFPRA ait un directeur et il n'est pas question de réaliser des économies sur ce type de poste. Compte tenu des enjeux à venir, nous voulions choisir quelqu'un qui ait un profil d'organisateur et de diplomate. Je ne peux que vous assurer de ses grandes capacités.

Monsieur Dolez, le Président de la République, au cours de la campagne électorale, s'est engagé à fixer plus précisément les critères ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour. En effet, d'aucuns peuvent avoir le sentiment que la politique menée est arbitraire en constatant les différences existant à ce propos d'un département à l'autre. J'ai donc demandé à mon cabinet et aux services du ministère d'engager la rédaction d'une circulaire en concertation avec les organisations syndicales et le milieu associatif - dont j'ai reçu personnellement les représentants - afin de clarifier les éléments d'appréciation à prendre en compte lors de l'examen par l'autorité administrative compétente.

Les catégories visées par la circulaire seront les parents d'enfants scolarisés, les jeunes majeurs et les étrangers pouvant faire valoir des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, notamment en raison de leur insertion professionnelle. La circulaire précisera les modalités d'appréciation de la durée de séjour mais, à ce stade, nous ne sommes pas encore entrés dans le détail. Il conviendra, ensuite, que le demandeur prouve son insertion dans la société française ainsi qu'une maîtrise orale minimale de notre langue et manifeste son respect des valeurs de la République. Les parents d'enfants scolarisés devront quant à eux prouver qu'ils assurent effectivement la charge qui leur incombe dans le suivi de la scolarité de leurs enfants. Comme vous le savez, l'engagement des parents auprès des enfants dans le cadre de la vie scolaire pendant plusieurs années constitue une preuve satisfaisante d'intégration sociale.

Pour les étrangers qui feront état de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, il sera tenu compte de leurs capacités à s'insérer professionnellement, en application de l'un des articles du CESEDA. Le champ de l'admission exceptionnelle au séjour par le travail sera quant à lui ouvert à tous les métiers, la procédure de régularisation par le travail n'étant plus limitée aux titulaires d'un contrat de travail dont le métier est listé par arrêté ministériel. Pour les jeunes mineurs devenus majeurs, la circulaire soulignera sans doute l'importance de prendre en considération non seulement les liens personnels et familiaux tissés en France, mais aussi le parcours de réussite scolaire et universitaire.

La circulaire sera publiée dans le courant du mois de novembre et consacrera l'engagement de François Hollande de formuler des règles claires et appliquées de façon égale pour tous et partout. En fixant des critères, elle permettra de régulariser beaucoup d'étrangers, comme c'est déjà le cas du reste – 30 000 sont régularisés tous les ans –, mais il y aura aussi des reconduites à la frontière. Cela signifie donc qu'il n'y aura pas de régularisation massive. Je l'ai déjà dit : cette politique ne se traduira pas par des évolutions sensibles en termes de chiffres, s'agissant tant des régularisations que des reconduites à la frontière. Telle est la volonté du Gouvernement. Personne ne peut en douter : nous serons extrêmement fermes. Nous sommes, en effet, dans une situation économique et sociale où il faut être très prudent. Nous ne pouvons pas nous permettre de promouvoir des politiques qui ne seraient ni acceptables ni acceptées par nos compatriotes.

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