La situation à la frontière de la Grèce et de la Turquie est en effet préoccupante, même si la Grèce, avec le soutien de l'Union européenne, a commencé à assumer ses responsabilités dans une situation très difficile. Nous cherchons à obtenir de l'aide de la part de la Turquie. Ce pays a ainsi signé une convention de coopération technique avec la Grèce sous l'égide de l'agence Frontex, laquelle est évidemment soutenue par la France. La situation demeure néanmoins très fragile et la pression migratoire est très forte à la frontière gréco-turque, comme dans l'ensemble des Balkans. Nous travaillons aussi avec la Roumanie et la Bulgarie afin de les aider à renforcer leurs frontières. Des missions ont lieu ; la Commission européenne émet des avis ; les accords de Schengen soulèvent de nombreux débats qui se poursuivront dans les mois à venir. Nous sommes allés trop vite en intégrant la Roumanie et la Bulgarie, d'où les incontestables défis et problèmes auxquels nous sommes confrontés.
S'agissant des directives relatives à l'asile, le calendrier prévu pour la fin de l'année 2012 est réaliste pour une partie des textes en discussion. Il est plus incertain pour la directive procédure, qui nécessitera deux mois supplémentaires de travail à la Commission, au Parlement et au Conseil JAI, mais l'idée est de la boucler pour le début de l'année 2013.
Certes, les débats sur le nouveau système d'asile européen ont parfois été complexes, car les visions de la Commission et du Parlement, d'un côté, et du Conseil JAI, de l'autre, n'ont pas toujours été semblables. Mais il est clair qu'une adaptation des règles est nécessaire. Ce sera le cas pour l'OFPRA, avec l'entretien en présence d'une tierce personne, et pour l'agence européenne chargée de l'asile, mise en place depuis deux ans, qui aura un rôle d'appui.
La responsabilité et la solidarité seront au coeur de ces nouveaux dispositifs avec les deux pôles du système européen, le projet pilote de réinstallation des réfugiés présents à Malte et les fonds européens. Le plan d'action pour la Grèce en est l'illustration avec la réforme indispensable du système d'asile dans ce pays.
La responsabilité et la solidarité impliquent également d'assumer la reprise des demandeurs d'asile dans les pays d'entrée, conformément au règlement de Dublin. C'est aussi mettre en place un système d'alerte précoce pour éviter que ne se reproduise la situation de la Grèce : il s'agit de déclencher très tôt un programme d'appui lorsque la situation d'un État membre devient critique par rapport à ses obligations.
Monsieur Goujon, monsieur Larrivé, cette politique ne s'inscrit pas toujours dans la continuité de mes prédécesseurs, mais il était important de faire passer le message, au premier Conseil JAI, que la France ne sortirait pas et ne menaçait pas de sortir de Schengen. Il est inutile de créer des tensions avec les pays européens, même si les discussions avec eux sont franches : si nous voulons être efficaces nous avons besoin, dans cet espace défini par Schengen, de rapports de confiance consolidés.
Monsieur Le Bouillonnec, le marché de l'assistance juridique arrive à son terme. À la demande des associations titulaires du marché, j'ai donné mon accord pour que ne soit pas republié tout de suite un marché pluriannuel. L'articulation entre rétention et assignation à résidence doit être clarifiée, et pas seulement pour les familles. Je vais m'y employer. Le travail réalisé par la Cimade, l'Ordre de Malte, le Forum des réfugiés, l'ASSFAM et France Terre d'asile est de qualité. Je ne stigmatiserai pas le rôle de ces associations, qui est très important. Je tiens à maintenir avec elles un dialogue de grande qualité, même si nous pouvons diverger sur certains sujets, ne poursuivant pas les mêmes objectifs. Je n'ai pas d'a priori, car écarter telle ou telle serait contraire à l'idée de ce marché.
Vous avez raison de souligner le problème de rotation dans les CADA. Les réfugiés doivent pouvoir accéder au logement social, d'où l'effort du Gouvernement en la matière. Les déboutés, eux, doivent être reconduits quand ils doivent l'être.
Avec le ministère en charge du logement, nous menons un important travail de coordination sur l'hébergement d'urgence. Il sera long, et je ne vous cache pas mon inquiétude au regard des sommes engagées. Je mesure le défi à relever.
Nous aurons à faire face à de vrais problèmes avec l'arrivée de populations en provenance de Macédoine, d'Albanie ou de Serbie. Il nous faudra les traiter à un moment difficile pour le pays, mais je ne doute pas que le dialogue fructueux avec le Parlement nous y aidera.
Monsieur Goujon, s'agissant de la naturalisation, le niveau d'exigence de maîtrise de la langue française est maintenu. Nous ne bradons pas la nationalité française, mais nous voulons un dispositif transparent, juste et efficace. Accueillir de nouveaux Français dans de bonnes conditions est un défi pour notre pays. Sur ce sujet, nous devrions nous retrouver.
Je vous rappelle que, lors de la mission sur la nationalité, votre collègue Claude Goasguen, qui en était le rapporteur, avait mis en cause la double nationalité avant de revenir sur cette position, et avait même émis l'idée du droit de vote pour les résidents étrangers pour mettre en cause les procédures de naturalisation. Avec une certaine cohérence, François Fillon a demandé au Président de la République de renoncer au projet sur le droit de vote des étrangers et d'examiner la possibilité d'intégrer davantage par la nationalité, autrement dit par la naturalisation. L'idée de faire baisser le nombre de naturalisations me paraît totalement contraire au projet national : ne faisons pas de ce sujet un débat entre nous.
Le taux d'occupation des CRA remonte. En juin 2011, il était de 26 %, contre 48 % pour le même mois en 2012. Il est passé de 31 % en juillet 2011 à 41 % en juillet 2012. Certes, alors qu'il était de 48 % en août 2011 et de 57% en septembre 2011, il est retombé à 39 % en août 2012 et à 45,90 % en septembre de cette année, mais je vous ai expliqué pourquoi en évoquant les conséquences de la décision de la Cour de justice et de la Cour de cassation. Monsieur Goujon, je vous propose que nous nous retrouvions à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine pour évaluer les résultats du nouveau texte de loi sur la rétention.
La double politique du chiffre pour le travail des forces de l'ordre, d'un côté, et les reconduites à la frontière, de l'autre, crée des tensions et engendre l'inefficacité. J'ai donné des consignes claires aux préfets sur les reconduites à la frontière ; elles seront poursuivies. Mais je vous le dis franchement : nous enfermer dans un chiffre nous amènera à reconduire de plus en plus de Bulgares et de Roumains. Donc, pas de laxisme, pas de naïveté, mais fermeté et justice !
S'agissant de la Roumanie, monsieur Goujon, je connais les chiffres de la délinquance en Ile-de-France, notamment à Paris, et je partage votre analyse. Lors de la réunion interministérielle sur ces questions, le Premier ministre a réaffirmé que la lutte contre le crime et la délinquance était une priorité. D'ailleurs, le travail de notre police avec nos amis roumains, mis en oeuvre par le précédent gouvernement, a donné d'excellents résultats. Je me suis rendu en Roumanie avec Bernard Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes, et le préfet de police qui a confirmé les accords avec le gouvernement roumain. Nous ne pouvons pas admettre la délinquance et l'exploitation des mineurs – mendicité, prostitution. Ces dernières heures encore, plusieurs réseaux ont été démantelés. Il y a quelques semaines, le journal Marianne a consacré un article édifiant à des réseaux dits étrangers – tchétchènes, géorgiens, roumains, bulgares – qui participent à l'organisation de la délinquance et de la criminalité. Il faut les combattre, en lien avec ces pays.
Ce que je retiens de ce déplacement en Roumanie, dans un contexte politique très particulier, c'est une volonté d'agir ensemble. Nous avons signé avec les autorités roumaines l'accord OFII, qui permet le financement de 80 microprojets pour les Roumains qui quittent la France pour retourner en Roumanie. J'ai évoqué le groupe de travail européen. Nous devons également mener un important travail avec les villes qui souhaitent appliquer la circulaire, signée par plusieurs ministres, sur les villages d'insertion et les parcours d'insertion à travers le logement, l'école, le travail. Je le dis de la manière la plus claire : ces populations ont vocation à retourner en Roumanie et à y rester. Il appartient au gouvernement roumain de faire des efforts très importants. Un grand nombre de villes se lancent dans des projets, et nous devons les aider. Si toutes les associations ne sont pas d'accord sur les villages et les parcours d'insertion, essayons néanmoins d'organiser ce débat de la manière la plus respectueuse qui soit.
Enfin, dans le cadre du projet de loi, un transfert a été opéré vers le budget du ministère des affaires étrangères, plus particulièrement du développement. Pascal Canfin m'a assuré que les obligations juridiques créées par ces accords, notamment pour le volet développement solidaire, seraient tenues. Pour l'avenir, en cas de besoin ponctuel, le ministère de l'intérieur pourra faire valoir ses priorités et proposer éventuellement la signature de nouveaux accords.
En conclusion, mesdames, messieurs, j'essaie de donner de la cohérence à une politique dans un domaine passionnant, difficile, mais que j'assume avec beaucoup d'engagement.