Je suis étonnée, monsieur Estrosi, par la manière dont vous avez formulé votre première question. Vous vous interrogez sur la capacité du Gouvernement à maintenir une politique de santé vigoureuse, apte à répondre aux besoins de nos concitoyens, alors même que j'entends sur les bancs de l'opposition et dans votre bouche même des appels récurrents aux économies et à la responsabilité. J'avoue y perdre le peu de latin qui me reste…
Les choix du Gouvernement ne remettent nullement en cause la politique de santé – je vais tenter de vous en convaincre – même si le ministère dont j'ai la responsabilité participe aux économies décidées dans le cadre d'une politique générale de responsabilité en matière budgétaire et financière, visant à un retour à l'équilibre à l'horizon du quinquennat.
Les crédits que nous examinons baissent bien dans la proportion que vous avez dite, mais cette diminution procède pour l'essentiel d'économies sur le fonctionnement, demandées en particulier aux opérateurs rattachés à la mission « Santé » ; elle se justifie aussi par l'existence des fonds de roulement importants dont disposent plusieurs d'entre eux, notamment l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et l'ÉPRUS. Le Gouvernement, dans un souci de bonne gestion, a décidé de réduire les dotations accordées à ces établissements pour les amener à consommer les réserves existantes.
Pour ce qui est des moyens humains, le plafond d'emplois accordé à l'administration centrale et aux services déconcentrés, mais également aux agences, enregistre une baisse d'environ 1 %, ce qui traduit notre volonté de maîtrise des coûts.
S'agissant des agences, monsieur le député, vous me demandez au fond de choisir entre la démagogie et le bon sens. Je vous indique que le Gouvernement a engagé une démarche d'évaluation de l'ensemble des agences et de leurs missions afin de déterminer des objectifs. Nous pouvons en effet nous interroger sur la multiplication de ces structures au cours des dernières années, multiplication qui a conduit à externaliser des missions qui auraient pu être assurées par les services ministériels classiques. Il existe, c'est vrai, des chevauchements, voire des ambiguïtés quant au rôle assigné à telle ou telle. Dans de récents rapports, l'Inspection générale des finances et le Conseil d'État ont alerté sur ce point. J'ai moi-même engagé une réflexion sur cette question en chargeant une mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances de me présenter des conclusions d'ici à la fin de l'année. J'étudierai alors les possibilités d'une réorganisation. Comme vous le voyez, nous n'avons pas d'a priori qui nous amènerait à considérer que l'existant est par définition intangible…
Vous vous inquiétez d'une éventuelle disparition des plans nationaux, en particulier des plans cancer et Alzheimer. Je voudrais vous rassurer. Nous avons assisté, au cours des dernières années, à une multiplication de plans qui n'ont pas tous été évalués. C'est pourquoi il nous paraît nécessaire de les reprendre tous dans le cadre d'une politique plus globale de santé publique. La loi de santé publique de 2004 a défini peu de priorités, ou en a énuméré tant qu'il était bien difficile d'établir une hiérarchie entre tous ces objectifs. Elle devait être revue en 2009, mais ne l'a pas été. À la demande du Président de la République, le Gouvernement présentera donc en 2013 au Parlement un projet de loi de santé publique fixant un ensemble d'orientations et de priorités.
En attendant, le Président de la République a récemment confirmé son engagement en faveur d'un nouveau plan cancer, ainsi que d'un plan relatif aux maladies neurodégénératives au sein duquel la prise en charge de la maladie d'Alzheimer aura une place particulière. Quant au plan national maladies rares (PNMR), il sera mené à son terme, fixé à 2014, et sera intégré dans notre politique globale de santé.
S'agissant de l'aide médicale de l'État, l'instauration d'un droit de timbre s'est traduite par un surcoût pour les hôpitaux, soit qu'ils aient payé ce droit à la place des intéressés, soit qu'ils aient été amenés à soigner ces derniers à un stade plus avancé de la maladie, la dépense ayant poussé à retarder le moment de consulter. Nous procéderons sur ce point comme sur les autres à une évaluation mais il nous a paru en tout état de cause justifié, du point de vue humain comme du point de vue médical ou financier, de supprimer ce droit de timbre.
Je trouve bien optimiste l'appréciation que vous portez sur l'état d'avancement du dossier médical personnalisé. Je constate que vous êtes bien informé puisque vous savez que l'ASIP m'en a fait une présentation – ce qui n'a d'ailleurs rien que de normal – mais, pour le reste… Lancé en 2004, ce dossier n'est entré dans sa phase opérationnelle qu'en 2011 ; aujourd'hui, même si personne n'a contesté l'intérêt de la démarche et même si quelque 210 000 dossiers ont été créés auprès de 160 établissements et de 4 000 médecins traitants, le déploiement de ce dispositif reste bien théorique : les professionnels de santé ne se le sont pas appropriés, sa mise en place ayant eu lieu dans des conditions qui ont suscité beaucoup d'incompréhension de leur part. En particulier, ils n'y voient pas un soutien à leur pratique quotidienne.
Au point où nous en sommes, j'ai le choix entre trois options. On peut continuer à dépenser de l'argent alors que des sommes considérables ont déjà été investies sans résultat majeur mais, compte tenu des réserves des professionnels de santé, cette option ne me paraît pas satisfaisante. On peut aussi supprimer purement et simplement le dispositif, mais la même ampleur de la dépense déjà consentie s'y oppose. Reste donc la troisième option, qui consisterait à élaborer un DMP de deuxième génération. Cela suppose la participation des professionnels à la définition des objectifs à poursuivre : ce dossier pourrait être utile, par exemple, dans le cadre des parcours de santé pour les personnes âgées ou souffrant d'une affection de longue durée. Cela implique également de revoir la gouvernance du dispositif. Quoi qu'il en soit, je n'ai ni la volonté de renoncer au DMP, ni l'intention de faire comme si son développement ne s'était pas heurté à de grandes difficultés.
Je remercie Bernadette Laclais pour l'appréciation qu'elle a portée sur ces crédits. Je voudrais vous rassurer, madame la rapporteure pour avis : la baisse de la dotation de l'État au fonds d'intervention régional sera bien compensée par un surcroît de ressources provenant de l'assurance maladie. L'enjeu est très clair : il s'agit de donner à la prévention une bien plus grande place qu'aujourd'hui dans le cadre de l'assurance maladie et de cesser d'en faire peser systématiquement la charge sur le budget de l'État en ne laissant à cette même assurance maladie que celle des dépenses de soins. Nous prônons une approche médicale plus globale, allant de la prévention aux soins, voire au suivi après les soins : il me paraissait nécessaire que cela se traduise dans la structure budgétaire des fonds de prévention.
Vous voulez être assurée que la subvention de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna permettra le maintien des stages extrahospitaliers des étudiants en médecine. La baisse que vous constatez dans le budget pour 2013 n'est qu'apparente. Le nombre encore insuffisant de maîtres de stage a conduit, au cours des dernières années, à une sous-consommation de ces crédits et, si le montant alloué pour 2013 est inférieur à celui qui figurait dans la précédente loi de finances initiale, il est supérieur à celui qui devrait effectivement consommé en 2012. Il y a donc, en réalité, une augmentation qui devrait l'an prochain permettre à 12 000 étudiants en médecine de bénéficier d'un stage extrahospitalier financé par l'État.
Pour ce qui est de la dotation de l'ÉPRUS aussi, je tiens à vous rassurer. L'État ne saurait se désengager de la gestion des crises sanitaires – c'est même l'une des priorités de mon ministère. La programmation 2013-2015 a été établie en tenant compte des recommandations faites par le Parlement après l'affaire de la grippe H1N1, recommandations qui ont conduit à des réorganisations.
La prévision de dépense liée aux produits de santé s'élève à 26,5 millions d'euros, cofinancés à parité par l'assurance maladie et par le budget de l'État ; 12,8 millions iront au renouvellement des produits et 13,7 millions à leur stockage et à leur distribution. Au 1er septembre 2012, l'ÉPRUS détenait des stocks pour une valeur totale d'un peu moins de 700 millions d'euros.
L'ANSM est notre agence de référence pour les produits de santé, qu'il s'agisse des médicaments ou des dispositifs médicaux. L'affaire du Mediator a eu un impact considérable – votre commission en sait quelque chose – sur l'organisation de la sécurité des produits de santé, puisqu'elle a abouti à une réorganisation de cette agence. Notre objectif a été de préserver ses ressources, au moment même où l'ensemble des services de l'État et de ses opérateurs voyaient leurs crédits de fonctionnement et leurs effectifs se réduire. Nous sommes parvenus, je crois, à un équilibre, le niveau des crédits tenant compte de l'importance des missions confiées à l'ANSM – missions qui seront bien sûr évaluées par l'IGAS et par l'IGF dans le cadre de la mission conjointe que j'ai évoquée. Ils doivent notamment permettre de procéder aux recrutements nécessaires, aussi bien en interne qu'en externe.
L'une des missions de l'ANSM pourrait être de développer un service public d'information sur le médicament. Le succès qu'a rencontré il y a peu un livre grand public sur les médicaments en témoigne, il est nécessaire d'assurer à nos concitoyens une information transparente. Je souhaite qu'une première base de données publique sur le médicament puisse être mise à leur disposition d'ici l'été prochain. Elle devrait être l'un des éléments d'un service public d'information en santé plus large, qui porte par exemple sur la qualité des établissements et des parcours de soins ou sur les tarifs des professionnels de santé.
Les défis qu'aura à relever cette jeune agence supposent un réel investissement de la tutelle pendant la période de transition. Nous avons donc fait en sorte que toutes les informations pertinentes, que ce soit en termes de sécurité sanitaire et d'innovation ou d'organisation interne, remontent au ministère. Je suis moi-même de très près ce qui se passe à l'ANSM.