Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 6 novembre 2012 à 21h00
Commission élargie : santé

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Les questions posées ce soir montrent la difficulté de distinguer ce qui relève du budget de l'État et ce qui relève du budget de la sécurité sociale. Dans le cadre du débat que nous pourrons avoir sur le financement de la protection sociale, c'est d'ailleurs un sujet qu'il conviendrait d'aborder : faut-il ou non établir une séparation entre le financement assurantiel, d'une part, et le financement d'État par le biais de la fiscalité, d'autre part ? Ces derniers mois, on a souvent entendu dire que la politique familiale devrait relever du second. Je ne me prononce pas sur ce point mais, en matière de santé, si certains sujets relèvent clairement de la solidarité, je note que, souvent, il n'est pas si aisé de tracer la frontière.

Madame la présidente, le budget de la Haute autorité de santé a été élaboré dans le cadre du plan de réduction des dépenses de fonctionnement de l'État. Elle subit une réduction de 1,5 % de ses effectifs et devra appliquer un plan d'économies complémentaires. Sachant que son fonds de roulement s'élève à un peu plus de 22 millions d'euros, nous ferons en sorte de maintenir ses missions, importantes, et nous aurons même le souci de lui permettre de répondre plus rapidement aux questions qui lui sont posées.

À l'expérience, il est apparu que la taxe médico-économique bloquait plus qu'elle ne favorisait le développement de son travail d'évaluation. La suppression de cette ressource représente une perte de 30 000 euros, mais est largement compensée par l'élargissement de l'assiette de la taxe sur la promotion du médicament.

Monsieur Door, l'aménagement du site de stockage de l'ÉPRUS a Vitry-le-François a coûté 32 millions d'euros. S'agissant plus généralement des agences et opérateurs de santé, autant je partage l'idée qu'une évaluation de leurs rôles respectifs s'impose, autant je doute de la pertinence de comparaisons avec les pays voisins du nôtre : le fait que la Grande-Bretagne compte deux fois moins d'agences que la France tient pour beaucoup à une répartition différente des compétences au sein du système de santé.

Pour ce qui est du stockage du DMP sur clé USB, j'observe d'abord qu'entre mars 2010, date à laquelle vous avez fait adopter par l'Assemblée votre proposition de loi, et mai 2012, le précédent gouvernement aurait eu tout le temps de prendre les décrets nécessaires pour cette expérimentation. Les difficultés sont en fait venues de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) qui, après avoir émis des réserves sur le principe même de ce dispositif, a rendu en mars dernier un avis défavorable au projet de décret préparé par la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Le travail étant à reprendre, la question est de savoir si l'on poursuit le projet ou si l'on propose une solution alternative. En effet, sans condamner absolument l'utilisation de la clé USB, il faut bien voir que, détenu par le patient, ce support ne permet pas d'atteindre l'objectif d'un dossier médical partagé, auquel les professionnels de santé pourraient accéder en tant que de besoin.

Enfin, si l'on devait, comme je le souhaite, engager des expérimentations en vue de réduire les risques liés à l'usage de drogues, celles-ci seraient financées, non sur le budget de l'État, mais sur le budget du secteur médico-social de l'assurance maladie.

Monsieur Bapt, un décret de juin 2011 a en effet retiré l'hypertension artérielle de la liste des affections de longue durée et le Conseil d'État, saisi, a confirmé la légalité de cette décision. Sont concernées 44 000 personnes par an, pour un coût d'environ 23 millions d'euros. L'enjeu financier est donc relativement limité mais une évaluation s'impose et je ne peux donc pas vous donner ce soir une réponse plus précise. Soyez cependant assuré que nous allons regarder cette question de près.

La tarification des urgences est un sujet que nous aborderons forcément lorsque nous définirons les structures à établir pour garantir à chaque Français qu'il pourra accéder en moins de trente minutes à des soins d'urgence.

Monsieur Decool, vous m'avez posé des questions extrêmement précises ! Vous m'aviez d'ailleurs écrit au sujet de l'une d'entre elles, et il me semble bien vous avoir répondu.

La Commission de la transparence vient effectivement de réévaluer le service médical rendu par le Jevtana. En conséquence, entre juillet dernier et aujourd'hui, ce médicament est passé de la catégorie V à la catégorie III, mais rien n'interdit de s'interroger sur le bien-fondé de cette décision.

La création d'une unité hospitalière consacrée au traitement de la fibromyalgie relève de la décision des ARS, dans le cadre des projets de santé territoriaux. Je ne suis pas opposée, pour ma part, à ce qu'on évalue le nombre d'enfants concernés. Cela étant, cette maladie ne figure pas sur la liste des ALD, établie par décret après avis de la Haute autorité de santé. On a en effet considéré que sa gravité et son évolution étaient trop variables d'un patient à l'autre. Les patients souffrant de pathologies non classées en ALD peuvent toutefois, dans certains cas, bénéficier d'une prise en charge à 100 % au titre d'une affection dite « hors liste ». La situation n'est certes pas fréquente ni facile à définir, mais c'est, je le répète, une possibilité, même s'il est vrai que la fibromyalgie n'entre généralement pas dans les critères exigés pour bénéficier de tels remboursements.

Monsieur Perrut, la nouveauté en ce qui concerne le plan cancer consistera dans l'adoption d'une approche territoriale et dans l'inscription des politiques de prise en charge dans le cadre des parcours de santé, mais aussi de parcours « après cancer » car nous entendons suivre les patients une fois qu'ils seront entrés en rémission. Le contenu précis du plan sera arrêté lorsque nous élaborerons la loi de santé publique. Il en sera de même du plan Alzheimer mais, jusqu'au milieu de l'année prochaine, nous allons en outre, comme le souhaitent d'ailleurs les associations concernées, nous attacher à évaluer les dispositifs territoriaux tels que les maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (MAIA). Notre objectif est de déterminer comment ils peuvent s'articuler entre eux et de faire le tri entre ceux qui pourraient être abandonnés et ceux qu'il conviendrait au contraire de développer – étant entendu que leur efficacité dépend souvent de leur inscription dans une stratégie locale d'ensemble, ce qui complique d'ailleurs ce travail d'évaluation.

Il convient de distinguer, monsieur Delatte, entre le fonds d'intervention régional, doté de 40 millions d'euros venant de l'assurance maladie, et le financement de la politique globale de prévention. Il est en vérité difficile d'identifier les dépenses spécifiquement dédiées à la prévention, prises en charge par l'assurance-maladie comme vous le souhaitez, dans la mesure où elles sont le plus souvent mêlées aux dépenses de soins. Ne sont guère identifiés en tant que tels que les financements de l'éducation thérapeutique, de certaines actions très ciblées ou de certains plans. Quant aux études, l'augmentation que vous relevez est minime, puisque ces 2 % s'appliquent à un montant de 2,5 millions d'euros. Et il ne me paraît pas anormal qu'on se préoccupe, notamment, de pharmacovigilance.

Même si le coût des dépenses fiscales auxquelles vous vous êtes intéressé est assez modeste, monsieur Sebaoun, le souci de réviser ces dépenses à intervalles réguliers me paraît légitime – ce ne serait du reste que conforme à la loi de programmation des finances publiques. Instituée en 2005, l'exonération d'impôt sur le revenu de la rémunération perçue au titre de la permanence des soins par les médecins installés dans certaines zones rurales ou urbaines visait à encourager l'installation dans des zones à faible densité médicale. Pour 2013, le coût de cette mesure est évalué à 7 millions d'euros pour 3 570 bénéficiaires identifiés en 2011. Celui de l'exonération des plus-values réalisées à l'occasion de la reconversion des débits de boisson est estimé à 2 millions d'euros par an. La disposition date en effet de 1995 et n'a été revue pour la dernière fois qu'en 1993. Même si ces sommes sont donc minimes, il vaut toujours la peine d'y regarder à nouveau.

Madame Biémouret, je suis plutôt favorable à la création de structures de gestion des dépistages, ainsi qu'à l'harmonisation des procédures en la matière. L'idée d'une régionalisation est loin d'être absurde et a d'ailleurs été appliquée en Franche-Comté. Nous pouvons donc examiner si ce modèle est généralisable. Quoi qu'il en soit, il faut au minimum une harmonisation qui faciliterait les mutualisations et l'élaboration d'un référentiel.

Il y a quelques semaines, monsieur Reitzer, mon cabinet a reçu, en présence de représentants du ministère du budget, les trois associations de transfrontaliers travaillant en Suisse, qui s'inquiétaient d'une possible remise en cause du régime transitoire prévu pour s'appliquer jusqu'en mai 2014. Nous avons défini un programme de travail afin d'arrêter les modalités de sortie de ce dispositif ainsi que les mesures d'accompagnement nécessaires. Vous aurez donc compris qu'il n'est nullement question de prolonger cette dérogation au-delà de la date fixée.

De nombreuses questions, parfois très précises, ont été posées concernant la démographie médicale, alors même que le sujet relève du débat sur le PLFSS ! À M. Pierre Morel-A-L'Huissier qui m'a demandé si le Gouvernement avait tranché entre incitation et coercition, je répondrai nettement : oui ! Nous ne sommes pas favorables à la coercition : le Président de la République l'a dit non seulement en tant que candidat mais également après son élection, et il l'a encore répété il y a quelques jours devant le congrès de la Mutualité à Nice. Aucune mesure coercitive n'est susceptible d'être efficace. Cependant, même si notre position est claire, je souhaite mettre les points sur les « i » car j'entends parler de mouvements de grève chez les jeunes médecins – étudiants internes ou chefs de clinique – , qui s'inquiéteraient de l'adoption de telles mesures : il n'y en aura pas ! On peut émettre des doutes sur notre façon de travailler, mais il ne faut pas agiter des épouvantails que le Gouvernement ne sort même pas de ses tiroirs !

Quant à l'incitation, j'ai effectivement l'intention de pérenniser les contrats de service public. Nous avons même augmenté les crédits prévus à cette fin, afin de financer une partie des études des médecins généralistes acceptant ainsi de s'installer dans certains territoires, et nous avons de plus élargi le dispositif aux chirurgiens-dentistes.

En outre, deux cents contrats de praticiens territoriaux ont été signés en 2012. Ce mécanisme ne constitue cependant que l'un des éléments de réponse au problème de la désertification médicale et je présenterai dans les semaines qui viennent tout un ensemble de mesures.

Nous déterminerons, avec les ARS, les territoires à privilégier pour ces contrats, sans restrictions préalables car de nombreuses zones sont concernées. Dans bien des cas, il s'agira de faciliter le remplacement de médecins sur le point de partir à la retraite, et non d'installer de nouveaux praticiens dans des secteurs déjà désertifiés. Pourra ainsi s'organiser la transition entre un généraliste et son successeur. Toutefois, tout ne peut dépendre d'incitations financières : celles-ci jouent un rôle important au moment de l'installation et durant les deux premières années d'exercice, mais n'ont pas vocation à être maintenues au-delà. Le mécanisme permet donc seulement de garantir au médecin nouvellement installé un revenu annuel minimum de 54 000 euros, grâce au versement d'un complément permettant d'atteindre cette somme.

Ce dispositif doit bien sûr être complété par d'autres mesures : organisation de stages médicaux, simplification des contraintes administratives, etc.

Le financement des maisons pluridisciplinaires de santé est maintenu. Mais celles-ci doivent porter des projets territoriaux de santé et ne pas se limiter à offrir un cadre de travail à des praticiens qui exercent déjà ailleurs.

La régionalisation du numerus clausus, souvent évoquée, ne me paraît pas de nature à résoudre le problème de la démographie médicale. En effet, la plupart des nouveaux médecins s'installent dans la région où ils ont fait leurs études et, de préférence, dans la capitale régionale. Je peux citer à cet égard les exemples de Tours et d'Orléans. Du coup, le sud de l'Indre-et-Loire et la partie la plus rurale du Loiret continuent de manquer de praticiens.

On compte aujourd'hui 5 537 gynécologues obstétriciens et 2 100 gynécologues médicaux. Le problème ne réside donc pas dans leur nombre, qui paraît suffisant, mais dans leur répartition géographique. Il existe plusieurs types de déserts médicaux : ceux, bien sûr, qui manquent de généralistes, mais aussi ceux où certaines spécialités font défaut. Certes, on accepte plus facilement de parcourir davantage de kilomètres pour un consultation spécialisée. Encore faut-il que la distance soit acceptable. Certains spécialistes cherchent légitimement à s'installer à proximité d'établissements de santé. C'est pourquoi la suppression d'établissements de proximité peut nuire à la présence de médecins libéraux.

La question que vous avez posée, monsieur Véran, sur un éventuel pilotage des ARS par une agence nationale de santé, est une question difficile. On aurait pu, dans la loi HPST, faire le choix d'une agence indépendante. Aujourd'hui, les ARS s'adressent directement au ministère de la santé. Un secrétaire général est spécifiquement chargé de suivre leur action dans le cadre d'un comité national de pilotage qui se réunit tous les quinze jours. Des orientations précises leur sont alors données afin d'harmoniser, sur l'ensemble du territoire, les politiques menées tout en prenant en compte les spécificités locales.

Notre objectif n'est évidemment pas de trouver des dépenses afin de consommer les réserves accumulées par l'INPES dans son fonds de roulement, madame Le Callennec, mais d'utiliser ces réserves pour les actions de l'année à venir.

J'ai pris bonne note des troubles que causeraient aux animaux les lignes à très haute tension… Nous allons examiner la question, en nous préoccupant surtout des humains.

Un appel national à projets, doté d'un peu plus de 500 000 euros, est lancé dans le cadre des programmes de prévention des addictions. Parallèlement, les ARS continuent de lancer sur leur budget, dans le même domaine, des appels à projets régionaux.

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