Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur Yves Blein, madame la rapporteure pour avis, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, nous voici donc arrivés à la seconde lecture de ce projet de loi par votre assemblée, qui sera la dernière. L’achèvement de l’examen parlementaire d’un texte est toujours en soi une satisfaction, car il nous rappelle qu’après le temps du débat, si riche soit-il, vient le temps de l’action, le temps de son application.
Pour ce texte en particulier, cet achèvement est aussi une satisfaction du fait de la richesse des débats auxquels il a donné lieu, qui ont permis de mettre en lumière l’économie sociale et solidaire. Votre rapporteur, Yves Blein, y est pour beaucoup, et je tiens à saluer la qualité de son travail. Nos discussions et nos débats ont révélé que de nombreux députés s’intéressent à l’ESS et que cette économie, encore trop peu connue, fait partie de notre quotidien.
Au moment où va débuter ici la seconde lecture de ce projet de loi, je souhaiterais revenir brièvement sur quelques points. Grâce aux débats parlementaires qui ont été de grande qualité, le texte enrichi qui vous est présenté aujourd’hui porte en lui l’implication et l’engagement de chacun. Il était important que le projet de loi trouve le bon équilibre entre les entreprises statutaires de l’ESS et les sociétés commerciales. C’est le cas, et je m’en réjouis. Ce texte est aussi riche de propositions concrètes pour nos concitoyens ; il concilie ambition et réalisme ; il concilie lucidité et audace. Les éléments précieux qui ont été apportés constituent les briques et le ciment qui permettront à l’édifice de l’ESS de grandir et de s’élever en s’appuyant sur des bases solides et raffermies.
Je me réjouis aussi que le texte auquel vous êtes parvenus soit équilibré. Il a en effet été peu modifié en seconde lecture au Sénat, puis peu retouché par votre commission. Cela signifie que nous devrions arriver rapidement à un compromis en commission mixte paritaire.
Il est temps, et même urgent, en 2014, que l’ESS soit pleinement reconnue comme partie intégrante de notre modèle de développement économique. Ce projet de loi, piloté par Benoît Hamon, co-construit avec l’ensemble des réseaux, des acteurs et des parties prenantes, et enfin avec les parlementaires, pourrait faire de la France l’un des pays les plus avancés dans ce domaine, qu’il s’agisse des moyens comme des ambitions. Il a été le fruit d’un travail gouvernemental d’équipe. Je pense bien sûr à Valérie Fourneyron, mais également à Arnaud Montebourg et Axelle Lemaire, venus dans votre assemblée travailler sur ce projet.
Je souhaiterais revenir sur quelques points essentiels. Les premier est la définition inclusive de l’économie sociale et solidaire. L’inclusivité, c’est la possibilité d’inclure dans le champ de l’ESS toute entreprise qui en respecte les principes exigeants. Il n’y a ni exclusive ni exclusion a priori. Le dispositif proposé par le Gouvernement, que vous avez retenu et enrichi, vise à placer des barrières autour de l’ESS, mais des barrières pouvant s’ouvrir à la demande de ceux qui le souhaitent, pourvu qu’ils respectent les exigences posées par l’article 1er de la loi.
Je réponds par avance aux interpellations récurrentes sur l’exclusion de tel ou tel type d’entreprise. L’ESS est un mode d’entreprendre : toutes les entreprises qui se conforment à ses principes, quel que soit leur domaine d’intervention, peuvent être accueillies dans son champ. L’ESS n’est ni l’addition de secteurs, ni l’addition d’entreprises exerçant une activité particulière. L’ESS, remplit une exigence en matière de modèle économique, et permet aussi un mode de gouvernance particulier. L’ESS ne se définit pas pour tel ou tel public ni pour telle ou telle activité. Les entreprises de l’ESS sont celles qui correspondent à la définition posée par l’article 1er.
Un dispositif comme la réglementation de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises a permis aux entreprises de l’économie classique de prendre conscience qu’une autre forme de développement économique est possible. On constate par ailleurs que de plus en plus de grandes entreprises et de grands groupes industriels s’associent, quand ils ne les organisent pas directement, à des événements ou à des initiatives leur permettant d’exposer leurs engagements en faveur d’une économie mieux maîtrisée, plus attentive à ses incidences sur la condition sociale des salariés ou sur l’environnement. Le social business est également en plein développement.
Cette évolution du système économique classique, pour respectable et intéressante qu’elle soit, ne se situe toutefois pas dans le même mouvement que l’ESS. Elle est le fait de structures qui sont des sociétés de capitaux et ont pour but de maximiser leurs profits.
C’est donc tout l’intérêt de la loi que de poser les critères de distinction entre les entreprises qui ont une vitrine sociale et celles, comme les entreprises de l’ESS, qui construisent leur modèle économique autour de principes exigeants, fondés sur une liberté par rapport à l’actionnaire et une gouvernance marquée du sceau du collectif. L’ESS, ce n’est pas la responsabilité sociale et environnementale ; l’ESS, ce n’est pas le social business. L’ESS, ce sont des exigences issues d’une longue histoire, qui remonte au XIXe siècle, fondée sur la recherche d’une alternative au capitalisme classique.
Ce texte prévoit aussi de structurer l’ESS. Ce n’est pas une loi anti-simplification. C’est par ailleurs une loi à zéro coût budgétaire car toutes les structures reconnues par la loi existent déjà. Seule nouveauté : la Chambre française de l’économie sociale et solidaire, mais c’est une association, créée par les acteurs eux-mêmes et à laquelle la loi confie des missions de représentation au niveau national.
Je souhaite enfin mettre l’accent sur la reconnaissance de l’action des territoires en faveur de l’ESS. Les territoires ont été des précurseurs dans la conduite de politiques locales en faveur de son développement et ont contribué à ce qu’elle soit de plus en plus perçue comme une composante essentielle du développement territorial et économique. C’est pourquoi je suis convaincue que les reconnaissances apportées par la loi aux initiatives locales ne sont que justice au regard de l’investissement de longue date des collectivités territoriales dans le champ de l’ESS. Les pôles territoriaux de coopération économique, ou pôles de compétitivité de l’économie sociale et solidaire, comme j’aime à les appeler, quant à eux, permettront de mutualiser les moyens, de favoriser l’innovation sociale et d’agir pour l’emploi, la formation, l’environnement et le développement durable des territoires. Cela participera au changement d’échelle de l’ESS au niveau local.
Un écosystème a aussi été créé à partir duquel davantage de financements pourront être orientés vers les entreprises de l’ESS. Je pense par exemple aux outils de Bpifrance, à la promotion des achats publics socialement responsables ou encore à la réorientation de l’épargne longue vers les entreprises de l’ESS.
Ce projet de loi entend enfin reconnaître et encourager l’esprit coopératif pour soutenir l’entrepreneuriat collectif. Ses outils, ce sont le nouveau statut des SCOP d’amorçage et le fonds d’investissement dans les coopératives, mis en place avec le soutien de Bpifrance, qui complètent le droit d’information préalable. Notre ambition est de placer les salariés en situation d’être des repreneurs et d’éviter ainsi que de nombreuses entreprises saines ne ferment, faute de repreneur.
L’ESS, ce n’est pas une économie philanthropique ; c’est une économie démocratique. Elle n’entend pas seulement réparer, mais transformer. On dit que gouverner c’est choisir. Je dirai, pour ma part, que gouverner, c’est aussi préparer l’avenir et anticiper les changements.
Nos économies sont à la recherche de sens, de durabilité, d’innovation, pour rompre avec le dogme de la rentabilité à tout prix qui a causé tant de dégâts. Nos modèles entrepreneuriaux doivent tendre vers plus de responsabilité, plus de co-construction avec les salariés et les pouvoirs publics, plus d’ancrage local, pour montrer que l’économie n’est pas coupée des réalités sociales et même sociétales.
L’ESS constitue en partie une réponse, durable et d’avenir, à tous les défis que doivent relever nos économies. Du fait de sa meilleure résilience face à la crise et de sa capacité à créer des emplois, du fait aussi qu’elle repose sur un modèle économique pas comme les autres, elle constitue une voie d’avenir.
Ce projet de loi y participe et fera de la France un modèle en matière de développement économique équilibré. Nous avons donc l’ambition, partagée avec la représentation nationale, d’en faire l’une des grandes lois économiques du quinquennat.