Permettez-moi tout d’abord d’adresser un message de sympathie à Valérie Fourneyron, qui a contribué à l’élaboration de ce texte et à qui je renouvelle, en notre nom à tous, mes voeux de prompt rétablissement.
L’édition 2014 de l’Atlas commenté de l’économie sociale et solidaire, qui vient de paraître, nous renseigne très utilement sur l’évolution du poids de l’économie sociale et solidaire dans l’économie nationale, particulièrement en termes d’emploi. Je salue d’ailleurs, au passage, les auteurs de cet ouvrage et les animateurs de l’Observatoire national de l’ESS, lequel collecte, au fil des années, des données précieuses sur le secteur.
Cet atlas nous dit que, sur la période observée, l’économie sociale représentait 8,8 % des entreprises, 9,5 % des établissements et 10,3 % de l’emploi salarié en France. Dans l’économie française, une entreprise de plus de cinquante salariés sur dix relève de l’économie sociale. Ce sont 2,3 millions de salariés qui travaillent dans ce que certains appellent le tiers secteur, représentant 13,8 % du total des emplois salariés en France.
Les associations représentent 78 % des emplois de l’ESS, les coopératives 13,2 % et les mutuelles 5,6 %. Les fondations, pour leur part, dont le développement a été très dynamique ces dernières années, probablement du fait de la diversité de leurs statuts, emploient 3,1 % des salariés de l’économie sociale.
La liste des chiffres pourrait être encore longue. Tous diraient la même chose : en à peine plus d’un siècle, l’économie sociale a affirmé un modèle d’entreprendre vertueux qui, aujourd’hui plus que jamais, permet de concilier, sans déséquilibre, l’intérêt du client, de l’usager, du salarié et du propriétaire de l’entreprise.
Ce qui fonde l’économie sociale, c’est un but autre que la seule répartition des bénéfices, une gouvernance démocratique – un homme égale une voix – et des bénéfices majoritairement consacrés au développement de l’entreprise. Cela est d’une surprenante modernité.
Après les dérapages aux conséquences incommensurables de l’économie capitaliste, dont la finance devenue folle a plongé une partie de la planète dans une crise aiguë dont elle se remet péniblement, et à quel prix, après l’effondrement des économies administrées dont il n’est pas utile de rappeler les lourdes déviances et les piètres résultats, l’économie sociale poursuit sa route à l’écart des excès financiers, humains et sociaux. Elle s’inscrit sans peine dans un modèle de développement durable prônant une gouvernance équilibrée et partagée, un usage modéré de la financiarisation des échanges et l’inscription du respect de l’homme et des ressources naturelles aux avant-postes du projet de l’entreprise, ce que font en effet, le plus souvent, les entreprises de l’économie sociale.
Il ne manquait donc qu’une chose à l’économie sociale et solidaire en France, dont d’autres pays avaient déjà pris l’initiative : une loi, non comme élément indispensable du parcours de chaque forme d’entreprendre mais comme reconnaissance par la nation d’un sujet de société durable dont elle consacre la forme et l’organisation en l’inscrivant dans les règles communes. Ce gouvernement a d’abord donné à l’économie sociale un ministère. D’autres l’avaient déjà fait, mais celui-ci a eu l’audace de le loger à Bercy, là où bat le coeur de l’économie nationale.