Si j'ai proposé au bureau de notre Commission de commander à la Cour des comptes une étude sur le recours par Pôle emploi aux opérateurs privés de placement, c'est d'abord parce que dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2012, mon prédécesseur, Christian Eckert, avait consacré au sujet un développement, sous le titre : « Une pratique coûteuse et à l'efficacité contestable ». Il y évoquait des « effets d'aubaine » et indiquait qu'il s'agissait d'« une sous-traitance de capacité et non d'une sous-traitance de spécialité comme cela avait été initialement présenté ». « Il serait plus judicieux d'augmenter le nombre de conseillers de Pôle emploi », concluait-il – sur ce point au moins, il aura été entendu !
L'enquête de la Cour montre l'absence de doctrine encadrant le recours aux OPP. Celui-ci n'a constitué, dans ces dernières années, qu'une variable d'ajustement budgétaire ; les marges de manoeuvre se réduisant avec l'augmentation du nombre de chômeurs, on a ainsi fragilisé tout un secteur économique. La Cour des comptes le montre bien, en prenant parti pour les OPP ; ce n'est pas tout à fait ce à quoi je m'attendais, mais c'est un effet intéressant de l'absence de doctrine !
Un certain nombre d'études ayant montré que les opérateurs privés obtiennent de moins bons résultats que l'opérateur public, il semblait en outre nécessaire de les évaluer. La réponse de la Cour est que les indicateurs de référence retenus ne permettent pas d'aboutir à des conclusions définitives.
Il fallait enfin expliquer la forte diminution des prestations au cours de ces dernières années et examiner si Pôle emploi disposait en interne de la capacité à faire face à des évolutions rapides sur le marché de l'emploi.
Je ne commenterai pas la totalité des conclusions de la Cour, mais je voudrais à travers quelques remarques engager le débat sur la réorientation stratégique décidée par Pôle emploi parallèlement à la préparation du rapport.
Le plan stratégique Pôle emploi 2015 prévoit une interversion des rôles entre l'opérateur public et les OPP : un seul conseiller sera désormais chargé de l'accompagnement renforcé de 70 demandeurs d'emploi au maximum parmi ceux les plus éloignés du marché du travail, le suivi des plus autonomes étant délégué à d'autres conseillers et aux OPP ; l'objectif est de réinternaliser le suivi de quelque 137 000 demandeurs d'emploi actuellement pris en charge par les OPP, et d'externaliser celui de presque 500 000 personnes.
Cela pose une première question : Pôle emploi a-t-il la capacité de répondre en interne aux besoins spécifiques de certains publics ? Par exemple, que pourra-t-il faire en matière de création et de reprise d'entreprises, ou de suivi des personnes en grande fragilité sociale ? D'où la nécessité de procéder à une expertise préalablement à toute externalisation.
Il ne faut pas non plus considérer les OPP comme une variable d'ajustement. Ils sont au contraire des partenaires, qu'il convient de faire vivre dans de bonnes conditions, en définissant des critères d'évaluation de leurs prestations, mais aussi en concluant des relations contractuelles pérennes, avec une feuille de route claire : on ne peut pas mobiliser autant de partenaires en les laissant dans l'incertitude. Le rapport montre bien que la diminution du recours aux OPP est due à un pilotage défaillant et à des faiblesses juridiques ; si l'on veut favoriser la montée en puissance des opérateurs privés, il importe que Pôle emploi définisse avec précision des critères d'évaluation et de rémunération qui ne soient pas liés aux seuls résultats – surtout si l'on change le profil des publics concernés.
Une réorientation stratégique a été lancée en février dernier, qui doit être complétée dans les prochains mois par une modification du suivi des demandeurs d'emploi les plus autonomes, lequel sera désormais confié aux prestataires privés. Une telle évolution ne comporte-t-elle pas le risque de faire baisser la performance de l'opérateur public en matière de retour à l'emploi ?
Quelles sont les conditions d'une pérennisation des relations entre Pôle emploi et les OPP ? Quelle devrait être la durée des contrats pour que ces derniers puissent réussir leur mission ? Quels outils d'évaluation Pôle emploi peut-il mettre en place ?
Aux côtés de Pôle emploi interviennent aussi des cotraitants, comme les missions locales, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou les collectivités territoriales. Quelle distinction Pôle emploi fait-il entre sous-traitants et cotraitants ? Ne faudrait-il pas rationaliser le dispositif dans un souci de plus grande efficience ?