La loi organique relative aux lois de finances – LOLF – a permis d'améliorer la procédure budgétaire en amont, mais aussi, avec l'inclusion dans la loi de règlement du budget de l'approbation des comptes, en aval. Pour préparer l'examen de ce texte, nous avons auditionné M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, le 28 mai dernier, sur la certification des comptes de l'État, après l'avoir entendu le même jour, cette fois en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, sur le solde structurel des administrations publiques. Ces auditions ont été suivies de celle du secrétaire d'État au budget le 3 juin ; se sont ajoutées à cela différentes études de l'Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE – publiées au cours des quinze derniers jours, notamment le « portrait social » de la France en 2013, qui nous a fourni des éclairages sur la situation des entreprises et des ménages.
Aucun amendement n'a été déposé sur les neuf articles de ce projet de loi, incluant son article liminaire. J'organiserai mon propos en trois temps : j'évoquerai d'abord l'état de nos finances publiques à la fin de 2013, puis l'écart entre l'exécution budgétaire et les lois de finances initiale et rectificative avant d'en venir aux problèmes de pilotage budgétaire qui concernent aussi bien les dépenses et les recettes que le solde. Je reviendrai également sur la question du solde structurel, dont nous avons débattu à l'occasion du dernier projet de loi de finances rectificative pour 2014 – PLFR.
Le point essentiel qui se dégage du présent texte est le constat d'une maîtrise des dépenses publiques : après des années de hausse continue toutes majorités confondues, les efforts engagés ont permis de limiter leur augmentation à 2 % en valeur et à 1,3 % en volume, contre respectivement 2,7 % et 0,9 % prévus en loi de programmation.
Cette augmentation en valeur ayant toutefois été légèrement supérieure à celle du PIB (1,1% en valeur), comme l'a rappelé la Cour des comptes, la dépense s'est établie en 2013 à 57,4 % du PIB, contre 56,9 % en 2012. Cette évolution tient principalement à la hausse de la dépense « locale » et à l'absence de ralentissement de la dépense sociale, même s'il faut souligner une sous-exécution de 1,4 milliard d'euros des dépenses sous objectif national des dépenses d'assurance maladie – ONDAM.
Pour la première fois, les dépenses du budget général ont reflué en exécution – autrement dit en euros « sonnants et trébuchants » – de 890 millions d'euros entre 2012 et 2013, et ce malgré d'importantes dépenses exceptionnelles en faveur de l'Union européenne, qui ont atteint 8,14 milliards. Ce résultat s'explique par la mise en réserve de 6,5 milliards d'euros en début d'année complétée par un surgel de 2 milliards d'euros décidé en mars 2013, cependant que la diminution de la charge de la dette a permis une économie de 2 milliards d'euros par rapport à la prévision et 1,41 milliard d'euros par rapport à l'exécution 2012. La dépense publique a donc été contrôlée l'an dernier, ce projet de loi en atteste. Quant à la baisse tendancielle – que je mentionnerai malgré les réserves du président Carrez –, elle se serait établie selon la Cour des comptes à 3 milliards d'euros, ce chiffrage étant toutefois contesté par le Gouvernement.
J'en viens aux recettes. Le taux de prélèvements obligatoires est passé de 45,1 % à 46,2 % du PIB, le rendement net des mesures nouvelles – atteignant 29,4 milliards d'euros. Fruit des mesures correctives adoptées en loi de finances rectificative de juillet 2012 et en loi de finances initiale pour 2013, ce montant se répartit à parts à peu près égales entre les ménages et les entreprises. Par exemple, 4 milliards d'euros proviennent du plafonnement de la déductibilité des charges d'intérêts, mesure dont je rappelle qu'elle portait sur deux exercices budgétaires, de sorte que la pondération devrait être plus favorable aux entreprises en 2014, année où le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – produira de surcroît ses effets.
Les recettes de l'État ont atteint 301,2 milliards d'euros : 284 milliards de recettes fiscales nettes, 13,7 milliards de recettes non fiscales et 3,5 milliards de fonds de concours. Sur le sujet, cependant, nous souhaitons des évaluations plus fines, en particulier sur la contribution des ménages, mais je ne désespère pas d'obtenir d'ici à la fin du mois la simulation réalisée par Bercy à partir des déclarations de revenus pour 2013 de 500 000 d'entre eux.
Les efforts consentis tant en dépenses qu'en recettes se sont bien évidemment traduits par une amélioration du solde budgétaire, le déficit passant de 4,8 % du PIB en 2012 à 4,3 % en 2013, pour s'établir à 87,6 milliards d'euros. Lors de l'audition du président du Haut Conseil des finances publiques, nous avons débattu sur les parts respectives du déficit structurel et du déficit conjoncturel. Les 29,4 milliards d'euros de recettes nouvelles, par exemple, relèvent du structurel et la diminution de certaines recettes du conjoncturel, mais nous pourrons bien entendu y revenir.
Du fait de la non-stabilisation du solde, la dette a continué d'augmenter, de 84,3 milliards d'euros, pour atteindre 1 939 milliards, contre 1 900 milliards prévus en loi de finances initiale.
La croissance, moins soutenue que prévu en loi de finances initiale, a affecté l'évolution spontanée des recettes fiscales, pour les ménages comme pour les entreprises : c'est ce qui explique presque exclusivement l'écart entre la prévision – 298,6 milliards d'euros – et l'exécution – 284 milliards d'euros. Pour ce qui est des recettes non fiscales, je me bornerai à mentionner la baisse du prélèvement sur les fonds de la Caisse des dépôts et consignations,
Les dépenses nettes de l'État ont atteint 301,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 298,65 milliards d'euros en crédits de paiement, comme en 2012, les normes de dépenses ont été respectées. L'exécution n'a en effet été que légèrement inférieure au plafond fixé par les règles « zéro valeur » et « zéro volume », respectivement de 140 millions et de 3,5 milliards d'euros.
Cette bonne maîtrise de la dépense résulte d'une régulation très active au cours de l'année même : application d'une réserve de précaution, gels et annulations de crédits pour un montant de 4,39 milliards d'euros, dont 3,15 milliards relevant de la réserve de précaution. Ce sont donc bien les moindres recettes qui expliquent le décalage entre la loi de finances initiale et l'exécution, et le déficit de 4,3 %.
Les outils dont nous disposons pour le pilotage des recettes et des dépenses sont-ils suffisants ou doivent-ils être améliorés à l'occasion des prochaines lois de finances ? En ce qui concerne d'abord les recettes, pour lesquelles on constate l'écart le plus important par rapport à 2012, puisqu'il a atteint quelque 14,6 milliards d'euros – notamment grâce aux mesures nouvelles qui ont globalement, je le répète, procuré 29,4 milliards –, nous allons tenter d'obtenir de la direction générale du Trésor – dont nous avons auditionné la directrice générale adjointe, Mme Sandrine Duchêne – des éléments sur l'élasticité fiscale, car ils ne nous sont pas toujours communiqués. Nous avions aussi sollicité, il y a un an, des informations sur la sensibilité des différentes recettes fiscales au niveau de croissance, car c'est sans doute sur ce point que notre commission est la moins bien armée.
En ce qui concerne les dépenses, l'État a tenté, l'an dernier, de freiner l'augmentation des dépenses fiscales avec l'objectif de les stabiliser à 70,8 milliards d'euros ; elles ont finalement atteint 72 milliards. La Cour des comptes avait alerté sur ce point, d'autant que les crédits d'impôt, je le rappelle, seront inclus dans les dépenses publiques enregistrées en comptabilité nationale à partir de septembre 2014. Cette question, que nous avions soulevée l'an dernier à propos du CICE, se posera à nouveau dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.
Pour ce qui est des dépenses budgétaires, la gestion s'est avérée sérieuse et précise : elles ont fait l'objet de points d'étape et, au besoin, de gels. Les normes de dépenses pourraient utilement être consolidées par un élargissement à certains comptes d'affectation spéciale et à certaines taxes affectées, conformément aux recommandations du Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport de juillet 2013.
Quelques questions restent posées, comme celle des « OPEX », les opérations militaires extérieures, mais les sommes en jeu – de 500 à 600 millions d'euros – restent limitées. Un effort de lisibilité s'impose enfin sur les restes à payer, dont le volume annuel demeure important, ainsi que sur les reports d'autorisations d'engagement, en croissance en fin d'année 2013 par rapport à 2012.
En conclusion, je vous propose d'adopter ce projet de loi de règlement, qui pour l'essentiel n'est autre chose que le constat d'un résultat comptable. Le bureau de notre Commission a par ailleurs souhaité, je le rappelle, accompagner son examen d'auditions ciblées sur certaines dépenses : cela nous a permis d'entendre, le 11 juin dernier, le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages sur l'exécution des crédits consacrés aux aides au logement ; et le 9 juillet prochain, nous auditionnerons le chef d'état-major des armées, le délégué général pour l'armement et le contrôleur général des armées, sur l'exécution des crédits de la défense.