Intervention de Christophe Castaner

Réunion du 2 juillet 2014 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Castaner, rapporteur :

L'enjeu minimal, compte tenu des assignations engagées, correspond pour la SFIL à un encours de 3,137 milliards d'euros et pour Dexia de 379 millions. La provision nécessaire porte sur le capital restant dû et sur les intérêts qui doivent être calculés compte tenu de la substitution du taux légal. Elle est aujourd'hui estimée au minimum à 3,5 milliards d'euros et concerne donc essentiellement la SFIL. Elle n'a pas été mise en oeuvre sous la condition que l'État s'engage par la loi à stabiliser la situation.

À ce jour, seulement cinq contentieux invoquant un motif lié au TEG ou à ses corollaires ont été jugés en première instance – et n'ont donc pas été définitivement tranchés, de sorte que le vote de ce texte les « écrasera » aussi.

Le projet vise d'autant moins à protéger les banques américaines que l'obligation de mentionner le TEG ne s'applique pas à elles. N'oublions pas que la jurisprudence qui nous amène à légiférer trouve son origine dans le fax-type que Dexia a utilisé pour confirmer l'attribution des prêts ! Nous sommes donc confrontés à une jurisprudence parfaitement fondée et d'ailleurs constante, mais de fait disproportionnée parce que liée à une erreur matérielle. Nous sommes loin de protéger le grand capital américain des revendications des gentils responsables de petites collectivités mesurant mal la portée de leurs décisions.

Monsieur le président, nous ne couvrons pas tout. Qu'elle soit horizontale, comme celle pratiquée jusqu'à la fin de l'année 2012, ou verticale, telle qu'elle est prônée par la SFIL depuis 2013, la « désensibilisation » devra se poursuivre. En effet, le risque existe encore et de nombreux recours sont toujours susceptibles d'être déposés – j'ai déjà cité le cas de la communauté urbaine de Lille qui a gagné son procès pour défaut de conseil et Marc Goua a évoqué les conditions de reprise des contrats par la SFIL. Le fonds de soutien doit donc être géré de façon différenciée selon que les collectivités ou établissements concernés étaient ou non en mesure d'analyser les risques pris – pour simplifier, en distinguant entre les grandes collectivités et les petites. Le taux de l'aide pourra donc varier entre 0 et 45 % et nous avons en outre prévu la possibilité d'une prise en charge des moyens de renégociation. En effet, il est des cas où il conviendra de maintenir les contrats – car la charge du risque peut parfois s'inverser – et d'autres où il s'imposera d'en sortir au plus vite.

Vous avez noté, monsieur Le Fur, que je n'exonère pas toutes les collectivités locales de leurs responsabilités. Si l'Assemblée me désigne pour siéger au sein du fonds de soutien, j'entends défendre cette approche différenciée. J'insisterai également pour que le Gouvernement fasse pression afin d'éviter tout risque de déresponsabilisation de Dexia et de la SFIL qui, à l'approche du vote de la loi, rechignent à négocier avec les collectivités locales – attitude particulièrement critiquable au moment où d'autres banques, y compris étrangères, jouent le jeu.

La question du contrôle de légalité adapté mérite d'être posée – mais je rappelle qu'un amendement de Christine Pires Beaune sur le sujet a été rejeté par notre assemblée. Monsieur Fauré, toujours en matière de contrôle, vous avez évoqué le rôle que pourrait ou qu'aurait dû jouer la Banque de France. Aujourd'hui, seule la Commission bancaire est compétente pour vérifier l'offre bancaire, mais elle ne l'était pas à l'époque où les contrats dont nous parlons ont été signés. Cela dit, je rappelle que nous sommes moins confrontés à une pratique illégale qu'à un problème de formalisme.

Vous nous demandez qui nous protégeons ? Avant tout l'État, qui a consenti des efforts considérables pour sauver Dexia et pour donner aux collectivités locales un accès au crédit. Il serait injuste qu'il se retrouve seul en première ligne pour régler des montants faramineux. Le risque global maximal de 17 milliards d'euros ne correspond pas aux seuls prêts. Il se décompose en 10 milliards, soit la totalité des encours et des intérêts des prêts pour lesquels un recours relatif au TEG peut être déposé – et seulement ceux-là –, et 7 milliards pour le coût d'extinction de la SFIL.

Madame la rapporteure générale, dans le rapport de la commission d'enquête de 2011 figure la cartographie des emprunts que vous demandez – elle comporte même une sous-classification du taux de risque en fonction du référentiel choisi pour le prêt.

Le fonds de soutien jouera un rôle primordial dans la procédure de « désensibilisation » – et non d'extinction – des emprunts. Il sera doté pendant quinze ans de 100 millions par an, provenant pour seulement 50 % de l'État et pour le reste de participations bancaires, et cette annualité peut de fait poser problème, des besoins supplémentaires pouvant se faire jour dès l'année prochaine.

Je rappelle que le risque dont nous parlons aujourd'hui est supérieur à celui que traitait le consortium de réalisation du Crédit lyonnais : les montants alors en cause se montaient « seulement » à 12,5 milliards d'euros et pourtant on en parlait beaucoup plus qu'on ne le fait aujourd'hui du problème qui nous occupe ! Concernant l'option d'une structure de défaisance, je me permets de renvoyer au rapport de la commission d'enquête de 2011, présidée par Claude Bartolone : « La commission d'enquête est arrivée à la conclusion qu'une telle structure serait à fois d'un coût insupportable pour la solidarité nationale et déresponsabilisant pour les élus et responsables locaux qui ont contracté ces emprunts. » Il me semble en conséquence logique que le ministère des Finances n'ait pas retenu cette solution.

Monsieur Goua, il est certainement possible de minorer le risque en négociant. La prévision de 3,5 milliards d'euros à inscrire dès 2014 dans le budget de l'État n'est en revanche ni minorée ni majorée. D'autre part, nous ne protégeons pas les banques américaines qui, de leur côté, ne s'encombrent pas de l'application stricte de la référence au TEG. Elles ont négocié avec Dexia sur des bases juridiques très différentes. Nous aurions peu de chances de voir une procédure aboutir favorablement si nous les attaquions aujourd'hui. Avec le fonds de soutien et l'engagement de l'État, il faut donc rendre possible la négociation. Mais la responsabilité de conduire celle-ci doit revenir, non à l'État, mais aux collectivités locales et à l'association constituée pour les accompagner.

La dette ne sera pas gérée par l'État. Monsieur Berrios, l'État est protégé, certes, mais le risque n'est pas transféré de l'État vers les collectivités locales pour la simple et bonne raison qu'il n'était pas partie au contrat d'origine. Le premier responsable reste le signataire, même si l'on peut s'interroger sur le degré de sa responsabilité.

Pour ce qui est du risque systémique, notons qu'il n'est plus évoqué par le ministère des Finances. Le seul risque de cet ordre semble être la difficulté que rencontreraient les collectivités locales pour emprunter si la SFIL se trouvait asphyxiée. D'une manière très générale, j'y insiste, nous ne nous trouvons pas dans la situation d'un risque systémique dans le secteur bancaire ; ainsi, pour le groupe BNP Paribas, sortir 6,5 milliards d'euros de son haut de bilan ne constituera pas une grande difficulté : son ratio de solvabilité s'en trouvera à peine modifié puisqu'il passera de 10,4 % à 10,1 %.

Pour ce qui est des entreprises, monsieur le président Carrez, nous avons interrogé le Trésor, qui n'a pas pu nous répondre, mais, comme l'essentiel de la difficulté tenant à la non-mention du TEG vient de Dexia, qui ne prêtait pas aux entreprises, le risque semble faible de ce côté.

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