Intervention de Olivier Schrameck

Réunion du 24 juin 2014 à 17h15
Commission des affaires européennes

Olivier Schrameck :

Monsieur Bleunven, S'agissant du sujet complexe de l'organisation du service public en région, je ne prétendrai pas être exhaustif ni définitif, alors même qu'un rapport doit être remis à la ministre par Anne Brucy, le 30 juin prochain – nous y avons participé sous la forme d'un avis, que nous n'avons pas encore rendu public, par courtoisie.

Le cas de ViaStella est en effet extrêmement intéressant : c'est une réussite, mais elle correspond à la spécifique des réalités corses, et il existe une certaine gémellité entre cette chaîne et France 3. Ce modèle peut-il être reproduit ailleurs ? Peut-être en Bretagne, mais nous n'avons pas recueilli d'indices clairs à ce sujet. Quoi qu'il en soit, nous sommes surtout animés par la volonté de maintenir à la fois un France 3 national, jouant pleinement son rôle de relai des régions, et une régionalisation importante des programmes, essentielle non seulement en termes de lien social mais aussi pour valoriser les spécificités et les réalisations régionales. L'une des quatorze remarques que nous avons formulées à propos du contrat d'objectifs et de moyens porte d'ailleurs sur la diminution relative de la régionalisation des programmes.

Les solutions diffèrent selon les territoires régionaux et selon les responsabilités qu'entendent exercer les autorités régionales. Le président Alain Rousset, dont les responsabilités en la matière sont éminentes, m'a récemment fait part de son souci de promouvoir l'offre régionale télévisuelle, dans un contexte de limitation des moyens. La palette des choix s'étend aux télévisions locales privées, au nombre de quarante-six en France, qui fonctionnent difficilement, avec un soutien inégal des pouvoirs publics : le soutien à Tv7 Bordeaux, par exemple, a dû être revu légèrement à la baisse, à hauteur de 1,025 millions d'euros, somme qui reste considérable et permet à cette chaîne de continuer à vivre. La structuration et le financement du réseau régional du service public restent évidemment au coeur de nos préoccupations, mais il faut aussi se montrer très attentif à la pérennité des initiatives locales, en liaison avec les collectivités territoriales, intervenant dans le meilleur des cas par la biais d'un contrat d'objectifs et de moyens, ou, à défaut, sous forme de soutiens indirects comme le financement et la promotion de réalisations.

Pour ce qui est d'une compétence audiovisuelle régionale, je ne peux que renvoyer au débat qui s'ouvre à propos du champ des compétences territoriales. Sur ce sujet, le CSA se doit de rester dans l'attitude de réserve que lui impose le périmètre de ses fonctions.

Madame Grelier, en ce qui concerne la place donnée à une certaine formation politique sur BFMTV, nous avons réagi très rapidement et une discussion contradictoire a été engagée avec la chaîne. Elle a fait valoir que la manière dont elle avait rendu compte de la campagne de ladite formation politique ne mettait pas toujours celle-ci en valeur. Quoi qu'il en soit, nous avons exigé de la chaîne, sous peine de sanction, un rééquilibrage dans les derniers jours de campagne, rééquilibrage qui a effectivement été constaté.

Au-delà de ce cas, chaque scrutin entraîne des problématiques particulières. Nous avons notamment une réflexion à mener à propos des formations politiques non rattachées à des groupes parlementaires ou déclarant n'appartenir ni à la majorité ni à l'opposition. Le collège devrait se pencher plus avant sur la question, qui sera sans doute soulevée dans notre rapport sur les élections européennes, comme dans celui que nous allons vous adresser sur les élections municipales.

La responsabilité éditoriale est un problème complexe. Si le Parlement souhaite encadrer davantage l'observation du pluralisme, il en a le loisir, car nous usons d'un pouvoir réglementaire qui n'est autre que l'application de la loi. Et la France est le pays d'Europe qui, à ma connaissance, possède le dispositif le plus abouti en matière de contrôle du pluralisme.

Monsieur Rogemont, nous ne pouvons nier l'effet des progrès technologiques. C'est pourquoi nous avons attiré l'attention sur les moteurs de recherche, les terminaux connectés et les magasins d'application, innovations psychologiquement contraignantes. Il faut veiller à ce que ne se créent pas des silos entravant la liberté d'exposition et de choix, aux dépens des oeuvres françaises ou européennes. Notre idée est qu'un certain nombre d'acteurs étrangers ou extra-européens sont susceptibles de s'engager dans un mécanisme de conventionnement, mais encore faut-il que celui-ci soit suffisamment attractif. Il en va, pour ces opérateurs, de leur enracinement socio-culturel. C'est pourquoi Netflix fait appel à des producteurs français et projette des séries françaises. Il faut aller plus loin, non pas avec rigidité, mais dans le cadre d'un mécanisme d'autorégulation supervisée ou accompagnée, fondé sur la labellisation et le conventionnement.

Simplement, cela suppose d'accepter le principe de préférence. Je fais référence au grand débat qui s'est ouvert sur le principe de neutralité du Net, à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne : le Parlement européen a voté, dans le cadre de la préparation du règlement relatif au marché unique des télécommunications, dit « règlement MUT », une résolution fondée sur une conception absolutisme de la neutralité du Net. Si nous voulons affirmer le principe de préférence, il nous faut défendre les idées de services gérés et d'utilisation préférentielle d'une partie de la bande passante. Il revient aux pouvoirs publics nationaux et européens d'opérer un choix.

Nous avons besoin de l'aide très active des pouvoirs publics. J'ai proposé aux autres régulateurs européens d'organiser une première réunion, en 2015, en France, à Paris. La Commission européenne a bien voulu en accepter le principe. Ce serait la marque d'une affirmation politique.

Nous possédons des atouts. Je participerai, le 3 juillet prochain, à Fontainebleau, aux assises de la création, qui seront consacrées aux séries, secteur de plus en plus dynamique de la fiction dans lequel la France a effectué des progrès très significatifs, avec une progression de 13 % des exportations. De petits pays, européens ou non, comme la Suède, le Danemark, Israël, la Turquie ou la Corée du Sud, réussissent à projeter leur culture et leurs valeurs à travers des séries.

Enfin, la directive ne constitue qu'un socle minimum : elle laisse la totale liberté aux États d'imposer des règles plus contraignantes. Notre volonté est de rehausser le socle minimum.

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