Intervention de Michel Herbillon

Réunion du 24 juin 2014 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon, co-rapporteur :

Je voudrais tout d'abord souligner que nous nous retrouvons, Christophe Caresche et moi-même, pour insister sur la nécessité d'une plus grande association de notre Assemblée au processus d'élaboration des programmes de stabilité et de réforme. C'est en effet essentiel pour nous permettre, ainsi qu'à nos concitoyens, de mieux appréhender la procédure du semestre européen et les recommandations par pays.

En revanche, je veux dire ici que, pour ma part, je juge que la politique économique mise en oeuvre par le gouvernement nous conduit dans le mur. Les travaux de la Commission européenne ainsi que le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques présenté le 17 juin dernier par la Cour des comptes me confortent d'ailleurs dans cette crainte.

En ce qui concerne tout d'abord le redressement des finances publiques, non seulement la trajectoire présentée par le gouvernement n'est pas conforme aux exigences du pacte de stabilité et de croissance – la Commission européenne l'écrit d'ailleurs noir sur blanc –, mais, en plus, il apparaît clairement que le gouvernement ne sera pas en mesure de respecter cette trajectoire. La Commission européenne et la Cour des comptes émettent toutes deux des doutes forts à ce sujet, tout comme, et je le dis sans malice, certains députés de la majorité.

Je veux d'ailleurs rappeler que la France a fait l'objet, en mars dernier, d'une recommandation de la Commission européenne, qui lui demande de prendre des mesures de correction rapides, afin de respecter les objectifs fixés par le Conseil en matière de déficit public. Notre pays a ainsi atteint l'avant-dernier stade de la procédure pour déficit excessif, qui conduit ensuite à une amende !

Certes, la Commission européenne estime, dans son analyse de juin, que la France a annoncé des mesures qui devraient permettre de respecter ses objectifs en 2014. Mais la Cour des comptes se montre très pessimiste sur la possibilité d'atteindre ces objectifs en matière de déficit public en 2014.

Pour 2015, qui est la date butoir pour revenir sous le seuil de 3 %, la Commission européenne et la Cour des comptes émettent de sérieux doutes sur la possibilité de respecter cet engagement. La Commission européenne table ainsi sur un déficit public de 3,4 %, bien loin de l'objectif de 3 % affiché par le gouvernement !

Il faut d'ailleurs reconnaître que la politique et les objectifs du gouvernement en matière budgétaire ne sont pas très documentés. Le programme de stabilité ne fournit ainsi aucun détail sur les 50 milliards d'euros d'économies, si ce n'est une répartition globale entre les acteurs publics. Un objectif d'économie est ainsi assigné à chaque entité publique et des mesures sont annoncées par ailleurs, sans qu'un lien soit établi entre les deux et sans qu'aucune évaluation chiffrée de l'impact budgétaire des mesures annoncées ne soit fournie.

La politique du gouvernement semble également hésitante. S'agissant ainsi des collectivités territoriales, la clause générale de compétence, qui a été rétablie par le gouvernement dirigé par Jean-Marc Ayrault, devrait à nouveau être supprimée par le gouvernement dirigé par Manuel Valls ! Franchement, comment s'y retrouver ? On doit suivre l'actualité jour après jour, voire heure après heure, pour savoir où cela en est. Aux dernières nouvelles, il me semble qu'elle devrait être supprimée, mais certainement que mon collègue Christophe Caresche pourra m'indiquer où nous en sommes.

Je considère par ailleurs que la politique conduite par le gouvernement en matière budgétaire n'est pas assez prudente. Je note ainsi que la France semble aujourd'hui bénéficier d'une cagnotte – les recettes issues de la lutte contre la fraude fiscale s'avérant plus élevées que prévu – et que le gouvernement s'emploie à satisfaire un certain nombre de revendications catégorielles. Il contrevient ainsi aux recommandations formulées par le Conseil l'an dernier et rappelées par la Commission européenne cette année, qui prévoient d'affecter tout surplus de recettes fiscales à la réduction des déficits.

Je pense que, pour être efficace, le redressement des finances publiques devrait reposer, non pas sur des coups de rabot comme le gouvernement le fait dans son projet de loi de finances rectificative pour 2014, mais sur des réformes structurelles. Il conviendrait, en particulier, compte tenu de son importance dans les dépenses publiques, de mieux maîtriser la masse salariale, ce qui supposerait, à mes yeux, de poursuivre la politique du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux.

Pour ce qui concerne le programme national de réforme, les propositions de recommandations de la Commission européenne m'apparaissent plutôt pertinentes. Il est en effet impératif de restaurer la compétitivité de notre économie et d'améliorer le fonctionnement du marché du travail.

La Commission européenne se montre plutôt pessimiste et semble ne pas accorder trop de crédit aux annonces du gouvernement. Sinon, pourquoi formulerait-elle cette proposition de recommandation : « prendre des mesures pour réduire encore les cotisations sociales patronales conformément aux engagements pris au titre du pacte de responsabilité et de solidarité, en s'assurant qu'aucune autre mesure n'annule leurs effets » ? On ne saurait être plus clair.

Pour ma part, je pense que la restauration de la compétitivité des entreprises et l'amélioration du fonctionnement du marché du travail supposent des réformes ambitieuses, au service des entreprises et de la croissance, qui, seules, permettront de répondre à cette urgence civique qu'est la réduction du chômage.

La précédente majorité avait voté une TVA délocalisation qui allait dans le bon sens. Le gouvernement, dès sa mise en place après les élections présidentielles, s'est empressé de la supprimer. Il a, depuis, multiplié les annonces, à tel point que ce que le gouvernement affirme donner d'une main aux entreprises, il semble le reprendre de l'autre !

En outre, l'annonce du « pacte de simplification », censé améliorer l'environnement des entreprises, tarde à se concrétiser, ainsi que le souligne la Commission européenne, qui laisse entendre que le gouvernement demeure au stade des effets d'affichage. Elle invite ainsi la France, je cite, à « prendre des mesures concrètes pour mettre en oeuvre le plan de simplification lancé par le gouvernement » !

Au total, la stratégie du gouvernement ne me semble pas adaptée aux défis auxquels la France est aujourd'hui confrontée. Le décrochage économique par rapport à ses principaux voisins européens est, à cet égard, révélateur. Je veux d'ailleurs rappeler la réunion conjointe avec le Bundestag que nous avons eue la semaine dernière. Nos collègues du Bundestag ont en effet indiqué, en termes courtois mais très clairs, qu'ils étaient lassés de voir la France donner des leçons à la terre entière et qu'elle devait s'en tenir au respect des engagements du pacte de stabilité et de croissance qu'elle a adopté.

Je voterai donc contre la proposition de conclusions présentée à la Commission des affaires européennes.

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