Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 24 juin 2014 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche, co-rapporteur :

Nous devons aujourd'hui nous prononcer sur les propositions de recommandations pour 2014 de la Commission européenne à l' égard de la France et de la zone euro, avant que le Conseil européen ne les examine les 26 et 27 juin prochains et que le Conseil ne les adopte le 8 juillet.

Je rappelle que, dans le cadre de la procédure du semestre européen, la Commission européenne n'est pas un juge. Elle ne se place pas dans un exercice disciplinaire. Il y a un véritable dialogue entre les États souverains et la Commission européenne. Ainsi, même s'il existe des incertitudes sur la trajectoire budgétaire de la France, le dialogue s'est avéré plutôt fructueux.

Sur la forme, on note, du côté de la Commission européenne, une tentation intrusive persistante ainsi qu'une vision libérale récurrente, même si je trouve que, par certains aspects, cela s'atténue. La Commission européenne tient ainsi davantage compte des spécificités des États.

En conséquence, dans les conclusions qui vous sont soumises, il est rappelé que si la Commission européenne est dans son rôle lorsqu'elle recommande d'assurer la soutenabilité des finances publiques, du système de retraite ou du dispositif d'assurance chômage, le contenu des réformes relève des États souverains.

Par ailleurs, les propositions de recommandations de la Commission européenne demeurent très centrées sur les sujets financiers et budgétaires. Même quand elle évoque les politiques macroéconomiques, la Commission européenne ne s'intéresse pas assez aux problématiques sociale et environnementale.

Les recommandations par pays sont accompagnées de recommandations propres à la zone euro. À cet égard, je me félicite que la Commission européenne partage l'opinion que nous avons exprimée à plusieurs reprises, selon laquelle les États en situation de déficit courant doivent faire des efforts mais également ceux enregistrant des excédents courants très élevés, pour que la zone euro puisse s'inscrire dans la voie d'une croissance durable. Nos amis allemands doivent comprendre qu'il est nécessaire que, dans les pays en excédent, la demande soit soutenue. Cela passe notamment par un soutien à l'investissement. Le gouvernement allemand évoque 23 milliards d'euros d'investissement public, il faudrait aller jusqu'à 50 milliards.

S'agissant plus particulièrement de la France, on note une certaine permanence dans les propositions de la Commission européenne. Il n'y a pas de choses très nouvelles ou étonnantes.

En ce qui concerne le redressement des finances publiques, la Commission européenne reconnaît les efforts accomplis. Je tiens d'ailleurs à souligner que la Commission valide les données pour 2014. Elle lève ainsi, à la lumière des mesures annoncées par le nouveau Gouvernement, sa recommandation de mars dernier. La France a effectivement réagi avec le projet de loi de finances rectificative pour 2014 que nous examinons actuellement.

Qu'il existe des incertitudes, comme le soulignent le Haut conseil des finances publiques, la Cour des comptes et mon collègue Michel Herbillon, c'est incontestable, mais il est encore trop tôt pour se prononcer sur 2014.

Pour 2015, la Commission européenne souhaite davantage d'informations de la part du Gouvernement sur sa stratégie budgétaire.

Ce qui me paraît important, c'est de considérer le solde structurel et l'effort structurel, qui mesure vraiment l'effort réalisé par le pays. À cet égard, je tiens à souligner que la Cour des comptes relève, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2014, que l'effort structurel réalisé par la France en 2013, qui a été de 1,5 point de PIB, est sans précédent depuis quinze ans.

En tout état de cause, la politique menée par le Gouvernement répond aux lignes directrices posées par la Commission européenne : assurer un redressement des finances publiques favorable à la croissance et faire porter l'effort davantage sur les dépenses que sur les recettes. Ce sera bien le cas en 2014, où l'effort portera à 80 % sur les dépenses, et en 2015, ce sera 100 %.

En ce qui concerne le renforcement de la compétitivité de notre économie et la lutte contre le chômage, la Commission européenne reconnaît les nombreuses réformes déjà engagées par le gouvernement, que ce soit en matière de réduction du coût du travail, d'ouverture à la concurrence de certaines professions et de certains secteurs ou encore d'amélioration du fonctionnement du marché du travail. Elle l'invite à poursuivre dans sa voie.

Je voudrais, en guise de conclusion, souligner que les résultats des dernières élections européennes nous conduisent à nous interroger sur la manière de rapprocher les citoyens et leurs représentants des institutions européennes.

Cela passe notamment par une meilleure association des parlements nationaux au processus d'élaboration des programmes de stabilité et de réforme.

Si les pratiques chez nos voisins européens sont très diverses, nous pourrions néanmoins nous inspirer de celles qui nous apparaissent les plus intéressantes. Ainsi, à titre d'exemple, en Allemagne, le programme de stabilité doit être transmis au Bundestag au même titre que l'ensemble des documents relatifs aux affaires européennes, ce dernier doit pouvoir exprimer sa position et, si tel est le cas, le Gouvernement doit en tenir compte dans sa négociation au niveau européen.

En Lettonie, il revient à la commission des Affaires européennes de la Saeima d'examiner le programme de stabilité préparé par le ministre des Finances, le cas échéant de l' amender et, in fine, de donner son accord à la transmission du document à la Commission européenne.

En Estonie, la Commission des affaires européennes du Riigikogu est informée du contenu du programme de stabilité, avant que celui-ci ne soit définitivement arrêté par le gouvernement, ce dernier tenant compte des avis émis par les parlementaires.

En conséquence, nous suggérons qu'un groupe de travail soit mis en place afin d'étudier toutes les options à même d'assurer notre bonne information ainsi que la prise en compte, par le gouvernement, de notre position sur les programmes de stabilité et de réforme. Le principe actuel d'un vote sur une déclaration du gouvernement ne nous semble en effet pas pleinement satisfaisant. Mais la situation institutionnelle est compliquée. Le programme de stabilité est en effet considéré comme un acte du gouvernement.

En tout état de cause, il serait utile que nous soyons associés à la phase préparatoire de ces programmes. Nous pourrions ainsi à la journée d'échanges organisée entre la Commission européenne et les ministères, les collectivités locales et les partenaires sociaux. Nous pourrions également prévoir une audition systématique du secrétaire général des affaires européennes lors de cette phase préparatoire.

Les conclusions qui vous sont soumises reprennent enfin deux points récurrents : la mise en avant du solde structurel et de l'effort structurel comme indicateur pertinent pour apprécier l'évolution des finances publiques et la question, posée par l'Italie, de l'exclusion des dépenses d'avenir dans l'appréciation de la règle des 3 %. Il me semble que le plus important est de donner aux États le temps de procéder à leur consolidation budgétaire, dès lors qu'ils s'inscrivent dans une trajectoire durable de réduction des déficits.

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