Intervention de Martin Bouygues

Réunion du 1er juillet 2014 à 17h00
Commission des affaires économiques

Martin Bouygues, président-directeur général du groupe Bouygues :

En ce qui concerne la Coupe du monde, il est d'usage, dans les gros contrats dont nous parlons, que plusieurs opérateurs se partagent l'achat des droits de diffusion. TF1 a été en première ligne lorsqu'il s'est agi d'en négocier le prix ; ensuite, contrairement à ce qui s'était passé lors des précédentes éditions de l'événement, le service public n'a pas souhaité participer, pour des raisons que j'ignore. Nonce Paolini pourrait vous éclairer bien mieux que moi sur ces points. Quoi qu'il en soit, le partage est normal, car l'on ne saurait saturer les programmes de TF1 par la diffusion permanente de matches de football.

Quant aux prix, ils sont ce qu'ils sont – très élevés, puisqu'il s'agit d'une compétition mondiale. Ils ont été négociés il y a longtemps, à l'époque où Patrick Le Lay présidait encore TF1. Cette Coupe du monde est d'ailleurs la dernière à laquelle s'applique cette négociation, et il nous a été difficile de retrouver un partenaire prêt à partager cette charge financière avec nous. Vous l'avez noté, les accords engendrent des pertes pour TF1. Depuis leur négociation, avant la crise, le monde a été profondément bouleversé et les équilibres économiques ne sont plus les mêmes. J'observe toutefois de meilleures audiences que lors de la précédente Coupe du monde, alors que la concurrence est plus vive. C'est un signe encourageant qui témoigne de l'intérêt des Français pour la compétition.

Vous déplorez que la diffusion soit partagée avec une chaîne payante, ce qui en prive un certain nombre de téléspectateurs. Je le constate comme vous, mais je n'ai pas réponse à tout. Actionnaire de référence de TF1, notre groupe doit être particulièrement attentif à l'avenir de la chaîne, dans un environnement fortement perturbé où les recettes de publicité sont très mauvaises, le marché défavorable et où les annonceurs doutent de leur capacité à vendre des produits.

Quant à LCI, on est à la croisée des chemins. J'en ai été l'un des pères fondateurs, il y a vingt ans, avec Patrick Le Lay et Étienne Mougeotte. Je ne le regrette pas. Nous nous étions fixé des objectifs, mais, pour différentes raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, nous n'avons jamais pu être diffusés correctement, de sorte que LCI n'a jamais bénéficié de l'exposition qui aurait fait son succès. Aujourd'hui, nous devons absolument lui offrir une exposition normale, afin qu'elle trouve la place qui lui revient dans le paysage audiovisuel français.

En ce qui concerne l'immobilier et le BTP, nous attendons tout simplement que le marché reparte ! Un certain nombre de dispositions ont été prises ; reste à savoir si elles seront ou non suivies d'effet. Dans ma jeunesse, j'ai exercé un premier métier que j'adorais et qui consistait à construire des maisons et à les vendre. Je connais donc bien le marché et les clients. Pour que l'immobilier se porte bien, il faut que plusieurs conditions soient réunies : que le foncier soit abordable et suffisamment abondant pour que les coûts n'augmentent pas ; que les acquéreurs puissent emprunter à des conditions favorables ; qu'ils aient confiance dans leur propre avenir – on ne s'endette pas pour vingt ans si l'on nourrit des craintes quant à son emploi. De ce point de vue, la période actuelle n'est guère encourageante.

Pour remédier à cette situation, il faut utiliser tous les leviers à notre disposition : employer les instruments de l'accession à la propriété et de l'investissement locatif ; peser sur le coût de la construction en toilettant certaines réglementations ; corriger la lenteur de certaines procédures administratives – est-il bien raisonnable qu'une demande de permis de construire soit devenue une véritable aventure ? Bref, ce sont beaucoup de petites choses qui, ajoutées les unes aux autres, relanceront la machine. Pendant sa campagne, le Président de la République a affiché des objectifs ambitieux en matière de construction de logements, et je pense qu'il avait raison ; or nous sommes loin de les avoir atteints. J'attends donc des nouvelles mesures qu'elles remettent le marché sur les rails. Je suis personnellement optimiste. Le logement repose sur un contrat de confiance entre les différents acteurs ; c'est donc un climat de confiance qu'il faut faire renaître.

Le capitalisme familial se caractérise notamment par la considération que le plus important dans une entreprise, ce sont les équipes d'hommes et de femmes qui la constituent. Quelles valeurs voulons-nous partager ? Comment entendons-nous fonctionner ensemble ? Quelles règles voulons-nous préserver ? Voilà ce qui fait la force d'une entreprise. Le capitalisme familial se caractérise aussi par la rémanence de ses efforts et de sa stratégie. Est-il plus ou moins solide que d'autres formes de capitalisme ? Il est solide dans la mesure où on ne lui fait pas traverser des tempêtes qu'il n'est pas capable d'affronter. Bouygues n'est certes pas dans cette situation. Reste que, dans les télécommunications, il était difficile de prévoir que nous vivrions une telle aventure. Après avoir longtemps investi, longtemps été en perte, après avoir été agressés, nous avions fini par parvenir à un certain équilibre économique, sans toutefois jamais atteindre, hélas ! les marges de 50 % dont il a pu être question ici ou là et qui sont totalement farfelues.

Le capitalisme familial représente, en France, une solution capitalistique utile et même nécessaire, comme en témoignent les exemples de JCDecaux, partenaire de Bouygues Telecom, ou de Michelin, merveilleuse entreprise française. Il n'est pas la panacée, mais une solution parmi d'autres, durable, intéressante et intelligente. Encore faut-il que les capitalistes familiaux puissent conserver la possession totale ou partielle de leurs entreprises et les diriger normalement. Il s'agit évidemment d'un aspect auquel je suis très attaché : Bouygues a l'originalité de n'avoir connu que deux présidents en soixante-deux ans.

Quant à l'importance du BTP dans la vie des communes, ce n'est pas moi qui la nierai ! Plus généralement, n'oublions jamais qu'une économie ne peut se développer sans investir dans ses infrastructures. De nombreux pays l'ont compris, mais pas tous – je songe notamment à l'Inde. Un pays moderne comme la France doit donc développer ses infrastructures de toute nature, et nous sommes évidemment à la disposition des collectivités territoriales comme de l'État pour y contribuer.

S'agissant des fournisseurs de matériaux, je me réjouis qu'une grande entreprise comme Lafarge devienne un leader mondial de la production de ciment. Il appartient au régulateur, c'est-à-dire aux autorités française et européenne de la concurrence, de s'assurer que le niveau de compétition demeure suffisant pour garantir la compétitivité des prix sur le marché du ciment. Je ne doute pas que ce sera le cas. Il est heureux que notre pays crée un grand opérateur mondial dans la production d'une matière première aussi importante, d'autant que nous sommes quelque peu sortis du jeu en ce qui concerne l'acier et l'aluminium.

À propos de la passerelle normande, je n'ai pas la moindre idée du poids qu'elle peut représenter : une tonne, mille tonnes ?

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