Intervention de Sébastien Huyghe

Réunion du 2 juillet 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Huyghe, rapporteur :

Institué par la loi du 30 octobre 2007, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, est chargé, aux termes de l'article 1er, de « contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux ».

Au moment de la création du Défenseur des droits, le constituant et le législateur s'étaient interrogés sur l'opportunité de maintenir en dehors de son champ de compétences le contrôle des lieux de privation de liberté au bénéfice du Contrôleur général. Grâce au travail remarquable réalisé par M. Jean-Marie Delarue, à qui je souhaite rendre hommage et dont le magistère moral, durant les six années où il a exercé cette fonction, mérite d'être salué, il n'y a plus lieu de s'interroger sur une telle absorption. Au contraire, la spécialisation du Contrôleur général a permis d'en faire, selon les propres termes de M. Delarue, « le thermomètre de l'application des droits fondamentaux des personnes » privées de liberté. Nous avons même, par la loi du 26 mai dernier, consolidé et élargi ses pouvoirs.

Le Contrôleur général est compétent pour s'intéresser à tous les lieux de privation de liberté. Assisté par une équipe de contrôleurs aux profils variés, il a le droit d'obtenir des responsables du lieu privatif de liberté « toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission » et peut s'entretenir en toute confidentialité avec les personnes qu'il juge utile d'entendre.

Le Contrôleur général et ses équipes peuvent par ailleurs visiter les lieux de privation de liberté à tout moment : ces visites, planifiées ou inopinées, ne peuvent être refusées par les autorités responsables que pour des « motifs graves et impérieux » précisément définis par la loi. Depuis 2007, 805 établissements pénitentiaires ont été visités. Les autres lieux privatifs de liberté n'ont pas été négligés : les locaux de garde à vue où se déroulent le plus grand nombre de procédures ont été contrôlés, à défaut d'avoir pu tous être visités. L'institution s'est déplacée dans la totalité des centres éducatifs fermés. À la fin de 2012, 106 des 369 établissements de soins psychiatriques sans consentement avaient fait l'objet d'une visite.

En outre, le Contrôleur général est destinataire de quelque 4 000 lettres par an, portant pour l'essentiel sur les prisons. Ces courriers sont souvent l'occasion de mener des enquêtes sur place.

En plus de son pouvoir général de recommandation, le Contrôleur général dispose du pouvoir de transmettre au procureur de la République tout fait susceptible d'être pénalement poursuivi et aux autorités disciplinaires compétentes les comportements relevant d'une procédure disciplinaire.

C'est ce travail que devra poursuivre la personne désignée pour succéder à M. Jean-Marie Delarue, parfois face à « l'inertie des pouvoirs publics » et au « mauvais vouloir des administrations ». Elle devra se saisir des nouvelles missions qui lui ont été récemment reconnues, comme l'extension de sa compétence au contrôle de l'exécution des mesures d'éloignement des étrangers ou la possibilité de formuler des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté. Pour ce faire, le Contrôleur général disposera de nouvelles prérogatives. Il pourra demander communication d'un plus grand nombre d'informations – certains procès-verbaux de garde à vue ou de retenue, informations couvertes par le secret médical –, grâce à la protection des personnes avec lesquelles il communique contre toute sanction ou pression, au renforcement du secret de ses correspondances avec une personne incarcérée et à la création d'un nouveau délit d'entrave à son action.

Madame Hazan, les réponses au questionnaire que je vous ai adressé ont été rendues publiques. Plusieurs interrogations demeurent cependant.

Tout d'abord, comment comptez-vous exercer avec une réelle indépendance et une totale impartialité les fonctions de Contrôleur général, compte tenu notamment des responsabilités politiques que vous avez exercées et de votre engagement partisan ? Vous êtes, comme chacun sait, une proche de Martine Aubry, et je ne peux m'empêcher de me demander si cette proposition de nomination n'est pas un moyen de s'attirer les bonnes grâces de celle dont on dit qu'elle serait à la manoeuvre dans l'animation des parlementaires récalcitrants. (Vives protestations des commissaires membres du groupe SRC.)

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